Le bébé de Stéphanie souffrait d’une Hernie diaphragmatique ou hernie de coupole. A plus de 5 mois de grossesse, elle a donc subit une Interruption médicalisée de grossesse, autrement appelé avortement thérapeutique. Son témoignage est difficile, mais très beau. Je vous souhaite plein de belles choses pour la suite. Merci pour votre témoignage.
{Témoignage} J’ai (sur)vécu un IMG
Bonjour tout le monde,
Je me présente, je m’appelle Stéphanie, j’ai aujourd’hui 32 ans et je voulais partager ici mon histoire.
Première fois pour moi que je publie un texte si personnel sur un blog autre que le mien (où je n’ai d’ailleurs que rarement publié de billet si intense). Croyez-moi, l’exercice m’est particulièrement difficile. Je me suis posée des tonnes de questions. « Comment ? Pourquoi ? Est-ce une bonne idée ? » Je n’ai pas trouvé la juste réponse. Mais j’ai pourtant la conviction que poser des mots sur notre histoire et la partager est essentiel. Alors je prends mon tout petit bout de courage et je me lance.
Mars 2017, un voyage de rêve, 15 jours à l’Ile Maurice. De ces vacances, nous sommes revenus chargés. En souvenirs. En belles couleurs. En jolies découvertes. Et en bonnes nouvelles. A notre retour, nous attendait l’accord de notre offre d’achat sur notre maison coup de cœur et une double barre sur un test de grossesse. On m’a souvent dit : « tu verras, tout arrivera en même temps« . Effectivement, il aura fallu un mois, après 14 autres. Mars 2017. Mois et année de mes 31 ans. La vie nous sourit. Alors on croque, on savoure bien que nous soyons chamboulés. Les démarches commencent pour la maison tandis que je vis, sans vague, mes premières semaines de grossesse.
Vient le 23 mai. Première échographie. La rencontre tant attendue. Nous vivons sereinement cet instant. Rien à déclarer, tout va bien si ce n’est une clarté nucale un peu épaisse mais qui n’alarme pas le médecin. On convient tout de même d’une échographie de contrôle à 4 mois, pour vérifier. Parfait ! Cette nouvelle occasion de faire sa rencontre nous convient bien. On plane un peu après ce premier rendez-vous, la tête pleine de jolies images, celles de ce si petit être et de son petit cœur qui bat. On peut désormais l’annoncer, avec nos yeux qui pétillent. Amis, famille. Tous sont heureux pour nous.
Un mois passe. Nous le vivons bien, sans stress aucun. C’est du nous tout craché. Le 30 juin, c’est donc le cœur léger que nous reprenons la route du cabinet d’échographie. Le rendez-vous commence. On écoute le cœur, on regarde les 1…2…3… 10 doigts. Aux pieds et aux mains. On observe tout. Nous, nous restons sans voix face à ce petit être qui a déjà tellement grandit. On ne se rend pas compte que quelque chose cloche. Mais le médecin n’a pas dit un mot. Elle rompt finalement le silence et nous annonce qu’elle a vu quelque chose. Quelque chose d’anormal. L’estomac n’est pas là où il devrait être. Il est monté dans la cage thoracique, à côté des poumons et du cœur. Et ce n’est pas bon. Plus tard, nous mettrons un nom sur ce problème. Un nom un peu barbare.
Hernie diaphragmatique ou hernie de coupole
A gauche dans notre cas.
Sans plus d’explications, on nous envoie dans un cabinet spécialisé dans l’heure qui suit. Il faut confirmer le diagnostic. On ne comprend pas bien ce qu’il se passe, alors on obéit sagement. Ce n’est pas grave. Ça ne peut pas être grave. Nous faisons une nouvelle échographie cette fois-ci avec le Dr B., dans le silence le plus complet. Comme si se jouait un film dramatique, dehors, la tempête fait rage. Le tonnerre gronde, la grêle s’invite. Et le diagnostic tombe.
Après un nouvel examen qui nous aura paru durer l’éternité, on nous peint le tableau. Le diagnostic est confirmé.
Cette fois-ci, on nous explique. Le Dr B. est très pragmatique. Il nous décrit le problème avec des mots techniques mais simples, des mots cependant très durs à entendre.
L’estomac est bien situé dans la cage thoracique, à cause d’un petit trou présent dans le diaphragme qui l’a laissé passer. La gravité réside dans le fait qu’en grandissant, l’estomac peut comprimer les poumons et empêcher leurs bons développements. Cela peut aussi impacter le cœur, à ce moment-là déjà déporté à droite. À l’intérieur, bébé va bien. Mais à la naissance, la survie est limitée car il pourrait ne pas réussir à respirer.
Environ 300 bébés par an présentent ce problème
Un cas rare, grave mais pas extrême. On nous l’expliquera prochainement.
Notre monde, déjà bien ébranlé, s’écroule véritablement avec ces quelques mots. La nouvelle est très difficile à encaisser. On pleure. On s’étreint. On se regarde. Il y a énormément de tristesse. Pourquoi nous ? Mais on se fait la promesse tacite d’être forts. On le doit. On lui doit.
La période estivale commence sous un ciel bien maussade pour nous. Quelques jours après le diagnostic, nous avons rendez-vous au service obstétrique de l’hôpital de notre ville. Nous sommes le 3 juillet. Comble de l’ironie, l’Amoureux fête ses 32 ans ce même jour.
Le Dr Q. nous reçoit. Nouvelle échographie. On sent que l’on veut tout voir. Tout mesurer. Être sûrs des mots qui seront dits, qui seront écrits, et de la suite à proposer. Dans la discussion qui suivra, on apprendra qu’une hernie, selon sa gravité, peut être traitée par une opération chirurgicale. Quelques jours après la naissance. Si l’enfant la surmonte. Espoir, désespoir, toujours sur la tangente. On apprendra également que cette hernie peut être isolée mais qu’elle peut aussi être liée à un trouble génétique.
On nous parle de trisomies 21, 18, 13
Des pathologies qui nous paraissent tellement étrangères et soudainement tellement proches. On frissonne. Seul moyen de poser un diagnostic sûr, réaliser un prélèvement de liquide amniotique que l’on appelle amniocentèse. Ce n’est pas sans risque mais nous acceptons. Nous devons savoir. L’examen sera fait dans la foulée. Heureusement, il se passera bien.
On nous promet les premiers résultats quelques jours après, le bilan complet quant à lui arrivera au bout de 3 à 4 semaines. En attendant, on est un peu hébétés avec l’Amoureux. Comme si cela ne nous arrivait pas vraiment. On s’interroge. On se renseigne. On cherche des informations. On tombe sur beaucoup de choses trop compliquées à interpréter. On tombe sur beaucoup de choses tout court. On parle aussi énormément entre nous. De l’avenir surtout. Et si… ? Question posée à demi-mot, comme si nous ne voulions pas croire que le résultat puisse être mauvais. On ne sait jamais. Alors on envisage la suite. Une suite qui nous parait bien sombre si tous les diagnostics se confirment. Mais il y a tellement d’inconnues. Alors on décide de prendre les choses comme elles viendront.
Je n’ai jamais autant guetté mon téléphone que pendant les quelques jours qui ont suivis l’amniocentèse. Quand enfin il sonne, je suis à la maison, arrêtée car mon corps a tout de même subit quelques chamboulements. Il faut se reposer, même si ce n’est pas mon fort. Le numéro de l’hôpital s’affiche et mon cœur s’arrête. La sage-femme que j’ai en ligne a une voix douce. Je sens alors que la nouvelle est bonne. Effectivement, pas de trisomies 21, 18 ou 13. Je respire. Et quelques minutes plus tard, on respire à deux. Reste plus qu’à éliminer les 30% d’analyses restantes, mais le plus « gros » est mis de côté. Immense soulagement.
La vie reprend alors son cours. Presque, car il faut tout de même panser les récentes épreuves et penser la suite. Les prochains rendez-vous, les prochaines échographies, surveiller l’évolution de la hernie, parler avec les spécialistes de l’hôpital Necker à Paris qui prendront ensuite le relais.
On apprend à vivre avec cette épée de Damoclès
Autour de nous, beaucoup de soutien. On a la chance d’être très entourés et de recevoir énormément d’amour et de chaleureuses pensées. Et puis il y a notre maison, dont on vient tout juste de récupérer les clés, qui est aussi d’une grande aide car il faut maintenant commencer les travaux. On pense à autre chose. On essaie en tout cas.
Juillet passe. Les différents examens nous montreront que la hernie évolue mais que les poumons et le cœur sont encore épargnés. De bonnes nouvelles. Enfin ! On s’autorise alors à penser que l’avenir peut être bon. Il existe des solutions. Ce type de hernie n’est plus rare maintenant. L’acte chirurgical, pour remettre tout en place après la naissance, est presque devenu commun. On parle aussi d’une intervention in-utéro à 28 semaines de grossesse pour améliorer la situation. On est prêts à tout. Alors on se rassure et on y croit. Vraiment.
La chute n’en sera que plus douloureuse.
Jeudi 3 août, 1 mois pile après l’examen. Le temps s’arrête quand mon téléphone sonne. Ce numéro, je le reconnais. L’hôpital. La personne au bout de la ligne s’annonce. Elle travaille pour le service génétique et s’est occupée de nos analyses. Ma gorge se serre et mon intuition ne m’annonce rien de bon. « Nous avons les résultats de votre amniocentèse. Malheureusement, ils sont mauvais. J’ai besoin de vous voir rapidement« . Cette phrase me fait l’effet d’une gifle. J’ai l’impression que le ciel s’écroule alors que l’espoir avait pris place dans nos esprits. Le rendez-vous est pris pour le lendemain. Les mots de la généticienne résonneront en boucle jusqu’à ce moment-là. On se console en se disant qu’il ne faut pas imaginer le pire tant qu’on ne sait pas ce qu’il en est exactement. Oui mais comment ne pas l’imaginer justement ? « Malheureusement, ils sont mauvais« . Ces 24 heures d’attente sont cruelles. Il faut en plus retenir la folle ébullition de nos pensées. Et puis il y a ce sentiment profond. Là. Caché tout au fond. Mais ce sentiment bien présent qu’il y a un problème. Grave.
Le lendemain matin, on rencontre le Dr H. du service Cytogénétique de l’hôpital.
Elle nous apprendra que notre enfant a une délétion sur le chromosome 8
Un petit trou. Petit mais indispensable. Le portrait de l’avenir qui nous est fait est sombre, très sombre. Bien trop sombre. Notre enfant risque de graves séquelles. Et cette hernie qui est toujours là, elle et sa moitié de chance de survie. Une décision doit être prise. Très certainement la plus difficile de toute notre vie. Poursuivre ou arrêter. Un choix à faire entre deux mots.
Nous choisirons le second. Arrêter.
C’est une décision dont nous avons longtemps discuté. Avant de savoir vraiment. A l’époque où on envisageait seulement la suite, « Et si… ?« . Cette décision, nous l’avons mûrement réfléchie, avec tous ses pour et tous ses contre. Nous sommes convaincus de faire le bon choix, mais la douleur n’en est pas moins intense. Bien au contraire.
A ce moment-là, j’en suis à 23 semaines. 5 mois et 1 semaine.
Plus de la moitié de la grossesse. Cela pèse énormément dans la balance. On nous apprend que l’accouchement se fera par voie basse. A ce terme, il n’y a pas d’autres choix. Cela se passera quelques jours plus tard.
Je n’ai pas envie d’aller plus loin dans ce récit. Trop difficile. Trop douloureux. Trop personnel. Je suis restée 48 heures à l’hôpital. 48 heures qui resteront à jamais gravées dans ma mémoire.
48 heures difficiles et douloureuses. Pendant ces moments-là, j’ai ressenti énormément d’émotions. Parfois contradictoires. Tristesse. Impatience. Colère. Peine. Vulnérabilité. Confiance. Angoisse. Et puis une certaine forme de soulagement, oui aussi. Mais ce qui a tout détrôné, c’est l’amour. Un amour inconditionnel. Puissant.
Pour ma fille, perdue.
Et pour son père, mon pilier, ma force, mon soutien inconditionnel alors que la vie ne nous faisait pas de cadeau.
Depuis, plusieurs semaines sont passées. On se relève. Doucement.
On panse nos plaies.
A notre rythme. On se secoue. Car la vie continue et il faut, sans oublier – jamais – mettre tout cela derrière nous et avancer vers de nouveaux horizons. Que je nous souhaite plus doux.
Cette épreuve a été dure par sa violence et son imprévisibilité. Il est, je pense, impossible de ressortir de cela inchangé. En tout cas, moi je le suis. Elle nous a fait grandir. Elle nous a fait évoluer, personnellement mais aussi dans notre couple. Elle nous a appris. A être forts surtout et à ne jamais baisser les bras malgré l’issue. Elle nous a aussi fait nous rendre compte de toute cette bienveillance que nous avons autour de nous.
Et puis, elle nous fait nous aimer encore plus fort… et c’est peut-être là la plus belle des leçons.
Vous souhaitez publier votre histoire sur le blog ? Déposez votre témoignage mariage ou témoignage maternité ici.
Cyçou dit
Votre texte est tellement touchant… Vous avez eu beaucoup de courage de l’écrire.
Je me reconnais dans vos mots et dans vos maux. Je suis mamange aussi depuis quelques mois. Le cœur de notre bébé, de notre petit garçon, c’est arrêté sans aucunes raison à 32 SA. Une histoire différente mais au final la même violence. Nous essayons de nous relever mais cela est difficile. Comme vous, cela nous fait grandir et renforce notre couple. L’amour est plus fort que tout. Et nous n’oublierons jamais ce bébé qui sera à jamais notre premier enfant, celui qui a fait de nous des parents… je vous souhaite un avenir plus doux et tendres pensées à votre fille qui sera à jamais votre ange gardien ❤️
Bigne dit
Ma fille aînée est née avec cette foutue hernie diaphragmatique, elle a aujourd’hui 6 ans et va bien malgré une fragilité plus importante.
J’ai dû également subir une img pour mon deuxième bébé , mon petit garçon qui avait une autre malformation très grave qui lui aurait valu une vie trop courte ou bien des handicaps très lourds impossible à vivre …
Et j’ai eu un troisième bébé une petite fille en pleine santé.
Votre parcours je le reconnais bien, ce diagnostic qui tombe si brutalement et vous assomme, cette attente interminable faite d’examens de résultats d’espoirs et de désespoirs, et puis cette décision qu’il faut prendre avec un bébé qui bouge chaque jour dans votre ventre ce bébé a qui il faut dire adieu ce bébé qui va naître sans souffle les yeux fermés sans vie
Cette femme que l’on devient et qui ne sera plus jamais là même
Un parcours impossible invivable inimaginable et pourtant…
Il a aussi renforcé notre couple
Mon bébé est dans mes pensées chaque jour chaque instant
Je suis la maman de trois enfants
Je vous souhaite de continuer, à vivre à espérer
Vous ne serez plus jamais là même femme mais vous êtes déjà une maman
Marie dit
Comment ne pas avoir les larmes aux yeux
… mon compagnon a perdu son fils qui venait d’avoir 3 ans (je l’ai choyé comme mon enfant). Il est né avec cette hernie et a eu beaucoup d’interventions derrière …
Le deuil d’un enfant est difficile à vivre…
Mais ne perdez pas espoir en la vie et en la force de votre amour mutuel.
Tendres pensées à vous
Marion dit
On ne peut que vous souhaitez un avenir plus radieux. J’ai subi une biopsie de throphoblaste à 14SA, mon mari étant porteur d’une maladie génétique rare et plus ou moins grave selon les cas. Lui a la chance d’avoir une forme très légère, mais nous n’avions aucune garantie quant à l’intensité de la maladie en cas de transmission… 10j après la biopsie, le verdict tombe et bébé est porteur du même gêne que papa. Et notre monde s’est écroulé! Mais grâce aux explications de notre généticienne, nous avons fait le choix de garder notre si précieux bébé, mon mari vit bien avec sa maladie… Et nous avons eu raison, bébé est apparemment porteuse saine de cette maladie. Tout le monde n’a pas notre « chance », je sais comme on se sent seule, vide, impuissante et presque coupable lorsque le verdict tombe. Et il faut être très soudé pour traverser cela. Courage à cette mamange, courage aux parents qui vivent des situations si compliquées. Faites vous confiance, écoutez vous, car personne n’assumera à votre place, quelque soit votre choix.