Dans quelques jours, Marine donnera naissance à sa petite Lola. Mais la grossesse ne s’est pas très bien passée et elle a subi de plein fouet une dépression prénatale. Voici son très beau témoignage, sous forme de lettre à son enfant.
{Témoignage} La dépression prénatale, lettre à mon enfant
La désillusion qu’on ne souhaite pas.
Une phrase de Socrate nous renvoie souvent à notre propre pensée en nous disant : « Connais-toi, toi-même », mais comment faire quand on n’y arrive plus, et que nous ressentons des choses que nous ne voulons pas. En ce weekend de novembre 2016, j’ai su que tu étais en moi, petit être, qui n’était pas prévu aux yeux de tous, des médecins, de ton papa et de moi-même. Lors de notre rencontre, je ne lui avais jamais caché que je ne pourrais plus avoir d’enfants, mais ça ne l’a pas effrayé malgré son envie très prononcée d’avoir un jour son bébé dans les bras, et d’y voir sa propre vie à travers les yeux de cet enfant.
Je me suis battue pendant des années pour pouvoir donner la vie, après cette maladie que beaucoup ont et dont peu osent parler, même si cela se démocratise enfin et qu’on sort de l’ombre maintenant, avoir le courage de s’affirmer, affronter le regard des autres. Cette endométriose qui nous pourrit de l’intérieur comme de l’extérieur. Je me suis arrêtée ce samedi dans une pharmacie parisienne pour confirmer ta présence en moi, avant d’aller voir un match de football, rien de très sexy, on va me dire ! Mais il fallait que je mette des mots sur les différents maux que je ressentais depuis plusieurs semaines.
Le 2ème trait est apparu sur ce test qui n’a coûté pourtant que 5 €, mais ce trait allait changer le reste de ma vie, enfin de notre vie. J’étais prise dans un tourbillon d’euphorie mais de peur. Peur de voir ce petit être partir à nouveau à cause de ce corps qui est le mien et de la tristesse de ne plus pouvoir porter à nouveau la vie. Ton papa et moi nous ne nous connaissions pas forcément depuis longtemps et pourtant la magie a opéré de suite. Les regards portés l’un envers l’autre ne mentaient pas. Nous sommes allés au stade, mais mon comportement a totalement changé et ton papa a senti le malaise que je véhiculais depuis mon entrée dans cette pharmacie, à laquelle j’y avais prétexté un mal de tête. Mon voisin d’a côté dans les gradins a dû me prendre pour une folle à ouvrir toutes les minutes mon sac à main à l’abri de ton papa dans le but qu’il ne me voit pas. Je voulais m’assurer que le 2ème petit trait n’était pas en train de disparaître sous les hurlements de bonheur des supporters.
Et puis j’ai regardé ton papa, d’une manière dont je ne l’avais jamais encore regardé. Un regard positif, protecteur mais surtout aimant. Il a vraiment compris à ce moment-là que quelque chose se passait. Et j’ai lui juste dit d’une phrase qui n’était pas prévue et encore moins réfléchie mais qui venait du fond du cœur : « Tu partirais si je devais te dire que je porte ton bébé en moi ? » et il m’a regardé, tout en regardant furtivement le match, il n’avait pas dû comprendre totalement mes paroles, alors c’est là que je lui ai montré le test positif et il a rigolé et nous n’avions plus besoin de parler pour savoir ce que nous pensions de cette grossesse miraculeuse.
Et en rigolant, le prénom qui nous venait à l’esprit était Victoire ! D’où ton surnom maintenant, petit être qui grandit en moi actuellement.
Mais les mois suivants ont été très durs et c’est ce pour quoi aujourd’hui j’ai ressenti ce besoin de t’écrire ma petite Lola, pour pouvoir essayer de me libérer de cette peur et pouvoir enfin t’imaginer dans mes bras, même si pour le moment je te repousse malgré moi. Les médecins qui se doivent d’avoir une certaine éthique envers les patients, de faire attention à leurs paroles, à leurs actes, ce n’a pas été le cas pendant 8 mois, ce qui m’a fait comprendre que je ne devais pas m’attacher à toi. Toi qui est si petite, si maigre, tu ne peux pas savoir comment je peux m’en vouloir de ne pas avoir su te protéger et t’apporter tout ce dont tu avais besoin pour grandir correctement.
Je mets déjà ta vie en danger, car mon corps fatigué de toutes ces années de maladie, n’a pas su tenir son rôle jusqu’au bout. Je n’ai osé en parler à personne de ce sentiment de culpabilité, de honte. J’ai l’impression d’être déjà une mauvaise maman pour toi. Et durant tous ces mois, personne n’a su le voir, car tout le monde connaît cette femme battante, souriante, alors que dès que ton papa partait ou que je me retrouvais seule je m’effondrais de honte. Comme toutes les mamans dans mon cas, je me suis rendue compte au fur et à mesure des mois passés que cela s ‘appelait la « dépression prénatale » et que nous étions nombreuses dans ce cas-là, cela m’a permis de prendre conscience que je devais de m’en libérer et d’en parler.
Mais cela est dur de trouver le bon moment pour le faire, et surtout les mots à utiliser pour ne pas être jugé. Les médecins m’ont mentionné à de nombreuses reprises que cette grossesse allait s’avérer très risquée pour toi et moi même, mais je voulais te donner cette chance de venir au monde et que ton papa puisse voir à travers tes yeux, son reflet, sa fierté d’être papa. Car sache-le mon enfant, que ton papa malgré ses silences et sa discrétion t’aime déjà depuis longtemps et à renoncé à son projet de vie au Canada pour te chérir, c’est pour cela que maintenant j’ai renoncé moi aussi à ce concours d’avocate, qui était mon rêve, j’avais ce besoin d’acquérir des compétences là-dedans pour permettre à des enfants d’être protégés de ce monde d’adultes.
Depuis que je te porte, je n’arrivais plus à écrire les lignes de mon roman, j’étais comme bloquée, je n’arrivais plus à trouver les mots adéquats pour exprimer mes mots. Et aujourd’hui je crois que suite à certains mots de ton papa qui m’ont blessés, j’ai eu de nouveau cette nécessité d’écrire pour me pardonner de t’avoir mise de côté pendant 9 mois, de ne pas avoir su te rêver à nos côtés.
Une chose est sûre c’est que cette grossesse restera gravée en moi, 9 mois à être malade tous les jours, à avoir autant de souffrances physiques, car je vais ressortir de cette grossesse épuisée à tous niveaux, même si ma maladie s’est aggravée ces dernières semaines. Les médecins m’avaient demandé de tenir au moins jusqu’à la 28e semaine de grossesse, même s’ils nous avaient plus ou moins préparés à te voir ou plutôt t’imaginer dans une couveuse avec plein de tuyaux, ne pesant que 600 grammes. Et puis, la 32e semaine a été dépassée, les 36 semaines, également.
Tous les jeudis de chaque semaine étaient pour nous un espoir et un soulagement que tu puisses encore profiter encore un peu de mon ventre qui va s’avérer au final plus un endroit sombre et dépourvu de toute chaleur maternelle. Et puis arrivé à la 37e semaine, j’ai enfin réussi à ne plus me cacher et pleurer devant les sages-femmes et devant ton papa en leur disant mon mal être, ma peur de te rejeter et de ne pas t‘aimer au point de ne pas avoir envie de te connaître. Avec le recul je me rends compte que j’ai été stupide, stupide ne pas avoir eu ce courage d’évoquer ce problème avant. Mais dans cette société ou tout le monde juge, cela est compliqué de devoir se mettre à nu.
Nous avons eu beaucoup de bas avec papa durant ces derniers mois, car nous n’arrivions pas à nous comprendre, et je pense que cette tristesse pouvait faire peur à ton papa. Car j’aurai tant aimé lui donner une grossesse parfaite, sans problèmes médicaux, sans pleurs, sans mes angoisses, mais le mal est fait des deux côtés maintenant, il faut savoir passer au-dessus et se tourner vers l’avenir.
Dans quelques jours, tu seras avec nous, et nous allons t’aimer plus que tout au monde. Nous te verrons grandir Lola et je suis sûre que tu ne m’en veux pas de t’avoir écarté de ma vie pendant tous ces mois qui se sont écoulés. Et dans quelques mois, tu seras témoin de l’amour entre ton papa et moi-même de par notre union commune. Je crois que dorénavant le titre de ce chapitre que j’avais notifié de « désillusions » se changera en « un amour promis ».
Car je te fais la promesse que ton papa et moi-même on va t’aimer chaque jour et que chaque étoile puisse éclairer ton doux visage angélique. « C’est beau, c’est frais, c’est innocent, c’est transparent, un enfant. C’est par lui que nous viennent les plus grandes leçons de la vie » (Eve Belisle).
Je t’aime. Ta maman
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Rose dit
Il me semble que Lola est le diminutif du prénom espagnol Dolores, qui signifie « douleurs », lui-même diminutif du prénom Maria-Dolores, en référence aux douleurs de la vierge Marie lorsqu’elle a enfanté. Mais votre réflexe a été de surnommer votre petite fille Victoire ! Comme quoi les 2 sont mêlés, les douleurs et la capacité de les surmonter victorieusement !!! La vie est plus forte que toutes les peines, bon courage et bonne suite à tous les 3.
Duchesne dit
Bonjour Marine, Merci pour ce témoignage magnifique! Quelle belle lettre qui sera un soutien fort toujours là pour ta famille.
Je vous souhaite plein de belles choses: beaucoup de courage, d’amour et de bonheur.
MaryZou dit
❤️❤️❤️
Jolies Envies dit
Très joli témoignage plein de courage, je suis sûr que cette enfant sera aimée et je te souhaite bon courage pour la suite et beaucoup de bonheur