F. et son chéri sont bipolaires tous les deux. Mais également infertiles. Pour avoir une enfant, ils devront donc avoir recours à une PMA. Voici son témoignage.
{Témoignage} Bipolaire et en parcours PMA
Bonjour,
Je m’appelle F, et c’est la 1ère fois que je me permets de vous écrire. Je vous suis depuis quelques mois et j’ai remarqué l’humour mais aussi la bienveillance avec laquelle vous parlez des situations que des personnes lambda comme moi vous confient.
Avec mon amoureux, nous avons décidé ensemble, il y a un peu moins de 2 ans, d’avoir un enfant. C’est une réflexion que nous avons eu ensemble, et qui n’a pas été si facile que ça de par nos vies respectives (pour faire court, nous sommes bipolaires tous les 2 et avons une vie « qui ne rentre pas dans les cases » mais qui ne nous empêche pas d’être heureux, voire même plus épanouis que d’autres…).
Suite à ça, j’ai dû l’annoncer à ma psychiatre (ayant un traitement en permanence, il fallait consulter la pharmaco-vigilance). Avec ses conseils, nous avons donc décidé de choisir l’hôpital pour nous suivre pendant la future grossesse, car il y a une unité qui peut prendre en charge l’avant, le pendant et l’après si trop d’angoisses. Toujours par rapport au traitement médicamenteux, un 1er rdv à été pris rapidement au service gynéco, et après quelques mois, un 1er verdict tombe : mon amoureux et moi sommes infertiles, il faudra donc passer par une FIV. J’avoue qu’il nous a fallu quelques semaines pour passer par-dessus la nouvelle, même si nous étions conscients que c’était une chance car nous n’étions pas stériles. À cela se rajoute un problème au niveau de nos poids (surtout du mien, puisque c’est moi qui vais être enceinte), et nous sommes donc suivis parallèlement par une endocrinologue rattachée au service.
Je précise que j’ai arrêté mon traitement psy à ce moment-là, avec le suivi de ma psychiatre. Au bout de 2 mois sans rien, c’est un échec. J’accepte de reprendre un traitement médicamenteux, le plus sûr par rapport à une grossesse. Ce n’est pas l’idéal, mais ça me permet de me stabiliser suffisamment pour continuer l’aventure. Pendant plusieurs mois, nous sommes suivis régulièrement, entre examens pour l’un et pour l’autre, endocrino, psys et compagnie… Lorsque nous recevons la copie d’une lettre de notre gynéco à la psychiatre de mon compagnon lui demandant son avis sur sa capacité à être père, là encore nous encaissons.
Environ 1 an après le début de notre parcours en PMA, on a l’accord pour tenter une 1ère FIV. Nous sommes vraiment heureux, pour nous c’est quand même rapide, mais aussi anxieux pour tout ça, d’autant plus que la stimulation se fait alors que nous passons quelques jours en famille chez mes parents. Nous avons décidé de ne rien dire concernant nos envies de bébé et notre processus de PMA à notre entourage. C’est quelque chose qui nous regarde, nous ne voulons ni pression, ni jugement. Les seuls proches au courant sont un couple d’amis et ma belle-soeur (donc mon frère) de qui je suis très proche et qui a toujours voulu que je sois la 1ère de la famille à être maman. La stimulation se passe bien, trop bien puisque ça engendre une hyperstimulation. Mise à part les désagréments physiques que ça cause et l’hospitalisation qui suit, nous sommes sur un petit nuage car nous avons 8 embryons congelés, et c’est hyper-rare, ce que l’on nous fait bien comprendre ! Pour nous vraiment, tout se passe bien : en 1 an, 1ère tentative, une stimulation qui a super bien fonctionné, donc ce n’est pas grave si je ne suis pas implantée tout de suite. Nous essayons de positiver depuis le début, et nous avons l’impression que nous sommes sur les bons rails.
L’été passe, bien sûr les annonces des grossesse de nos amis sont difficiles, mais non pensons à nos 8 petits embryons, et on arrive à garder le moral. Alors oui, quand on remarque qu’on est les derniers de notre entourage sans enfant, que certains pensent déjà au 2ème, ça fait mal, on ne peut le nier. Mais nous 2, nous savons que c’est pour bientôt. En plus, ces épreuves nous rapprochent encore plus, nous discutons énormément, et nous nous appuyons l’un sur l’autre.
Et puis l’automne arrive, divers problèmes familiaux, une envie commune de tout envoyer balader… On reçoit un contrat de l’hôpital, il faut que je reperde du poids, tant que je n’arrive pas au poids qu’ils ont fixé, pas d’implantation… Alors, on angoisse, on a peur, on perd confiance, on va encore un peu plus mal… Ma psy me monte le traitement, m’explique que reprendre l’ancien serait peut-être mieux, mais je refuse, je veux encore faire un effort. Sauf que je regrossis. Et bien sûr, c’est un cercle vicieux.
Noël est là, pas de bébé, j’ai l’impression que le rêve s’éloigne de plus en plus… On le tenait presque du bout des doigts, et là tout stagne, et nous on s’enfonce. Ma belle-soeur m’annonce alors qu’ils vont essayer d’avoir un enfant avec mon frère, ils ont prévu d’arrêter la contraception pendant l’été. Coup dur. Mon amoureux et moi sommes conscients qu’il faut se préparer à ce qu’elle tombe enceinte avant moi. 6 mois devant nous pour essayer d’avancer dans notre projet.
Seulement le projet bébé n’avance pas. On n’ose même plus imaginer qu’une ou plusieurs implantations échouent, l’équipe ne donne même pas l’aval pour un 1er transfert. Notre rêve de fonder une famille s’éloigne, en plus on a dépassé la trentaine… L’ambiance n’est pas franchement au beau fixe.
Il y a 4 jours, mon frère me téléphone, heureux, car sa femme est enceinte. Et moi, je ne m’en remets pas. J’ai donné le change la soirée, mais depuis, je ne peux plus. Je pleure, je ne sors plus de chez moi, je m’excuse auprès de mon chéri parce que je sais que pour lui aussi c’est très difficile, mais je ne peux pas l’aider. Heureusement qu’il arrive à dépasser ses émotions pour me soutenir. Je ne veux plus voir ma famille, je ne sais pas comment réagir devant eux. De toute façon, je ne contrôle plus mes sentiments. Je n’arrive même pas à me réjouir d’être Tata pour la 1ere fois. Je sais que je ne devrais pas en vouloir à mon frère, et je m’en veux de ressentir ça, mais au fond de moi j’ai ce profond sentiment d’injustice de les voir passer les étapes de la vie si sereinement (études, mariage, cdi, achat d’une maison et maintenant bébé pour ses 30 ans) que j’ai envie de hurler tellement j’ai mal. Parce que nous, nous avons encore tellement de chemin à parcourir, et qu’il y aura sûrement encore d’autres échecs a surmonter. Parce que tant que je ne remplis pas le contrat de l’hôpital, je ne peux même pas avoir une petite chance de tomber enceinte. Parce que cette attente me rend tellement dingue, parce que la vie continue, avec ses hauts et ses bas, et parce que les bas me touchent plus depuis quelques temps, donc je vais plus mal, donc je ne peux pas remplir leur contrat. Et puisque je ne remplis pas leur contrat, je vais encore plus mal, et je le remplis encore moins.
Je ne sais pas comment faire, j’ai peur de l’avenir, je suis fatiguée de devoir me battre, j’ai même peur que mon couple en pàtisse alors que je n’ai jamais douté jusque-là…
Voilà, je m’excuse de la longueur de mes paroles et vous remercie de les avoir lues jusqu’au bout. Merci aussi d’avoir pu me libérer en vous racontant une partie de ma vie.
Vous souhaitez publier votre histoire sur le blog ? Déposez votre témoignage mariage ou témoignage maternité ici.
Zelicette dit
Bonjour F.,
Je suis bipolaire, suivie depuis 10 ans, en couple, et nous avons débuté nos essais bébé.
J’espère que les commentaires négatifs ne vous ont pas trop affectée, ils me motivent d’autant plus pour écrire le mien aujourd’hui. Peut-être depuis votre témoignage avez-vous un enfant, ce que je vous souhaite de tout mon cœur, en tous cas je voulais vous dire mon soutien.
Moi aussi j’ai modifié mon traitement dans l’optique de cet enfant. C’était long et nous avons beaucoup tâtonné, au final ce n’est pas idéal mais j’estime que c’est suffisant. Dans les premiers mois sous ce nouveau traitement, j’ai été arrêtée une semaine au travail pour un épisode, mais je considère que c’est satisfaisant comparé aux fois où je restais deux mois à la maison sans avoir la force de me lever ni jamais rien comprendre, même aux phrases les plus simples. Je suis consciente que d’ici à ce que je tombe enceinte (je me projette jusqu’à un an s’il n’y a pas de problème particulier, en me fiant à mes amies enceintes ou mamans), il y aura certainement des hauts et des bas, mais je ne pense pas que ça me découragera. Je me dis que si je me décourage à la première instabilité, c’est sûr que nous n’aurons jamais d’enfant car je n’ai jamais eu une année entière sans épisode. Je ne sais pas si c’est triste ou inquiétant mais c’est comme ça, c’est ce que je constate de ma maladie par le passé et je compose avec.
Je ne suis pas de parcours PMA et je n’ai pas d’effet secondaire des traitements sur mon poids mais je compatis sincèrement aux épreuves que vous traversez, gardez courage !
Je ne veux *surtout pas* me substituer à vos médecins, mais je peux vous raconter ce que mon psychiatre m’a dit, car nous avons également beaucoup parlé de ce projet bébé. Il m’a dit que le médicament habituellement favorisé pour une grossesse est le Zyprexa, on a donc essayé, mais chez moi c’était un échec cuisant pour mon humeur (pour le coup pas suffisant du tout). J’ai finalement Lamictal + Xeroquel. Le Xeroquel est un médicament relativement récent, donc il n’y a pas beaucoup de recul sur ses effets sur le fœtus, mais (en accord avec mon psychiatre) j’ai choisi de le garder car le Lamictal seul (qui est plus sûr) ne me stabilisait pas assez. Au pire du pire, il est envisageable de faire une grossesse sous lithium (que j’avais également avant) avec une surveillance étroite et plusieurs précautions importantes, à voir avec les médecins. Si je vous dis ça c’est, comme Mary dans son commentaire, pour que vous sachiez qu’il existe peut-être des alternatives à votre traitement si celui-ci est problématique. Après, évidemment, votre appréciation du risque que vous tolérez pour le fœtus + celui que vous tolérez pour votre humeur est fondamentalement personnel.
Par ailleurs, bien que s’interroger soit compréhensible et même sain, je trouve inacceptable le fait de s’interdire *a priori* d’avoir des enfants à cause de la maladie. Peut-être dans les cas les plus graves, mais si tous les couples devaient être parfaits pour avoir un enfant, la terre serait vite dépeuplée. Oui être bipolaire sera probablement une difficulté, peut-être nos enfants nous verront-ils traverser des phases qu’il aurait été préférable de leur éviter, mais comme tout le monde non ? Dans un couple « normal » aussi il peut se passer des tas de choses : il peut y avoir des disputes, ou des problèmes d’argent, l’un peut perdre son boulot et l’harmonie à la maison s’en retrouver affectée, ou encore être diabétique de façon héréditaire. Oui il y a des problèmes plus difficiles que d’autres, mais pour moi, surtout, il y a des façons de les gérer meilleures que d’autres. C’est là que je place ma responsabilité. Ce n’est pas exactement ce dont vous parlez mais ça me tient à cœur en tant que femme bipolaire essayant d’avoir un enfant, alors j’en profite pour l’exprimer :p
En résumé, je vous transmets toutes les bonnes ondes que je peux, et j’espère qu’un bébé viendra très bientôt profiter de l’amour que vous portez, qui transparait dans votre témoignage.
Anyalilou dit
Bonjour,
Je vais être très dure dans mes paroles mais n’avez-vous pas peur de l’hérédité génétique même si cela n’est pas totalement avéré que ce soit génétique mais qu’il y ait une vulnérabilité au niveau de certains gènes ?
Ayant moi-même une maladie auto-immune/orpheline j’ai fait tous les tests pendant deux ans pour être sûr qu’il n’y avait aucun risque pour bébé. Nous nous étions mis d’accord avec le papa que s’il avait un seul risque nous n’aurions pas d’enfants. Cela était notre choix et notre réflexion. N’avez-vous pas peur pour votre futur enfant ?
En tous les cas quelque soit votre décision bon courage et bonne continuation dans votre suivi médical.
Mary dit
Bonjour F,
J’ai été très touchée à la lecture de ton témoignage. Je suis moi-même bipolaire mais j’ai eu la chance de devenir maman il y a trois mois.
Il n’empêche, je me suis retrouvée dans ton récit car pour nous rien n’est simple et envisager une grossesse demande une préparation que la plupart des gens ne soupçonnent pas. Alors oui, les annonces de grossesse de la famille ou des amies nous font plaisir mais elles sont toujours difficiles. Cela nous renvoie à notre manque de « normalité » (je n’aime pas ce mot) et aux éventuelles réflexions de personnes qui nous considèrent irresponsables parce que nous voulons devenir parents alors que nous sommes bipolaires.
Je pense sincèrement que, comme moi qui me suis posé beaucoup de questions, vous avez dû le faire également avec ton conjoint pour prendre la décision de devenir parents, pour adapter ton traitement et pour vous lancer dans un parcours PMA. J’imagine qu’en plus d’être un couple soudé (vous partagez une maladie compliquée et des difficultés à être parents et vous êtes toujours ensemble !!), vous êtes bien entourés mais je me permets de te parler du traitement qu’on m’avez proposé pour notre projet de grossesse : pour mon psy il était hors de question de me laisser sans traitement et j’en ai été soulagée; j’avais trop peur de ce que l’absence de traitement aurait pu déclencher ! Du coup il n’y avait plus que deux médicaments possibles (on va dire les deux moins risqués pour le foetus) : un qui fait prendre du poids et un autre (celui que j’ai pris) qui m’a donné des énormes crises d’urticaire pendant des mois avant que mon corps ne s’habitue. Je ne suis pas médecin mais peut-être qu’un changement de traitement pourrait t’aider au niveau de ton poids et accélérer la PMA.
En tout cas, je vous souhaite d’être très heureux et de devenir parents très prochainement. Vous avez tout mon soutien !
Viviane dit
Vous avez l’air d’être un couple uni, je vous souhaite le meilleur… Et si la vie ne vous permet pas de réaliser ce rêve d’enfant, je vous souhaite d’être heureux l’un par l’autre et l’un pour l’autre car on peut avoir une vie riche même sans enfant. Bon courage à vous.
Aziza dit
Bonjour,
Votre témoignage me fait de la peine pour vous, car un mal d’enfant est très dur à vivre.
Après, je vais être très dure avec vous. Mais être l’enfant d’un parents bipolaire (dans mon cas ma mère). Les phases ou le traitement est bien dosé sont rare, du coup entre une mère zombie ou les phase de crises, c’est lourd. Et heureusement que j’avais mon père qui lui tenais la route et équilibré tout. Pensez vous que vous vouliez faire porter ce poids à un enfant, pensez vous que vous supporterez le caractère de votre enfant etc, les nuits blanches etc, avoir un enfant occasionne beaucoup de stress, et je sais que pour ma part j’ai des fois, sans le vouloir déclanchée des « crises maniaque » à ma mère.
Nous ne sommes pas dans votre vie et nous n’avons ni le droit de vous juger et de vous dire quoi faire. Je vois que vous avez une bonne equipe autour de vous, fiez vous a eux.
Apres vous avez vos embrillons, donc maintenant vous avez le temps de prendre le temps d’etre dans une periode moins stressante et ou vous vous sentirez mieux avec votre maladie. Courage et plein de pensees positives à vous pour votre vie vos projets
Bien cordialement
Charlène dit
Je pense qu’ils ont réfléchis à ca bien avant de se lancer. Ils sont passé par leur psychiatre puis encore par un psy de la pma pour s’assurer de leur capacité à être parent ! Peut être n’avez vous pas eu de chance car le traitement de votre mère n’était pas équilibré mais sachez qu’actuellement beaucoup de personnes bipolaires sont capables de vivre normalement et de manière saine.
Aziza dit
Je me doute bien que dans ce projet et depuis le temps qu’ils sont dans le processus ils y ont réfléchis. Mais je pense que c’est bien qu’ils sachent ce que l’on peut ressentir quand on est un enfant de personne qui ont de haut et des bas, « une vie comme des montagnes russes ». Seul les personnes atteintes ou les personnes proches peuvent comprendre. Quand aux traitement ce n’est jamais stables, il y a 25 ans c’est sur que c’etait moins bien qu’aujourd’hui, mais c’est toujours un long parcours avec des rdv medicaux, des ajustements de traitements… bref
Mais je souhaite à ce couple tout le bonheur du monde et beaucoup moins de phase de stress intense etc … Bref courage à eux
mel dit
Un doux témoignage qui révèle la difficulté en tant que bipolaire de vivre ces ascenseurs émotionnelles qui nous plongent dans de réelles souffrances.
Bipolaire aussi, léger traitement, et 3 ans qu’on essai naturellement. Les couperets tombent à chaque annonce de grossesse autour de moi, jencaisse, je perds espoir, et puis j’arrive à surmonter. Je me dis qu’ils n’y sont pour rien et qu’ils ne vont pas arrêter leur vie parce-que nous on y arrive toujours pas. J’essaie d’être une tata parfaite et je m’éclate avec eux. Tu verras, la naissance sera difficile mais tellement d’émotion que tu oublieras que tu n’y arrives pas.
Le plus dur est de réussir à perdre du poids avec le traitement et ca…. cest un autre combat !!! Courage à vous!!
Ici on a pris rdv pour faire les examens de fertilité… 3 ans apres… le doute et la peur s’insinue en nous.
Je vous souhaite tout plein de courage !!!!!! Et que ça marche !!!!