Magali et son chéri ont suivi un parcours PMA pendant 5 ans. 5 années de déceptions, de piqûres, de FIV… Dans son témoignage elle ne revient pas sur les aspects « pratiques » et médicaux, mais sur le côté psychologique de ce qu’elle a enduré pour devenir maman. Voici son témoignage.
Mariée en 2011, nous avons tenté de suite l’aventure essais bébé. Ça, c’était en 2011…. j’ai été maman en Janvier 2017, soit 5 ans 1/2 plus tard. Le titre de cet article aurait pu être « 5 ans pour y arriver », mais ce n’est pas ça que je retiens. Je vous passe les détails de notre parcours PMA, je voulais ici vous parler des étapes par lesquelles on passe psychologiquement, si ça peut en rassurer certaines :
– l’impatience : 6 mois après les premiers essais, 1 grossesse naturelle qui était en fin de compte 1 oeuf clair. Première claque. Un an 1/2 plus tard, toujours rien. Là, on vous explique qu’effectivement ce ne sera pas impossible mais très difficile pour vous d’avoir un enfant naturellement « tout est question de pourcentage » il disait, le doc’.
– l’incompréhension : face à toutes ces femmes qui y arrivent très bien (celles qui fument, qui boivent… – ‘moi si j’étais enceinte, je le protégerais déjà cet enfant » vous avez envie de crier à dame nature qui vous refuse cet enfant). Et puis, on commence la PMA. Dans la salle d’attente, on se rassure en voyant des couples de tout âge et de toute catégorie sociale. L’injustice natale ne connaît pas de privilèges….
– l’amertume: de devoir médicaliser ce processus. De se dire que notre enfant, on pourra pas lui dire qu’il est né de l’amour de papa et maman ; mais plutôt d’un petit laborantin qui a joué au chimiste….
– l’attente : parce que les essais FIV c’est très très long. D’abord, il y a les tests pour savoir si la sécu et le labo vont dépenser de l’argent pour vous aider, ou si c’est peine perdue. Ensuite ceux qui prennent 1 mois d’attente pour avoir les résultats, ceux qu’il faut faire à J3 « et mince, je suis à J5, va falloir encore attendre le prochain cycle« , etc, etc, etc Bref, nous avons commencé les FIV presque 9 mois plus tard. Et pendant tout ce temps-là, autour de vous, ça féconde dur…
– la détresse : j’aurais donné n’importe quoi pour avoir une baguette magique, me voir 10 ans plus tard pour savoir si oui ou non nous aurions eu un enfant. Car ce qui m’a détruite tout au long de cette aventure, c’est l’espoir. On dit « l’espoir fait vivre », moi je vous dis qu’il peut détruire aussi. Si on m’avait dit « non, désolé tu n’auras jamais d’enfants« , j’aurais pu faire mon deuil, ça aurait été long, c’est sûr ; mais sans désillusion. L’espoir vain a été ravageur pour moi. A chaque nouvel espoir, on y croit et on se prend une claque de plus, encore et encore…. Ce qui me rongeait le plus était de voir que nous « stagnions ». C’est-à-dire que j’avais l’impression que les autres menaient leur vie, avançaient; et nous… depuis 2011, on était toujours au même point.
– la solitude : il y a tout d’abord vos amis qui ont réussi, eux, à avoir des enfants. Ils ne vivent donc plus au même rythme que vous « jeunes sans contraintes » que vous êtes. Fini les sorties, les invitations, les randos, car tous vous répondent « oui, mais tu sais avec le bébé…. » Du coup, vous sortez tout seuls avec votre mari, et vous ne les voyez plus. Vous les comprenez bien sûr, vous auriez fait pareil, mais en attendant vous vous retrouvez seuls avec cette excuse « j’peux pas j’ai bébé » qu’on vous rabâche.
Et puis, il y a même votre mari. Et si….
En même temps, c’est normal : quand tous les matins, nous les femmes on doit aller « écarter les jambes devant tout le service PMA » (excusez pour l’expression), piqûre matin et soir, analyses, qu’on vous fait mal, que vous arrivez en retard au travail tous les jours, etc, etc…. Alors que lui, la seule chose qu’il avait à faire n’était pas douloureuse mais juste gênante, et ce n’était presque qu’une fois tous les 6 mois. Comment voulez-vous qu’on le vive pareil ? Je me suis aperçue de ça, le jour où il a dit à quelqu’un « non, on peut pas dire qu’on se soit pris des claques« , alors qu’on en était à 2 ans d’essais.
Et c’est là que même en parler avec lui ne me soulageait pas… il ne comprenait pas.
Même vos « copines » de PMA vous ne les comprendrez pas des fois, car on a pas tous le même parcours, ni la même force face aux épreuves.
– la jalousie : Quand j’allais chez mon frère (2 enfants), je voyais qu’ils rayonnaient de bonheur. Ils étaient beaux tous les 4 !! J’adorais aller chez eux pour sentir cette atmosphère de « on est heureux« , mais à chaque fois quand j’en repartais…. Blues et pleurs.
– l’énervement : alors sachez mesdames que certaines fois, vous voulez être rassurantes, mais que vous êtes en fin de compte énervantes. Quand je dis ça, je ne parle pas des « n’y pense pas« …. ça, c’est de la gniognotte !!
Non, ce qui m’énervait au plus haut point ce sont les femmes (connaissant mon parcours) qui me disaient, les concernant elle et leur tentative bébé à venir : « moi je pense que ça va pas marcher facilement, on va mettre du temps« . Comment vous dire que là, il a fallu que je prenne sur moi pour ne pas les tarter (oui, le mot n’est pas trop fort). Envie de leur crier « si tu ne connaissais pas mon parcours, tu ne m’aurais jamais dit ça. C’est de la fausse compassion« . Et bien évidemment, 2 mois après « en fait, ça a marché du premier coup, on s’y attendait pas ! » Pouf*#!!sse….!!!! Non, non tu fais un grand sourire et tu dis « ah c’est cool, félicitations !«
Et ou alors encore mieux, j’ai eu « quand j’ai appris que j’étais enceinte, j’avais peur que ce soit un oeuf clair » (chose que j’ai eu, je rappelle). « Euh, pardon ?! Tu n’avais jamais entendu parler d’un oeuf clair avant que je t’en parle pour moi, donc arrête !!«
– la tolérance: je n’en ai jamais voulu à qui que ce soit (à part sur ces petites phrases ridicules). Depuis le début. Même quand on me sortait des absurdités, je n’en voulais pas à la personne, car à chaque fois je me disais « je ne t’en veux pas, tu ne peux pas comprendre« . Et puis, moi j’aurais été dans leur situation à elles, qu’est-ce que j’aurais répondu ? Aurais-je été plus maligne ? Pas du tout, j’en suis sûre.
– la désolation : Quand ton frère dit « qu’il est content car il a réussi à vendre le trio poussette« . Pour lui, c’était anodin, mais vous, ça vous brise le cœur car vous vous dites que ça y est, il ne croit plus en vos chances à vous. Et puis vous réalisez que plus personne ne vous en parle. D’un côté, vous êtes plus tranquille à ne pas répondre à certaines questions, mais de l’autre vous vous dites que tout le monde s’est résigné. Et enfin, il y a vous qui redoutez qu’on vous demande d’être marraine de ces chérubins qui poussent partout sauf dans votre ventre. Je l’aurais très mal pris. C’est carrément ridicule (mais au bout d’un moment, la raison fait défaut…) mais j’aurais pris ça pour de la pitié, comme un « à défaut d’être maman, tu seras AU MOINS marraine »….
– le mutisme : De toute façon, j’ai arrêté d’en parler car je voyais qu’on me sortait des choses que je n’avais pas envie d’entendre, ou des énormités plus absurdes les unes que les autres. Et puis au bout d’un moment…. y’a plus rien à dire ! C’est comme ça, et personne n’y peut rien. Je suis allée voir une psy… Ça ne m’a pas du tout aidée. Je suis allée voir une kinésiologue… elle m’a d’abord dit que j’avais fait un travail sur moi-même assez impressionnant car j’y allais non pas pour tomber enceinte, mais pour arrêter de fonder ma vie sur ce désir (5 ans ça forge le caractère !). A l’issue de la séance, elle m’a dit que j’avais peur de perdre…. ah c’est bien, et donc ? Ça ne m’a pas aidée.
– l’abandon : parce qu’au bout de 4 ans, on se dit c’est fini.
– la prise en main : un manager m’a dit une fois « ok, ton poste ne te convient pas, mais au lieu de te contenter de te plaindre, toi qu’est-ce que tu fais pour que ça change ? » Cette phrase a été mon leit-motiv bien souvent, et là encore plus. En 2015, soit 4 ans après le début, je me suis dis « bon, ok apparemment, la vie ne te fera pas de cadeaux. A toi donc de reprendre ta vie en main et de décider vers où tu veux la mener« . Comme pour beaucoup, j’ai décidé que ce serait professionnellement que j’avancerai. J’ai donc opéré une reconversion. Même si pour l’instant, elle ne s’est toujours pas concrétisée, ce changement d’air a été une véritable soupape.
– l’acceptation : c’était début d’année 2016. J’ai réalisé que ça allait faire 5 ans en Juillet 2016 qu’on essayait d’avoir un bébé. Que ça y est, notre chance était passée, allez hop au suivant ! Bon, ben voilà, nous, ce sera comme ça, on n’aura jamais d’enfant…. Personnellement, j’aurais arrêté là les essais FIV car c’est trop de souffrance psychologique (ce qui est rigolo, c’est que les premières années je disais que je ne comprenais pas les couples qui s’arrêtent avant d’avoir fait les 4 FIV, « c’est bête », disais-je ! 3 ans plus tard « Oui, c’est c’la, oui »….naïve !). Mais mon mari m’a convaincu de continuer « pour ne pas regretter ». Donc en Avril 2016, nouvelle FIV, mais sans AUCUN espoir, mais alors aucun.
– la méfiance : et puis, en Mai 2016, résultat de notre 3ème FIV : ding, dong, vous êtes enceinte ! Et là, ma réaction : ni chaud ni froid. Pourquoi ? Parce qu’en 5 ans, on se prend tellement de claques dans la figure, de désillusions qu’au fond de moi je me disais : « ne t’inquiète pas, d’ici 2 jours, j’aurai mes règles« . Cette sensation a duré jusqu’aux 4,5 mois de grossesse. Et puis je l’ai senti bouger…., et là la carapace s’est fissurée.
Voilà, beaucoup de blabla, désolée mais en 5 ans, ils s’en passent des choses (ou pas en l’occurrence….).
Pour celles qui sont dans ces démarches PMA, voilà mes 3 conseils :
– ne cherchez pas à voir au-delà du prochain mur. C’est le seul conseil que je retiendrai de la psy. C’est-à-dire, n’essayez pas de connaître votre futur. Votre seul futur, c’est la prochaine piqûre, la prochaine écho, etc (je n’ai jamais réussi à l’appliquer…)
Par contre je l’ai très bien appliqué (sans faire exprès) pour ma grossesse : « attends, ne t’emballe pas, tu vas voir à la prochaine écho, on va te dire qu’il est mort« …. et j’y allais étape par étape, et reculais à chaque fois mon échéancier.
– acceptez : il vous faudra du temps. Le temps ne m’a pas guéri, il a pansé mes plaies. Ce sera notre Histoire.
– réagissez : posez-vous la question, « en attendant que ça marche, moi qu’est-ce que je fais ? Qui je suis ? Où je vais ?«
A ceux qui ont des personnes en PMA dans leur entourage :
– écoutez,
– acceptez de « ne pas savoir ». Certains aiment en parler, d’autres non. Ne posez donc pas la question.
– au lieu de dire « n’y pense pas/prévois-toi des vacances/un voyage/un projet… »; offrez-leur un coffret cadeau, une sortie, etc, bref des trucs à deux. Car c’est bien beau de le dire, mais ça sous-entend de l’argent que nous n’avions pas ! Et tourner en rond autour de ce nombril qui ne pousse pas, ça n’aide pas à ne pas y penser.
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Aurélie dit
Merci pour ce partage!
5 ans pour nous aussi après une opération pour enlever un fibrome il y a 4 ans et une baisse de confiance en mon potentiel de porter la vie.
nous avons essayer beaucoup de méthodes naturelles et prières.rien!
1ere fiv en mars 2017 : oeuf clair et là nous refaisons tous les examens pour nouvelle tentative fin janvier … avec l’espoir qu’il puisse arriver naturellement.
Restons positives car tout est juste dans la vie !!
Anne-Sophie dit
Merci Magali pour ton témoignage. Nous sommes en essai bb depuis 2013.
Une premiere fiv en octobre 2016 et un premier transfert qui a fonctionné. Et finalement fausse couche découverte lors de l’échographie du premier trimestre…
En avril de cette année nous avons-nous décidé de faire le transfert du seul embryon qui a pu être congelé. J’ai appris il y a une semaine que c’était positif 🙂 je suis heureuse mais malgré tout je suis comme toi, je ne m’enflamme pas et je vois étape après étape… première échographie le 30 mai prochain donc le temps de bien cogiter… est-ce que tout va bien? Est-ce que la grossesse est extra-utérine? Eh oui à l’écoute de la moindre douleur ici ou là… et puis il y a des moments où je me dis qu’il faut que je fasse cOnfiance et que je n’y pense pas trop…
Manon dit
Merci, un grand merci pour ce témoignage qui résume parfaitement ce que l’on ressent dans ce long parcours que la vie nous impose de surmonter. Pour nous cela fait 3ans1/2 que nous essayons d’avoir un enfant, nous sommes en cours de notre 2eme FIV. Mon leitmotiv c’est le psy de la PMA qui me l’a donné il m’a dit vous savais la première cause d’échec dans les parcours PMA c’est l’abandon, depuis même si c’est dur de retrouver de l’espoir après les désillusions, les échecs, je me suis quand même promis d’essayer tout ce qu’on me propose. J’ai quand même confiance en la science et le corps médical, et le jours où ils nous diront qu’ils n’ont plus rien à nous proposer alors là, je saurais que ce sera la fin.
Je sais que l’attente est longue et insupportable, je sais que l’on aimerait enchaîner les essais le plus vite possible, mais pour ma part l’attente est difficile à accepter sur le moment, mais avec le recul je sais aussi qu’elle m’est nécessaire pour surmonter toutes ces épreuves.
Bon courage à vous toutes et encore merci à toi d’avoir mis des mots sur nos maux.
Une_reveuse dit
Mille mercis pour ce témoignage criant de vérité! Exactement tout ce que je ressens depuis 3 ans maintenant… Trois ans que j’ai arrêté ma contraception et autant d’années à se sentir seuls et incompris (surtout moi en fait…)
Amandine dit
Merciii mais c’est ca c’est exactement ca. 5 ans pour nous aussi et bb est arrivee toute seul naturellement en plein traitement fiv. Je n’y est pas cru egalement car 1 an auparavant je faisiat une fausse couche. A chaque chonj’etais persuadé qu’ils allait trouver kelke chose.
Sandra dit
Merci Magali pour ton témoignage qui se solde par une belle victoire !
Cela fait 4 ans maintenant que nous tentons d’avoir un enfant. La 3ème FIV est prévue pour le mois d’août.
Ce sont les montagnes russes émotionnelles et je me rends compte qu’au fur et à mesure je suis de plus en plus sensible émotionnellement. Suite à l’échec de la FIV2 difficile a accepter, j’ai relevé la tête. Puis j’ai appris la semaine passé que ma belle-soeur était enceinte du 3ème. Ce fût un choc. J’étais en colère contre cette putain d’injustice. Pourquoi ??? Un 3ème enfant m’a fait l’effet d’une trahison…je sais que c’est ridicule, mais dans ces circonstances c’est plus fort que soit… Et c’est là qu’on se rend compte que ce parcours du combattant nous bouffe (surtout moi, je pense que les hommes ne peuvent pas voir les choses du même oeil).
J’ai décidé avant cette 3ème FIV de me recentrer sur moi même, prendre soin de moi, faire d’autres activités et tenter d’avancer dans la vie avec d’autres projets. J’espère qu’un déclic se fera en moi, au niveau psychologique peut-être? Il parait que cela joue bcp.
C’est très dur, et cette incertitude me bouffe.
Toutes mes félicitations et beaucoup de bonheur à vous ! Ton témoignage me réconforte.
Charlotte dit
Merci merci merci pour ce témoignage.. Je n aurai pas pu utiliser d autres mots pour décrire ce que nous traversons! Cela me redonne espoir (que j avais perdu), me fait me sentir tellement moins seule et! J’espere que notre 5eme fiv sera la bonne!