Un jour, le paradis de Mademoiselle X est devenu un enfer. Son copain est devenu violent, autant physiquement que psychologiquement. Heureusement elle a su sortir de son emprise avant qu’il ne soit trop tard. Voici son témoignage.
{Témoignage} Personne ne peut comprendre ce qu’il se passe dans la tête d’une femme battue
Un jour, j’ai compris que j’avais basculé, que j’étais passée de l’autre côté de la barrière. Cette case « femme battue » s’est inscrite sur moi au même titre que les hématomes. J’ai mis des mois et des mois à comprendre que j’avais laissé cet homme s’emparer de mon âme et faire de moi ce qu’il voulait.
Alors j’ai dit stop. Je suis partie. Je m’en suis sortie.
Oui, c’est possible ! Aujourd’hui, j’ai décidé d’ouvrir un peu mon cœur et de m’exprimer sur ce que j’ai subi il y a quelques années. Je suis mademoiselle X, l’une des innombrables voix des violences conjugales…
Il y a quelques années, je change de boulot. Encore très jeune, je commence à peine à comprendre ce que c’est que d’être adulte. Je suis un peu complexée par ce corps que je n’aime pas, mais j’avance dans la vie, même si c’est timidement. Au boulot, j’apprends peu à peu à connaître mes collègues et l’un d’eux attire très vite mon attention. Un petit brun au regard sombre qui fait petit à petit chavirer mon cœur. Il est solitaire, préfère travailler seul dans son coin, c’est parfait pour apprendre à le connaître. Par le biais d’une fille du boulot, j’arrive à récupérer son numéro et je décide de lui envoyer un message. On devient vite complices, joueurs, et après plusieurs soirées à se tourner autour, on finit par s’embrasser. Je ne me souviens même plus de qui a embrassé qui en premier (il y a tellement de choses que j’ai préféré oublier, merci mon petit cerveau qui me protège) mais je me rappelle que c’était très chouette.
C’était mon premier amoureux, mon premier petit ami, mon premier tout
Pendant plusieurs mois, je vis sur un petit nuage et je suis heureuse. Il est drôle, très intelligent et cultivé, intéressant et physiquement, il me plaît énormément. Il sait que je suis vierge alors on y va en douceur et tout se fait tranquillement. Lorsque je signe définitivement mon CDI, je déménage non loin du boulot, non loin de lui. Nous passons tous nos WE ensemble et c’est vraiment génial. Je suis accro, je kiffe la vie. Étant jeune et naïve, je ne remarque pas les petits signes qui pourtant ne tromperaient personne.
Quelques petites colères par-ci par-là (oui, mais on m’a toujours dit que c’était normal de se disputer dans un couple, et moi, c’est ma première fois), le manque de motivation pour sortir et surtout, les soirées avec les potes du boulot qui s’espacent. Monsieur refuse que le taff soit au courant pour nous, ok mais moi, je me suis fait des copines quand même… Bon, d’accord, on ne les voit plus trop et on ne reste que tous les 2, c’est top aussi. Et puis, je finis par remarquer (après 6 mois quand même… Oui oui naïve…) qu’il boit beaucoup le samedi soir. D’ailleurs, régulièrement, il est un peu saoul alors qu’on n’est que tous les 2. Il est capable de s’endormir devant la télé et de ne même pas me rejoindre dans la chambre pour dormir. Je trouve qu’il boit peut-être un peu trop, je lui fais remarquer gentiment, mais il me dit que ce n’est rien, « c’est juste de la bière ».
Par contre, moi, j’ai pris un peu de poids apparemment. Ah ? Bon… Lentement, insidieusement, il commence à me bourrer le crâne d’idées stupides. Je suis trop grosse, je suis une flemmarde, il faut que je reste avec lui plutôt que d’aller voir mes amis/famille, que je m’occupe de lui parce que « je t’aime tellement !! ». Sans m’en rendre compte, je suis rentrée dans un engrenage un peu bizarre qui consiste à faire tourner ma vie autour de cet homme. Le premier homme qui m’a fait tomber amoureuse, le premier qui m’a touché, et même plus, le premier qui m’a dit je t’aime.
J’étais tellement mal dans mon corps que je n’en revenais pas d’avoir cet homme auprès de moi, alors j’écoute ce qu’il dit. Et je le crois.
Parce qu’on est un couple après tout.
Très vite, je passe mes soirées en semaine également chez lui (oui parce que se déplacer chez moi ce n’est pas possible pour lui) et là, je me rends compte d’un truc que je n’avais pas encore compris : il boit… Tout le temps. La bière coule à flot dès qu’il passe la porte de sa maison le soir, jusqu’à ce qu’il aille se coucher. Ce n’était pas juste le WE. Ça m’inquiète un peu, mais je ne vois pas le pire, j’essaye de trouver des solutions.
Et puis la deuxième étape arrive brutalement un soir, on passe des blessures psychologiques aux blessures physiques.
Une dispute éclate parce qu’il est saoul et qu’il s’est endormi sur le canapé. Je le réveille, mécontente, et il m’attrape par le bras avant de me repousser violemment. Je me fais insulter et pour la première fois, j’ai peur de lui.
Parce que je suis persuadée qu’il est capable de me frapper là, au milieu de son salon, alors que son corps est crispé et que ses poings sont fermés et prêts à s’élancer vers moi. Il bougonne tout en me rejoignant dans le lit, et le lendemain matin, il ne se souvient de rien. Je pensais encore bêtement que ça pouvait arriver à tout le monde et que ça ne se reproduirait pas.
Grossière erreur. À partir de ce jour, tout est parti en live. Il a commencé à m’enfermer psychologiquement dans son propre cerveau, et à m’entourer de colère et de reproches. Il ne supportait pas que je sois sur mon téléphone, ne supportait pas que je joue longtemps sur la tablette parce que je ne m’occupais plus de lui. Il voulait que je l’aide tout le temps à faire le ménage et la bouffe parce que je vivais pratiquement chez lui. C’était toujours moi qui devais me déplacer chercher les commandes de bouffes ou de courses parce qu’il n’était jamais capable de prendre la voiture (bah oui, quand on boit dès 18H…). Quand il était plus jeune, il faisait des sports de combat et il avait toujours envie de m’initier, même quand je disais non.
Non n’était pas dans son vocabulaire
Lorsque je refusais quelque chose, il me pourrissait et me criait dessus.
Il s’amusait à me faire des prises qui me faisaient mal, moi qui ai toujours eu la trouille quand je suis bloquée au niveau des jambes ou des bras, il s’amusait à me faire peur jusqu’à ce que je le supplie en larmes de me lâcher. Souvent, à force de me débattre, je lui donnais un coup, coup qu’il me redonnait ensuite.
Les bleus fleurissaient sur ma peau, parfois même il me balançait des objets au visage.
Vous allez sûrement me demander pourquoi je ne suis pas partie ? Au début, je me voilais complètement la face. À vrai dire je me suis voilée la face jusqu’au bout ! Les bleus ? C’était parce qu’on chahutait (en fait, IL me chahutait…). Les insultes et les critiques ? Je les méritais, c’est vrai que je suis chiante. L’alcool ? Personne n’est parfait, et moi je l’aime. Putain, oui, je l’aimais ce connard, je l’avais dans la peau et je l’excusais systématiquement.
Lors de nos disputes, plusieurs fois je suis partie en claquant la porte en disant que c’était fini. Et c’est là que le chantage entrait en jeu. Il me disait que j’étais tout pour lui, qu’il m’aimait, qu’il ne pouvait pas vivre sans moi et qu’il allait faire des efforts. Pour une nana comme moi sur qui personne ne s’était jamais retourné, qu’il n’intéressait personne, c’était incroyable d’entendre ça. Les semaines suivantes se passaient beaucoup mieux, j’étais sa princesse et on était de nouveau bien. Et je me disais que ça allait être bien maintenant. Les disputes recommençaient systématiquement après quelques jours/semaines et sous l’emprise de l’alcool, il se mettait à faire n’importe quoi. Les bagarres, les bleus et un soir, alors que je voulais partir, il m’a enfermé chez lui et a caché la clé. Heureusement pour moi, il s’est de nouveau effondré sur le canapé complètement saoul et moi, j’ai fini par m’endormir dans sa chambre. Une chance pour moi, sexuellement j’échappais au pire car l’alcool faisait baisser sa libido et il n’avait plus envie de moi (et puis j’étais trop grosse, ça ne lui faisait pas envie du coup il préférait se branler devant des pornos pendant que j’allais chercher les pizzas).
Je n’en parlais jamais à personne, pas même à mes amies les plus proches. Bizarrement, inconsciemment, je pense que je me rendais compte que ce n’était pas normal mais je faisais comme si de rien n’était, surtout qu’on travaillait au même endroit. Plus rien n’allait entre nous, il buvait de plus en plus et sentait l’alcool à 9h le matin au travail.
Les violences psychologiques se sont multipliées, et je le croyais
Pour moi j’étais juste une merde, moche et grosse qui ne réussirait rien dans sa vie si je ne faisais pas comme lui il voulait. Et pourtant j’en ai du caractère, c’est pour cela qu’il y avait autant de disputes, parce que je ne me laissais pas toujours faire. Mais ça ne changeait rien.
Après de multiples séparations-remises en couple, je n’en pouvais plus. Un soir, j’ai pris mes affaires, appelé une pote et je lui ai demandé si je pouvais venir. Elle m’a dit que c’était ok, qu’elle faisait une soirée avec quelques amis et que j’étais la bienvenue. A cette soirée, j’ai rencontré un mec super sympa. C’était compliqué avec sa nana et il était un peu paumé. Comme j’étais dans le même cas, on a discuté longuement et quelque chose s’est passé. Je suis repartie avec son numéro et son sourire charmeur qui flottait dans mon esprit.
Quand je suis rentrée chez l’autre, il ronflait de nouveau sur le canapé. Je l’ai trouvé dégueulasse, et d’un coup ça m’a frappé. Ce gros porc qui me faisait l’amour, qui me touchait sans aucun respect et qui me mettait plus bas que terre était juste un salaud. Je méritais mieux. Bien mieux.
J’ai commencé à prendre mes affaires dans la chambre, à faire ma valise. Malheureusement, je n’ai pas été assez discrète et je l’ai réveillé. Il s’est jeté sur moi lorsqu’il a vu que je faisais mon sac, a tenté de m’étrangler pour m’empêcher de m’enfuir mais l’alcool rendait ses gestes imprécis. Ce jour là, j’ai bien cru que j’allais crever… J’ai réussi à lui échapper et à courir dans le salon mais il m’a rattrapé. Il m’a secoué comme un prunier en hurlant et j’ai réussi à lui dire que c’était fini, que je ne l’aimais plus.
A ces mots, il a ouvert la porte de chez lui, m’a pris par les cheveux et m’a jeté dehors. Littéralement. Je suis tombée brutalement sur le bitume, la tête la première et je crois bien m’être même pris un coup de pied avant qu’il ne ferme la porte. Je me suis retrouvée allongée sur le sol, le visage tout égratigné, mes affaires éparpillées partout. Je me souviens avoir pensé à ce moment là « et si les voisins nous avaient entendu ? Est-ce que quelqu’un s’arrêterait pour moi, là tout de suite ? ». Je me suis enfuie en voiture, j’ai roulé comme une barge avant de m’arrêter au bord de la route pour vomir tout ce que je pouvais. Je suis restée longtemps à genou dans l’herbe jusqu’à ce que je me calme.
Et puis la vérité m’est apparu soudain : j’avais réussi. Je lui avais échappé et j’étais libre. Je ne suis plus jamais retournée chez lui après ça. Il m’a menacé plusieurs fois au boulot mais n’a jamais eu les couilles de s’en prendre à moi devant les autres. Il a fini par démissionner et partir je ne sais où.
Un jour, j’ai pris mon courage à deux mains et j’ai raconté mon histoire à une personne que je considérais comme une amie à l’époque. Elle ne m’a pas cru, elle m’a dit que j’exagérais et que j’étais gonflée de dire cela. Alors qu’elle ne l’avait jamais rencontré ! Elle n’a jamais vu les bleus, et quand elle me voyait « j’allais toujours bien ». Si une amie ne me croyait pas, qu’aurait fait la police ? Alors je n’ai rien dit et j’ai tenté d’enfouir ça au plus profond de moi et je n’ai jamais porté plainte. Parce que j’avais peur, peur du regard que les gens porteraient sur moi ensuite. Mes collègues, mes amis, ma famille.
Personne ne peut comprendre ce qu’il se passe dans la tête d’une femme battue.
On leur demande souvent pourquoi elles restent, pourquoi elles ne portent pas plainte. Parce que nous sommes des victimes, nous sommes brisées en mille morceaux par ces hommes violents et manipulateurs. Tant que la femme battue ne prend pas conscience de l’engrenage dans lequel elle se trouve, vous ne pourrez rien faire. J’étais persuadée que cet homme avait besoin de moi et que ma présence le soulageait et lui faisait du bien ! C’était un homme triste et j’avais envie qu’il aille mieux. Je crois qu’il ne savait pas s’exprimer autrement que par la violence.
Aujourd’hui, quelques années plus tard, je vais beaucoup mieux.
J’ai rencontré un homme respectueux, gentil, aimant, qui prend soin de moi et qui me dit régulièrement que je suis la femme de sa vie et la meilleure chose qui lui soit jamais arrivée. J’ai mis beaucoup de temps à refaire confiance, je vois régulièrement un psychologue et j’ai décidé de laisser tout cela derrière moi.
Je ne me souviens pas de la moitié de ce que j’ai vécu avec lui parce que mon cerveau l’a complètement occulté. Je me souviens des nuits d’angoisse, le cœur battant à tout rompre à prier pour qu’il ne me fasse pas de mal. Il n’a jamais abusé sexuellement de moi mais il m’a brisée pour toujours. Et même si je suis guérie et que les blessures psychologiques se sont refermées, il restera toujours ses cicatrices. Elles s’estompent peu à peu avec l’amour de mon actuel amoureux mais elles ne disparaîtront jamais totalement.
Aujourd’hui je suis une femme épanouie, avec des kilos en trop mais je m’en fous, je prépare son avenir avec un homme génial et je ne souhaite pas me retourner, plus jamais sur mon passé.
J’espère que les victimes d’hommes violents auront la chance de rebondir comme moi et que contrairement à moi, elles oseront en parler. J’ai compris après cette période de ma vie que personne n’avait le droit de m’insulter, me rabaisser ou me violenter.
Mon corps m’appartient et personne n’a le droit de s’en emparer.
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melle X bis dit
Je me retrouve tellement dans ce que tu dis.
Sauf que l’autre ne buvait même pas… et n’avait pas de perte de libido (ses mains, plus le reste…)
Sauf que j’en parlais de nos disputes, de mes rancoeurs et qu’on me disait de partir mais je ne le comprenais pas (à ma famille et la sienne surtout)
Jusqu’au coup de trop devant notre petite fille… Quand elle est venue me consoler, c’était fini, je savais que je partais (j’ai mis encore quelques mois à le faire)
Je suis restée longtemps sous l’emprise de ce type (11 ans), et même encore maintenant, il a du « pouvoir » sur moi en s’en prenant à la petite…
Boucle rouge dit
Merci pour ce témoignage, qui est assez dur à lire. Désolée que vous ayez eu à vivre ça, c’est horrible ce genre de comportement et la réaction de votre soi-disant « amie » beark! Mais contente pour vous que vous ayez eu le courageux de partir et de reconstruire votre vie! Je vous souhaite plein de bonheur.
Virginie dit
Je n’ai jamais eu les coups ( il était malin et ne voulait pas laisser de traces pour pouvoir me traiter de menteuse) mais le reste…. Pareil j’etais jeune et rejetée… Je me suis jurée d’eduquer ma fille pour qu’elle sache qu’elle n’a besoin de personne et que personne autre que ses enfants ne doivent lui faire croire qu’ils dépendent d’elle. Je veux qu’elle sache qu’elle a toujours le choix, qu’un « non » N’est pas négociable et qu’en amour seul le respect compte et que le chantage n’a pas sa place. Et je veux que mes fils apprennent le respect, qu’une femme est son égal pas sa bonniche ou sa chose. La violence conjugale s’arretera quand on apprendra à éduquer nos enfants à ce phénomène. Bon courage
Julie dit
Merci d’avoir eu le courage de raconter votre histoire. On pense que ça arrive qu’aux autres et puis un jour on se rend compte que… j’espère que votre témoignage permettra à dautres femmes d’ouvrir les yeux et de partir avant qu’il ne soit trop tard.
Je vous souhaite d’être heureuse maintenant