Avec l’arrivée de bébé à la maison, Marine ne s’attendait pas à un tel chamboulement. Glisser de l’accouchement au baby-blues puis à la dépression post-partum, il n’y a qu’un pas. Voici son témoignage.
{Témoignage} Qu’est ce qui nous a pris de faire cet enfant ?
C’est la phrase que je répète régulièrement depuis la naissance de mon fils. J’éprouve un sentiment de culpabilité mêlé d’incompréhension. Mon conjoint et moi sommes tous deux déjà deux grands enfants. Au bord de la trentaine, nous inquiétons encore nos mamans qui se demandent ce qu’elles ont fait pour mériter d’avoir des sales grands gosses. Nous leur avons tout fait et jusqu’à l’année dernière encore, nous leur racontions nos conneries avec fierté. Tous les deux bons vivants, même durant ma grossesse notre programme de la semaine était « Métro, boulot, bistro ! » (Sans alcool pour moi bien sûr) et le week-end la seule chose qui nous faisait sortir du lit est une bonne bouffe entres potes. Alors quand nous est venue l’idée de faire un mioche, on s’est naïvement dit que rien ne changerait et puis après tout, cela semblait une si bonne idée. La vie est belle, surtout lorsqu’on la brûle par les deux bouts. En bons hédonistes, on ne s’est pas posés la question un seul moment de ce qu’on pouvait apporter comme avenir à notre futur enfant. On s’aime et on se sent prêts. C’est tout.
Puis tout doucement, la réalité m’a rattrapée. Un vendredi soir. Le 13 novembre 2015. Mon mari avait exceptionnellement pris sa journée de congé pour m’accompagner au dernier rendez vous de suivi de ma grossesse. Exceptionnellement ce vendredi on n’ira pas au bar. Huitième et enfin dernier mois de grossesse. Ayant détesté l’état de grossesse, j’aborde ce dernier mois avec joie et impatience. Il sera enfin là notre garçon et notre vie pourra enfin reprendre son cours, dans la légèreté, dans la joie, dans le bruit, dans la fête. Ce soir là on apprendra avec effroi ce qui se passe dans le quartier où l’on fait toujours la fête. Nos copains, nos collègues, nos barmans. Après avoir reçu des dizaines d’appels de la famille, des copains pour savoir où on est, on réalise tous les deux ce qui se passe vraiment. Tant de violence, tant de haine, dans un contexte si festif. C’est à ce moment là que je prends ma première vraie claque. Début d’une longue série et la plus grave. « Qu’est ce qui nous as pris ? Quel genre de personnes nous sommes pour avoir fait un enfant ? Quel avenir a t’on à lui offrir ? ». Pendant plusieurs jours j’ai ressenti un énorme sentiment de culpabilité, je ne voulais plus toucher mon ventre, j’avais honte et j’étais désolée de n’avoir que ça à offrir à mon fils.
Faire un enfant c’est le pire acte d’égoïsme qui puisse et en même temps le plus beau
D’un naturel plutôt optimiste et jmenfoutiste, la légèreté a fini par reprendre le dessus. De toute façon, il est là maintenant et tout ne peut aller que vers le mieux. Nous sommes là, nous ses parents et rien ne pourra le toucher. Tout sera si beau, si facile, on vivra d’amour.. et de lait frais.
Voilà maintenant deux mois que notre fils est là et je ne cesse de me demander pourquoi on a fait ça. Je comprends maintenant cet amour inconditionnel et grandissant dont parlaient les autres mamans mais cette découverte ne s’est pas faite seule, je vis dans un sentiment d’angoisse et de culpabilité permanente. Plus mon fils grandit et plus ma légèreté s’envole. Je me sens responsable de tous les maux qu’il peut avoir et je sais que ce n’est que le début. Je me sens coupable pour ses coliques, ses crises de pleurs, pour la douleur de ses vaccins, pour tout. Quand il pleure, je pleure. La question « qu’avons nous fait » se sépare en plusieurs axes. Il y a d’abord la question de ce qu’on impose à cet enfant qui n’a pas demandé à naître mais aussi la notion d’entière responsabilité de cet être. C’est oppressant pour moi de savoir que la vie et le bien être d’une personne dépend 24h/24 de moi. J’ai deux neveux et avec eux je pouvais être tata quand je le voulais. Mais on ne prend pas de RTT du boulot de maman. Je n’avais pas du tout songé à ça avant de tomber enceinte, cela me paraissait facile et naturel. En réalité c’est totalement flippant de savoir que ce petit bout d’amour dépend de nous. Que chacun des choix que nous allons faire va impacter sa vie. Et que notre vie à nous sera régie par lui. Les soirées au bistro ne sont plus finies mais beaucoup plus compliquées et surtout plus rares. Les week-ends au lit aussi. L’arrivée d’un enfant dans la vie nous rend beaucoup plus altruiste. Mais je n’ai pas honte de dire que malgré le fait que j’aime mon fils plus que tout au monde, plus que moi même ; parfois je ressens une forme légère de regrets. Ma vie d’avant me manque, même si pour rien au monde je ne voudrais échanger ma vie de maman.
« Avons nous donc commis une action étrange ? Explique si tu peux mon trouble et mon effroi. Je frisonne de peur quand tu me dis « mon ange » et cependant je sens ma bouche aller vers toi. » (C.Baudelaire)
Sortie du contexte de son poème, ce passage explique parfaitement selon moi le dernier axe de la question « qu’avons nous fait ? ». J’ai réalisé à mes dépens qu’avoir un enfant c’est beaucoup de bonheur mais c’est s’imposer à vie du soucis. Je n’ai jamais été aussi angoissée que depuis qu’il est né. J’ai peur pour tout. Et parfois je me dis que si je n’avais pas fait d’enfant je me serais épargnée bien des soucis. S’il n’était pas là je ne serais pas à me ronger les ongles parce qu’il a une éruption cutanée ou parce que je le vois déjà partir faire ses études supérieures. Même à côté de moi il me manque. S’il n’existais pas, il pourrait pas me manquer, non ? Etre mère c’est éprouvant. Beaucoup de pleurs, beaucoup d’angoisses, mais aussi beaucoup d’amour. Et même si parfois je regrette ce coup de tête (coup de tête qui a été préparé pendant 6 mois car avant même d’arrêter la pilule j’avais arrêté de fumer et de boire en vue de la grossesse, qui elle est survenue une semaine après l’arrêt de la pilule) qui a bouleversé ma vie, à chaque fois que j’ai fini de m’anéantir sur mon statut stressant de jeune maman inconsciente d’avoir fait un enfant, je ne peux m’empêcher de serrer mon fils contre moi et de lui dire combien je l’aime et combien je suis heureuse qu’il soit dans notre vie à son papa et moi.
Quand je n’avais que de moi à m’inquiéter, quand j’étais jeune, j’ai vécu en Serbie et là bas, on dit qu’il ne faut pas en vouloir à quelqu’un qui nous fait du soucis et qui nous manque, parce que s’inquiéter pour quelqu’un et que cette personne nous manque c’est ressentir des choses, c’est ressentir de l’amour et de l’intérêt pour autre chose que soi. C’est vivre tout simplement. Alors même si je suis beaucoup moins légère que l’année dernière, je me sens beaucoup plus vivante. Alors maintenant quand je me dis « Qu’est ce qui nous as pris de faire cet enfant ? », je souris et je me dis qu’au moment même où il a été désiré et conçu, son père et moi, on se sentait putain de vivants. Bon courage à tous les jeunes parents qui se posent cette question. La réponse cul-cul mais néanmoins tellement vraie se trouve dans cet être pleine de vie. Et puis concernant leurs avenirs… il n’y a que nous, adultes, pour embellir cela.
Vous souhaitez publier votre histoire sur le blog ? C’est ici que ça se passe.
Tiphanie dit
Moi je le trouve magnifique ce témoignage. Depuis que je suis toute petite, je ne rêve que d’une chose: être maman. Ce n’est pas encore le cas mais je prend mon temps (j’ai 28 ans). Je suis très empathique et j’ai ressenti autour de moi tout le poids et l’importance de devenir parent. Souvent je me demande si dans le monde actuel ce n’est pas égoïste de vouloir être maman. Et pourtant je ne m’imagine pas autrement.
Je comprend totalement votre témoignage et ceux qui vous balance à la figure qu’il faut se réjouir et que beaucoup de couples souffrent d’infertilité sont (je suis désolée mais c’est vrai) des idiots. Pour la simple bonne raison qu’il y a des milliers de malheurs sur Terre et qu’on a le droit de ressentir et d’avoir des émotions aussi !
Quand on tombe et que l’on se casse le bras: ça fait super mal. Vous vous voyez dire à cette personne « arrêtez de vous plaindre, il y a des enfants à l’hôpital qui ont mal tous les jours? » C’est totalement ridicule.
Arrêtez de vouloir toujours minimiser le ressenti des autres. Oui ils ont de la chance, ils ont un enfant. Ils en sont conscients. Ça ne veut pas dire que tout est beau et rose. Ne culpabilisez pas les gens pour avoir des sentiments. C’est extrêmement courageux au contraire de l’admettre et de l’accepter. C’est comme ça qu’ils feront des parents formidables et que leur enfant s’épanouira !
Marine dit
Merci Tiphanie pour vos encouragements. Je me suis faite pas mal pourrir pour cet article… ça fait du bien de se sentir soutenue d’être franche. Je vous souhaite d’avoir de beaux bébés en pleine forme. Et je ne vous mentirais pas… c’est pas du « pure bonheur » tous les jours. Bonne continuation à vous.
Pastilla dit
Un enfant ça se réfléchit ça ne se fait pas sur un coup de tete. Réjouissez vous d’être parents prenez conscience de votre bonheur trop de couples ont des soucis d’infertilité.
Paloma06 dit
Totalement HS vous n’avez rien compris à ce beau témoignage qui résonne encore plus aujourd’hui que les attentats se multiplient…
saroune dit
Heu… Il faut aller plus loin dans son témoignage pour en comprendre le sens! Et pas ce bloquer au titre …
Tout à fait d’accord avec toi. Je suis enceinte et je me pose sans cesse cette question, avons nous bien fait de faire cette enfant ? Qu’allons nous lui donner comme monde?
Il aura tout l’amour possible parce qu’on sait combien il nous a été difficile de l’avoir mais l’amour n’efface pas le monde dans lequel nous vivons 🙁
Laura dit
Très beau témoignage. Merci !
Sof dit
Tout est tellement vrai, et sans doute universel. Magnifique texte. Je pense pouvoir affirmer que ces peurs du début s estompent lorsque les enfants grandissent… les soucis deviennent d un autre ordre á chaque âge qu’ils traversent. Et oui, comme toujours dans la vie, l’amour est la seule réponse et la seule posture valable à adopter, surtout dans ces moments troublés de notre monde.
Bon vent à vous deux et votre fils !
Féral dit
Chère Marine, vous ressentez pleinement le don de soi à travers vos inquiétudes. Je peux vous dire que en tant que très nouvelle gd mère, je ressens la même chose que vous vis à vis de mon petit Augustin. Je suis beaucoup plus inquiète que quand j’ai eu mes 4 enfants! j’ai peur pour lui Et pour ma fille et son mari!
Blindez vous d’amour pour cette aventure qui ne finit jamais…me rappellent mes propres parents de plus de 80 ans…qui ont toujours du mal à réaliser que leur petit fille chérie…est gd mère à son tour! Et continuez à sortir!
Clima dit
Tout à fait d’accord ! Lors des 1ères nuits à la maternité, ou je m’inquiétais et vérifiais toutes les 5 minutes si ma chérie respirait encore, je me suis demandée pourquoi on s’infligeait ça, cette peur à vie.
J’ai peur pour elle, mais aussi, et c’est nouveau, j’ai peur pour moi. Moi qui n’avais pas peur de ma propre mort, j’ai peur maintenant qu’elle n’ait plus de maman.
Mais c’est aussi un spectacle tellement merveilleux de les voir grandir et une telle chance de les accompagner dans la vie que ça en vaut la peine.
Marie-Ange dit
Je suis tout à fait d’accord, faire un enfant est certainement l’acte le plus égoïste qui soi, et l’inquiétude que l’on ressent, due à ces nouvelle responsabilité est vraiment dévorante. Je ne me rappelle pas avoir eu un jour peur d’autant de choses.
Mais j’ai parfois l’impression que mon coeur à doublé, triplé de volume depuis qu’elle est la et que par moment ma cage thoracique n’est pas assez grande pour contenir tous mon amour.
Merci pour ce témoignage, et merci pour cette rubrique. La grossesse et la parentalité vu autrement que par les magazine!
Julie dit
Bonjour,
Un enfant bouscule une vie, place la femme comme mère et cela engendre beaucoup de remaniements psychiques. Si cela devient fortement difficile à vivre il ne faut pas écarter l’idée de se faire aider. L’angoisse relative à ce nouveau statut est normale, mais quand cela devient envahissant il ne faut pas hésiter à demander de l’aide. Cela aide à ne pas culpabiliser justement et à faire avec ce que vous êtes , vous et votre famille. Bon courage à vous je suis sûre que la suite en sera plus apaisée !
lou dit
A la phrase « s’il n’existait pas, il ne pourrait pas me manquer » je répondrai que si!
Je n’ai pas d’enfant et pourtant il me manque. Il me tarde d’en avoir et j’ai toujours pensé que d’avoir des enfants était un acte égoïste mais en même temps nous espérons toujours leur offrir PLUS. Tant que l’amour et l’envie d’être heureux sont présents, Y a t’il besoin de plus?
Laurine dit
Je suis persuader que les meilleurs parents sont les plus inquiets pour eux (comme toi)
Julie / FleurDeMenthe dit
Difficile de ne pas réagir. Je me souviens que le 13 novembre, alors que la puce avait 1 mois et demi, son père n’arrêtait pas de faire des allers retours dans sa chambre pour… je ne sais pas… moi je ne pouvais pas.
Oui, c’est difficile de dire que nous leur offrons un monde gris… mais a-t-il été coloré un jour ? Je me sens différente d’avant la grossesse, mais je me dis qu’offrir chaque jour du bonheur à ma fille est un cadeau. On ne sait pas de quoi demain sera fait alors offrins leur le meilleur chaque jour 😉
Celine dit
Tellement vrai…. Merci à toi d’avoir mis des mots sur des sensations!!