Après plusieurs mois d’essais bébé, l’attente commence à être longue pour Justine. Mais elle garde le moral et trouve des « soupapes » pour pouvoir décompresser. Voici son témoignage.
{Témoignage} En attendant que la roue tourne
Bonjour à toutes et à tous,
Je lis très souvent des témoignages de femmes désespérées de ne pas parvenir à tomber enceinte. C’est moche de dire ça, mais ça me fait du bien de ne pas me sentir seule dans cette galère.
Pour info, j’ai 30 ans et je n’arrive pas à tomber enceinte. J’ai pris la pilule de 17 à 26 ans. De 26 à 28 ans, nous nous sommes protégés de façon « artisanale » (retrait) : nous avions une situation affective et financière stable, un bébé surprise aurait donc été bienvenu. De 28 à 29, on ne faisait plus vraiment attention, en se disant que le destin choisirait pour nous. En parallèle de cette période « free-style », j’ai débuté la tournée des médecins dans le but de comprendre ce qui ne tournait pas rond. J’ai toujours eu le sentiment que j’aurais du mal à tomber enceinte, et l’après-pilule avait clairement confirmé ce pré-sentiment : acné sur le bas du visage, perte de poids (notamment le volume de mes seins), pilosité un peu plus dense, chute de cheveux, sale mine… Après plusieurs consultations, j’ai fini chez un endocrinologue qui a confirmé un désordre hormonal : beaucoup trop d’androgènes, d’où les symptômes mentionnés juste avant. Prescription : 1/2 comprimé de Dectancyl pendant 6 mois.
On tournait un peu en rond dans notre vie à ce moment-là, on a donc décidé de partir 6 mois en voyage. Je n’ai pas pris le Dectancyl avec moi car je n’avais pas envie d’emmener mes névroses dans mon sac et de regarder sans cesse ma montre (médicament à prendre à heure fixe). On a tout de même commencé à faire (enfin) des essais sérieux à partir du 4ème mois de voyage, espérant naïvement une surprise à notre retour. Finalement, retour de voyage mi-juin 2018 le ventre désespérément vide.
- Comme beaucoup d’entre vous, mon moral fait les montagnes russes : bonne humeur et optimisme en début de cycle ; idées noires quand les règles arrivent.
- Comme beaucoup d’entre vous, je suis en colère contre la terre entière : les femmes enceintes, les médecins, la pollution, les perturbateurs endocriniens, la pilule contraceptive, mon corps, mon patron, mon boulanger, mon calendrier, mon frigo (parce que mon calendrier est collé dessus)…
- Comme beaucoup d’entre vous, j’ai envie de baffer ceux qui disent « ça viendra quand tu n’y penseras plus » : comment ne pas y penser quand tu sais que ton ovule est techniquement dispo 24h top chrono chaque mois, et que tes règles viennent te narguer en mode « essaye encore »? Le jour où j’arrêterai de penser à une grossesse, c’est quand je serai ménopausée. Peu de chance qu’un bébé arrive à ce moment-là.
- Comme beaucoup d’entre vous, je ne parviens pas à faire le deuil d’une conception naturelle et à considérer qu’après tout, c’est le résultat qui compte : non, la manière aussi compte. Je n’ai pas envie de faire un enfant avec mon médecin mais avec mon mari !
- Comme beaucoup d’entre vous, j’en ai ras-la-hotte de m’imposer et d’imposer à mon mari des rapports sexuels sur une période donnée : quand tu commences ton approche de séduction par « désolée chéri mais il faut qu’on… », il n’y a pas de quoi se réjouir.
- Comme beaucoup d’entre vous, je suis fatiguée de devoir porter une double charge, physiologique ET psychologique : ton corps ne répond pas présent, et il faut en plus rajouter la couche psy qui vire parfois au délire : « et si je n’étais finalement pas faite pour la vie de famille? », « et si jamais mon mari et moi étions incompatibles? », « et si jamais j’avais un blocage psy dû à un abus dans mon enfance? », « et si j’étais inconsciemment en conflit avec ma mère? »… ET SI MA TANTE EN AVAIT, ON L’APPELLERAIT MON ONCLE !
Si je ne nie pas l’impact du psychologique sur le corps, je ne peux pas m’enlever de la tête que des filles tombent enceintes même après un viol ou un mariage forcé, donc que l’excuse psy a ses limites. Je crois qu’il faut intégrer l’idée qu’une naissance reste, malgré tous nos efforts, un petit miracle biologique. Quand tu sais que tu as seulement 25% de chance de tomber enceinte à chaque cycle en pleine force de l’âge, puis 15% passé la trentaine, je me dis que les femmes enceintes que je croise ont finalement toutes gagné au loto. Quand je n’ai pas le moral, je me demande: et si je tombe à chaque fois dans les 75% d’échec? Et si je n’avais jamais de chance au tirage? Quand j’ai le moral, je me dis que vu la probabilité très faible de tomber enceinte même sans soucis particulier, l’âge auquel on débute les essais en moyenne et le nombre de spermatos en chute libre, le nombre de belles surprises autour de moi est plutôt encourageant.
Notre beau voyage est maintenant derrière nous. Hormis cette grossesse, je n’ai donc plus de « grand » projet dans les cartons. Alors je m’interroge maintenant sur les moyens de supporter cette attente.
Personellement, le fait de savoir que les probabilités sont très faibles, autrement dit l’approche mathématique / statistique, m’aide à relativiser les échecs successifs. Je compte aussi adopter un toutou (j’en avais envie depuis très longtemps) et vais demander l’aide d’une amie magnétiseuse pour me libérer l’esprit. J’assume totalement le fait que l’adoption de ce chien est là pour compenser le fait que je ne tombe pas enceinte, et que j’ai besoin de l’aide d’une magnétiseuse pour rester calme. Je compte aussi dire à mes proches que j’ai des problèmes de santé lorsqu’ils me demanderont de nouveau « c’est pour quand ? ».
Il y a quelques mois encore, j’aurais refusé de reconnaître que j’avais besoin de soupapes. Je refusais d’accepter la peine que ces échecs provoquaient et je me réfugiais dans la colère et la victimisation (« pourquoi nous? », « y’a des irresponsables qui pondent à la chaîne, et nous, on n’y arrive pas, c’est injuste! »). Je suis de plus en plus convaincue que, même si un état d’esprit positif aide, la réussite de la conception reste une loterie. Il faut accepter cette fatalité et se faire du bien (sans oublier nos maris qui sont souvent démunis face à notre peine) en attendant le prochain tirage. Je pense qu’il ne faut pas avoir honte de chercher à se soulager, à compenser (car combler, ce n’est pas possible) ce vide.
Si partir en voyage, vous aide, partez en voyage ! Si la bonne bouffe vous réconforte, cuisinez ! Si comme moi vous aimez les bêtes, adoptez un animal ! Si le sport vous calme, allez transpirer ! Si aller sur les forums vous aide, allez-y ! Si pleurer ou casser des trucs de rage vous soulage, déchaînez-vous !
La société actuelle nous incite à être au top dans tous les domaines : vie sociale, vie amoureuse et sexuelle, vie professionnelle, activité extra-professionnelle… Il faudrait être en forme, épanouie, déterminée, positive en permanence. L’échec n’a pas sa place dans nos vies. Cette exigence de réussite est profondément anxiogène, et la conception n’y échappe malheureusement pas : nous accourons sur les forum dès que 6 mois sont passés sans grossesse, on nous demande de perdre du poids ou d’en prendre, d’arrêter la consommation de certains aliments, de prendre des vitamines, de vous mettre au sport, de faire des examens en tout genre.
Sincèrement, je ne m’attendais pas à ce que la fabrication d’un petit être puisse être aussi exigeante et anxiogène. Il y a un côté déprimant à se dire qu’on prend des médocs pendant des dizaines d’années pour ne pas tomber enceinte, puis d’autres pour enfin tomber enceinte. Ce constat me désole mais m’oblige à accepter l’idée que certaines choses échappent à notre contrôle. Est-ce mieux ainsi ? Je n’en sais rien. J’en ai discuté avec ma mère et elle m’a confirmé que les femmes de sa génération ne cherchaient pas à maîtriser autant la conception lorsqu’elles étaient prêtes à avoir un enfant. Sommes-nous trop pressées? Peut-être. Le fait de débuter les essais à 30 ans n’aide évidemment pas. Plus nous reculons l’âge des premiers essais, plus les échecs sont probables. Ça aussi, il faut le reconnaître et l’accepter, car ce n’est pas parce qu’on nous montre des star de 50 ans enceintes (en omettant bien sûr de mentionner par quoi elles sont passées) que cela va changer les probabilités. Nous vivons une époque sans doute plus confortable que les précédentes sur le plan matériel, mais pas nécessairement sur le plan psychologique. La pression est forte … et la vie si courte !
Je ne sais pas combien de temps il me faudra pour tomber enceinte. Ce que je sais en revanche, c’est que nous avons toutes intérêt à nous faire du bien en attendant que la roue tourne. Comme on dit, un bonheur n’arrive jamais seul…
De tout cœur, je vous souhaite à toutes bonne chance au tirage !
Vous souhaitez publier votre histoire sur le blog ? Déposez votre témoignage mariage ou témoignage maternité ici.
Laura dit
Merci beaucoup pour ton témoignage et je te rejoins pour cette histoire de loterie de la nature aprés comme toi j’ai eu beaucoup de mal à faire le deuil d’avoir un enfant sans aide médicale mais un conseil si aide vous avez besoin n’attends pas trop car le processus de la pma est long encore plus lorsqu’on enchaine les echecs ( deux fausses couches et une grossesse extra utérine pour ma part ) on part pour FIV numéro 3 pour cette fin d’année maintenant je ne me projette plus
Arwen dit
Merci Justine pour ton témoignage, qui reste porteur d’espoir parce que oui, la roue tourne, d’une façon ou d’une autre, et souvent de manière inattendue. Chaque histoire est unique, et j’espère que la tienne sera au final aussi belle que tu l’imagines. De mon côté, à 32 ans, mariée et sans enfant, je n’en pouvais plus de subir les réflexions de certaines personnes du type « pourquoi tu n’as pas d’enfant ? tu n’en veux pas ? » ou, pire, « fais attention le temps passe, tu risques de le regretter plus tard ».
Ignorant ton histoire et tes souffrances, les gens font preuve d’ une curiosité malsaine. C’est simple, si tu n’as pas d’enfant ils te mettent quasiment toujours dans une des deux cases :
A. Infertile -> la pitié
B. Égoïste -> le mépris
Au 21ème siècle une femme en âge et en situation d’avoir un enfant et qui n’en a pas, est encore une anomalie.
Dans notre cas oui nous voulions un enfant, et non ça ne marchait pas.
Aucune raison médicale à cela.
Je commençais à haïr toutes ces femmes pour qui c’est si simple. Celles qui arrivent à programmer au mois près leur grossesse. Celles qui tombent enceintes par inadvertance, comme si une grossesse c’était aussi anodin que l’apparition d’un nouveau grain de beauté. Celles qui pestent parce que mince, ce sera encore un garçon. Et toutes celles qui te font des leçons commençant par les mots : « tu verras » parce que elles, elles ont de l’expérience, du vécu, et que toi tu ne sais rien comparé à tout ça.
Quant à l’impact sur ta vie sociale… on pourrait parler de ces amis que tu vois si joyeux de devenir parents, qui préparent la chambre de leur second bébé, qui commencent à organiser des sorties au parc entre eux, qui ne parlent quasiment plus que de leurs enfants… et qui s’éloignent de toi. On pourrait aussi évoquer la famille, qui n’ose plus poser de question par peur de fâcher, ou qui te regarde les yeux pleins de pitié… Et pour en rajouter une couche, les collègues, goguenards, « alors on est mariée et toujours rien ? » ou méprisants « toi au moins, tu n’es pas fatiguée le soir, tu n’as pas d’enfant à t’occuper quand tu rentres chez toi »…
J’ai vraiment cru que j’allais péter un plomb. Personne ne pouvait nous aider. Pire, toutes ces réflexions nous plombaient. Nous avions trouvé comme soupapes les voyages… mais là encore, au retour, d’autres réflexions « c’est bien, vous, vous pouvez en profiter, sans enfants ». Et rebelote. Case B.
Et puis un jour, ça a marché. J’en suis aujourd’hui à quasiment 7 mois de grossesse.
Mais je n’oublierai jamais tout ce que j’ai vécu et ce que j’ai pu entendre. C’est pour ça que des témoignages comme le tien ou ceux qui ont suivi dans les commentaires, je les comprends à 3000%. Je vous souhaite sincèrement à toutes de tirer votre ticket gagnant, de réaliser vos projets, et surtout de tenir bon contre vents et marées. Demain est un autre jour.
Nolwenn dit
Merci Justine pour ton témoignage, je me retrouve bcp dans ton parcours. On vient de passer les 4 ans d’essai bébé et mon ventre reste désespérément vide… je suis allée voir une osteopathe qui m’a aidée, je compte même voir une kinesiologue car après tout ça ne peut pas me faire de mal… je commence à lâcher prise et à me sentir plus légère dans ma tête mais ça reste compliquer quand même de voir tout ces femmes pour qui tomber enceinte est si facile, les entendre se plaindre de leurs enfants encore plus dure. Ma colère est toujours présente et finalement je ne veux pas m’en débarrasser car c’est elle qui me permets de continuer de me battre…
Mes soupapes à moi sont la cuisine, pâtisseries et je cuisine jamais autant que quand je suis en pleine stimulation 😉.
L’essentiel est que je suis toujours aussi motivée pour moi aussi gagné au loto. Je te souhaite la même chose et à toutes celles qui sont dans notre parcours, la solidarité entre femmes en mal d’enfants est essentielle…
hopentrust dit
Merci Justine pour ton témoignage. Pour ma part, nous avons passé les 3 ans d’essai, après tous les examens on nous annonce : infertilité inexpliquée … Mais malgré je ne peux m’empêcher de continuer à y croire. Je vais sur mes 33 ans et j’ai bien conscience que plus le temps avance et plus les chances diminuent mais j’y crois, encore et encore. A chaque arrivée de règles c’est le drame, l’échec, le « Encore ?!! C’est si injuste » puis je rebondis, je retrouve ce peps, cet optimisme … Je me retrouve complètement dans tes mots.
Et bien sûr l’entourage (conjoint, amis, famille, collègues) pâti à toutes ces émotions. Aujourd’hui, je parle facilement de ma situation, de ces épreuves autours de moi. Le fait de me sentir plus « libre » face à ça, à ne plus avoir à mentir ou contourner les questions, me permettent de lâcher prise (le temps de quelques instants soyons honnête) …
Et OUI notre tour va arriver, on va l’avoir ce ticket gagnant !! =)
Priscy dit
J’en ai eu les larmes aux yeux en Lisant ton témoignage.
Nous sommes nous même dans votre cas…. 2 ans d essais … se soldant par 2 fausses couches … comme toi j’en ai marre des remarques : « n y pensez pas ça va venir tout seul, tu tombes enceinte donc ça marche réessayez, à quand le bébé ?….
Triste de voir les petits bidous qui poussent autour de nous et de voir le mien désespérément vide. C est tellement normal et pourtant tout nous ramène aux bébés (les pubs, le concept d une famille heureuse …)
Subir en silence et ne pas se plaindre car personne n’en nous écoute vraiment. Tant que ses personnes ne vivent pas la même chose que nous ils ne se sentent pas concernés.
Je vous souhaite à toutes et tous bon courage et espère pour vous un joli ++
Dolgerran dit
Bonjour Justine, Bravo et merci pour votre témoignage… j’ai exactement le même ressenti que vous … à 35 ans et après 2 ans d’essai… rien… un réel sentiment d’échec, … et une solitude énorme face à cet échec… c’est compliqué d’accepter et de passer à autre chose… comme si ce n’etait pas grave… comme si cela n’avait aucun impact sur le reste… en fait si, ça a un impact sur ma vie professionnelle, mon couple, mes relations amicales et familiales… et sur moi même… je suis triste et je fais semblant d’aller bien… et parfois j’en ai marre de faire semblant… j’en suis à ne plus savoir qui je suis… et j’essaye de me rassurer en me disant que c’est sûrement mieux ainsi… mais l’espoir revient à chaque fois et la force aussi … c’est un éternel duel entre y croire, espérer, et finalement ne pas se sentir capable, ne pas se sentir à la hauteur, ne pas mériter d’etre mère… je vous souhaite une belle surprise à vous et toutes celles qui connaîtront ces difficultés… ça fait du bien d’écrire alors merci à Nathalie pour son blog 😉
Pauline dit
J’ai juste envi de te remercier pour ce témoignage, de mettre des mots sur nos douleurs et nos angoisses. Je me sens moins névrosée d’un coup (puisque oui on devient obsédée et névrosée à cause des gens et des docteurs). Alors merci et j’espere De tout coeur que la roue tourne !