Fleur a dû se faire avorter deux fois. Et si la première fois cette épreuve a été un choc, la seconde fois s’est faite plus en douceur grâce à l’accompagnement bienveillant de l’équipe médicale. Voici son témoignage.
{Témoignage} Quand la nature fait de drôles de choix : mes 2 IVG
Bonjour, Je m’appelle Fleur et j’ai bientôt 40 ans.
J’ai 3 enfants, mais j’ai été enceinte 6 fois, parce que parfois la vie nous enlève ce qu’on désire le plus au monde, et parfois elle nous oblige à faire des choix douloureux. Ce témoignage est long mais il montre que le choix de l’IVG est à faire posément mais que si il est assumé il peut être serein.
Des premiers choix difficiles
J’ai donc vécu dans l’ordre une grossesse arrêtée, trois grossesses à terme et deux IVG.
Ma première grossesse était très attendue, mon compagnon et moi étions ravis. A la première échographie cependant, on constate que le cœur du bébé s’est arrêté et notre monde s’effondre. Le pire étant que je l’avais pressenti, cela faisait 2 semaines que je sentais que les symptômes avaient diminué.
Mon premier enfant est du coup arrivé comme une délivrance, un magnifique bébé robuste. Une grossesse banale mais aidée par la médecine, avec échos et piqûres pour faciliter la conception.
Et là retour de couche et nouvelle grossesse, ça ne va pas bien du tout avec le papa et j’hésite jusqu’au bout, prenant les numéros des centres d’IVG où je finis par ne pas aller.
Je quitte mon conjoint au bout de quelques années, et finis par me mettre avec mon meilleur ami, lui aussi ancienne victime de violences conjugales, qui se pense stérile. Sauf que… là où nous pensions avoir du mal à avoir un enfant ensemble, un petit + s’invite sur un test de grossesse. C’est le bazar dans ma tête, je pense que cet homme est le bon mais j’ai tellement peur de me tromper, j’ai aussi peur des réactions de son entourage qui pourraient penser que je le piège. Le papa de mes deux premiers enfants me fait la guerre pour la garde de ceux-ci, je suis paumée. Nous décidons cependant de garder cet enfant, confiants en l’avenir de notre couple, à raison.
J’avais besoin de vous expliquer le contexte pour que vous compreniez la suite…
J’ai vécu 2 IVG. 2 choix, 2 moments très compliqués à vivre.
Il y a 4 ans, nous préparions notre mariage quand un oubli de pilule a entraîné une grossesse. Impossible pour moi de garder cet enfant, j’ai encore un enfant en bas âge, je suis en congé parental, mes aînés sont petits… Je pense que je n’y arriverai pas. Et puis j’ai commandé ma robe, je ne veux pas me marier enceinte… je cherche à me convaincre par des prétextes tous plus futiles, mon fiancé me laisse le choix mais préfère ne pas prolonger la grossesse. Je prends contact avec le planning familial qui vient d’obtenir le droit de faire les IVG médicamenteuses. Je suis très bien accueillie, j’enchaîne les rendez-vous, médecin, psy… par contre je dois passer mon échographie dans le privé, avec cet écran en face de moi où je ne vois pas grand chose car le cœur ne bat pas encore.
J’ai le feu vert pour une IVG médicamenteuse. Je prends des comprimés devant le médecin, je devrai prendre les autres plus tard pour l’expulsion. On me donne des antalgiques, ils m’ont été d’un grand secours. L’équipe du Planning Familial était un peu perdue, j’étais la première femme qu’ils accompagnaient dans cette démarche ! Du coup ça a été un peu confus.
L’expulsion s’est faite chez moi, mon mari était présent à l’appartement. Ça a pris environ 3 heures, à avoir des contractions et perdre des caillots. Mon mari a été formidable….
Psychologiquement, je ne m’en suis pas remise rapidement, je me suis longtemps vue comme une grosse égoïste : quel monstre d’avorter alors que tellement de mes amis avaient du mal à concevoir et alors que c’était en opposition avec ce que je voulais pour moi.
C’est étrangement ma 2ème IVG qui m’a réconciliée avec moi-même…
Un choix assumé, un cadre sécurisant.
Depuis ma première IVG, mon mari et moi utilisons des préservatifs, sauf qu’une nuit nous ne nous réveillons pas assez et oublions le préservatif. Je suis au 10ème jour de mon cycle et ne pense pas à prendre la pilule du lendemain. Cela fait 3 ans que mon mari me dit qu’il va prendre rendez-vous pour une vasectomie et ne le fait pas malgré les avertissements de mon gynécologue qui nous parle de très forte compatibilité et nous conseille une contraception définitive. Malheureusement je suis à nouveau enceinte. Nous prenons des heures pour en parler, au calme, nous essayons de nous projeter avec un enfant en plus jusqu’à l’évidence : notre famille est complète, nous sommes heureux comme ça.
Cette fois-ci c’est sans appréhension que je contacte un service d’un hôpital proche pour un rendez-vous. On m’explique en détail le protocole : je dois venir le lundi suivant avec le résultat de ma prise de sang, si le médecin est d’accord on pratiquera l’IVG dès le jeudi. A l’hôpital, je suis accueillie avec douceur dans le service d’orthogénie, un service à part des autres, avec une entrée discrète. J’y rencontre une psychologue avec laquelle je discute longuement, c’est à ce moment que je prends conscience de la différence avec la première fois, de cette évidence quand je parle de ma famille complète, de mon boulot qui me plait… L’entretien avec le médecin se passe dans les mêmes conditions, elle me fait une échographie mais la grossesse est très récente et il n’y a pas d’écran en face de moi. L’accord est donné pour une IVG médicamenteuse, dès le jeudi si je le souhaite. Je finis avec des infirmières, adorables. On me donne les médicaments pour arrêter la grossesse, à prendre dès le lendemain. Tout le monde est bienveillant, doux… je me sens prise en charge, en totale sécurité.
Le jeudi matin je choisis de venir sans mon mari, j’ai déjà commencé à perdre des caillots depuis la veille et je suis heureuse de la douceur de l’accueil que je reçois. On m’installe dans une petite chambre avec des médicaments pour favoriser l’expulsion, tout va très vite, en 2 heures l’essentiel est sorti. L’infirmière vient me demander régulièrement comment je vais et au bout de 3 heures je suis autorisée à quitter le service. Je passerai une visite de contrôle un mois plus tard.
Je ne remercierai jamais assez l’équipe du service d’orthogénie qui m’a accompagnée dans ce processus, elles ont été formidables.
Aujourd’hui je vais bien, au moment où vous lirez ces lignes mon mari aura effectué sa vasectomie car il est hors de question que nous revivions ces moments difficiles. Ma famille est au complet et mon cœur se gonfle d’amour quand je les vois.
L’équipe de l’hôpital m’a permis de prendre conscience que je n’étais pas seule à vivre ça et m’a réconciliée avec moi-même, me permettant de retrouver une estime de moi perdue depuis ma première IVG.
Donc mon conseil est le suivant : renseignez-vous vraiment avant d’aller avorter quelque part car de l’accueil que vous recevrez dépendra en grande partie votre état d’esprit par la suite.
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Pilipili dit
Bonjour, je suis en parcours PMA et je voulais vous dire que vous ne devez pas culpabiliser pour nous. C’est votre vie et vous avez le droit de faire le meilleur choix pour vous et votre famille. Même sii vous aviez continué votre grossesse, ça n’aurait rien changé pour toutes les personnes en PMA, on serait toujours en attente d’un résultat positif. Je vous trouve très courageuse
Fleur dit
Sandrine, après la première IVG j’ai énormément culpabilise parce que justement j’avais des amis en parcours PMA et que je ne profitais pas de ma « chance ». Ça m’a torturée des nuits entières.
Mon gynécologue m’a bien parlé d’hyper compatibilité entre mon mari et moi qui fait que cela marche très bien.
Concernant la vasectomie, c’est notre choix, celui de ne pas faire continuer à peser la charge de la contraception sur moi. C’est également une opération nettement moins risquée et invasive puisqu’il a pu la faire sans anesthésie générale.
Le propos de mon témoignage tenait vraiment dans le fait qu’on a besoin d’une équipe bienveillante et qualifiée pour un acte médical tel que l’avortement. J’ai eu la chance de pouvoir avorter avant que l’on puisse voir un battement de cœur à l’échographie et c’est quelque part un soulagement.
Sandrine Passa dit
Bonjour je t’envoue que ton témoignage me choque car je me suis battu pour avoir des enfants. Tu prenais pas la pilule pourquoi c’est pas toi qui te ligature les trompe, pour ton mari c’est inversible. Merci
MissTic dit
Une ligature de trompe peut être elle aussi irréversible. Et les conséquences pour la femme ne sont pas anodines, ça induit une ménopause précoce. Alors qu’une vasectomie: zéro effet secondaire pour monsieur (a part des tiraillements les premiers jours)
Ne pas réussir à avoir d’enfant c’est dur à vivre, être hyper fertile et tomber enceinte sans le vouloir l’est aussi. Ce que je pourrait trouver choquant c’est d’imposer à une femme de garder des enfants dont elle ne veut pas sous prétexte que d’autre en veulent…
Doare dit
Peut-être est-ce simplement le choix qu’ils ont fait à deux…