Anna a souhaité partager avec nous aujourd’hui son parcours PMA. Nous parler de la souffrance physique, mais aussi de celle qui est psychologique et de l’accompagnement parfois plus que léger de certains médecins, pas toujours compatissants avec ce que vivent leurs patientes. Voici son témoignage.
{Témoignage} 3 médecins pour un parcours PMA semé d’embûches
Nous sommes un couple de parisiens à qui tout réussi : des parcours académiques sans faute, des premiers jobs prometteurs, des vies professionnelles épanouissantes qui nous font courir à 100 à l’heure entre les clichés de notre génération : cours de sport, yoga, responsabilités professionnelles, restos branchés, marché bio.
Quand le sujet bébé a été abordé, je n’étais pas pressée, et pour cause : j’avais 26 ans, tout nous souriait, il n’y avait pas de raisons de s’inquiéter d’un quelconque nuage. Avec six ans de plus que moi, mon mari en parlait régulièrement et autant pour lui faire plaisir que par curiosité, j’arrête ma pilule.
S’en suivent quelques mois d’attente, des projets personnels qui nous occupent (notamment notre mariage, des voyages), mais toujours en toile de fond ce projet bébé sourd qui n’avance pas. Je télécharge des applications, je mange moins d’avocats, je vérifie les dates, je prends des vitamines. Après discussion avec mon mari, on attend un an avant de prendre rendez-vous avec un spécialiste de la fertilité, qui nous rassure et ne s’inquiète pas : nous sommes jeunes (27 et 33 ans), un peu stressés. On nous prescrit les tests pour avancer plus sereinement.
On démarre des batteries de tests pour vérifier la fertilité
Qui ne révèlent pas grand chose de flagrant sinon une vieille endométriose lancinante, mais rien d’inquiétant. Je garde un souvenir compliqué de l’hystérosalpingographie, particulièrement douloureuse. En accord avec notre médecin pressée et toujours en retard d’un grand hôpital de l’ouest parisien, nous démarrons des stimulations ; 2 puis 3. Rien ne se passe. Les rendez-vous sont pénibles : la salle d’attente est partagée avec les patientes de la maternité, et nous croisons tous les matins des femmes enceintes ou avec des petits bébés, des couples attentionnés qui se caressent le ventre. Des heures d’attente de plus en plus difficiles à supporter, surtout sans aucun résultat à la clé, et une absence d’explications de la part du médecin qui est quand même chef de service.
Surtout, les traitements abîment ma peau, qui souffre, réagit, se bat. Bientôt, en plus d’être mal dans mon intimité, je suis mal dans ma peau, ce qui ne facilite pas l’intimité avec mon mari : entre rapports sur commande encadrés par des horaires rigides édictés par l’hôpital et acné juvénile, c’est parfois compliqué de réinventer une complicité à deux et d’assumer sa féminité.
Après une dernière tentative, nous mettons sur pause les stimulations, partons en vacances et consacrons 6 mois à soigner ma peau, ce qui m’oblige à reprendre la pilule (c’est la loi pour bénéficier du traitement roaccutane).
En parallèle de ça, notre entourage devient pressant, puis franchement pénible
Seule ma grand-mère a toujours mis beaucoup de délicatesse pour aborder le sujet qu’elle sent compliqué, et trop intime pour qu’elle ne s’y aventure sans y avoir été invitée. Pour le reste de nos proches, nous faisons souvent face à des questions insistantes, un dénigrement de notre mode de vie uniquement centré sur la réussite professionnelle, qui engendre souvent des réactions disproportionnées de ma part : je clame que je déteste les enfants, et rien ne me met plus mal à l’aise que quand on me fourgue un nouveau-né dans les bras en me disant regarde « comme il est mignon, tu n’en veux pas un à toi ? ».
Je lis une quantité infinie de témoignages similaires de couples ayant eu à subir ces inquisitions déplacées, et au vu du battage médiatique sur la PMA en particulier en ce moment, je voudrais comprendre comment en 2020, des adultes normalement constitués et connectés peuvent continuer à poser ces questions indiscrètes et grossières, qui interrogent des parts très intimes des couples, et touchent à des discussions douloureuses : des couples qui ne veulent pas d’enfants, des adultes dont l’enfance a été trop douloureuse pour envisager de donner la vie, des couples qui galèrent, qui ont été malades ou qui le sont encore. J’y lis un soupçon de perversité parfois, de vouloir mettre le doigt sur un problème éventuel de couple. De tirer des conclusions hâtives. De percer à jour un échec.
Changement de médecin PMA
Quelques mois après la fin du traitement, et donc de la contraception, nous reprenons le chemin de la PMA en décidant de changer de médecin, et de posture. D’être plus à l’écoute, de partager notre chemin avec des proches triés sur le volet, de prendre le temps de choisir un médecin.
Nous trouvons cette jeune gynécologue, spécialisée dans la fertilité, qui nous refroidit dès le premier rdv (signe qui n’aurait pas dû nous tromper, elle n’a pas serré nos mains en nous rencontrant). Mon mari me demande de m’accrocher et de ne pas la juger trop vite, et nous nous lançons dans de nouveaux tests, tous plutôt bons, pour démarrer une première FIV dans un centre. Très vite, les RDVs s’enchaînent à nouveau, et nécessitent une grande agilité dans nos agendas : des prises de sang tous les trois jours, alternées avec les monitorages d’échographie, et des passages à la pharmacie pour récupérer aiguilles et stylos d’injection. Beaucoup de dépenses non prises en charge, un suivi médical d’une froideur sans égal pour un médecin pour qui nous sommes vraisemblablement l’un des premiers couples en suivi de PMA. Elle nage dans les déclarations du centre, les dossiers à remplir, les remboursements sécu. Elle adapte le tarif à chaque RDV, nous ne comprenons rien. Ce premier parcours se solde par une hyperstimulation : je souffre, mon ventre est gonflé.
Nous arrivons à la ponction, qui doit se solder par une congélation à cause de l’hyperstimulation (plus de 40 follicules, ça donne une idée de mon état…). Je passe le manque d’empathie du médecin, ou le fait qu’elle vient nous réclamer son dû alors que je sors de l’anesthésie générale et qu’encore dans les vapes, je dois lui signer un chèque. Mon mari s’occupe de moi pour que je puisse me remettre en forme avant un déplacement à l’étranger 2 jours plus tard.
Quand le labo nous appelle, c’est le désespoir : seuls 3 ovocytes ont été mis en culture. La nouvelle est compliquée à gérer pour moi, encore plus quand en consultation le lendemain, la gynéco nous dit que finalement c’est 2 : il s’avèrera finalement qu’elle s’était trompée, et que nous avions bien 3 embryons au frais.
Après avoir laissé passé quelques semaines le temps que mon corps se remette, on retourne en consultation pour préparer le transfert et là, douche froide : la gynécologue nous informe qu’il faut repasser par plusieurs injections quotidienne. Mon mari doit partir en déplacement près de 3 semaines, et je dois faire mes injections seules. Je me lance donc dans le protocole, je fais attention à moi, je suis les indications malgré les difficultés de compréhensions des ordonnances, et la gynécologue non joignable (elle nous appelle toujours en numéro masqué pour ne pas qu’on la rappelle, et la plateforme d’appel qui sert de secrétariat ne répond jamais). Quand je raconte un peu mon parcours et mes rapports avec elle, mon entourage est étonné : ne pas avoir son numéro de portable étonne, de même que la froideur ou les réflexions qui manquent souvent grandement d’empathie (le mythique « mais madame BIP, si vous étiez capable de faire un enfant seule vous ne seriez pas là, donc vous allez vous rendre disponible et vous débrouiller avec votre emploi du temps »). Si je comprends le sens et le message, je suis surprise par la brutalité de l’univers.
Je suis très motivée à l’idée d’être prête pour le transfert pile quand mon mari rentre de mission : pourtant, je me trompe dans la prise des médicaments, je m’en rendrai compte avec mon mari à son retour quand il regarde les ordonnances, et surtout j’ai des douleurs. Je finis par écrire au médecin (que je ne peux toujours pas avoir au téléphone) que je ne le sens pas, je veux refaire une prise de sang pour m’assurer que tout va bien. Elle réagit mal, pense que j’ai peur, finit par m’envoyer faire cette prise de sang qui confirmera que mon corps a mal réagi. A la réception des résultats, elle m’appelle pour m’engueuler et me confirmer que le transfert est annulé. Je le vis comme une grande détresse : l’engueulade (il n’y a pas d’autres mots), la colère (toutes ces piqûres et mélanges de poudre et de seringues pour rien), la honte de petite fille de n’avoir su lire correctement des directives médicales.
Surtout, la peur d’être virée de la procédure PMA
J’apprendrais plus tard que ceci est impossible, mais je suis alors auto persuadée au regard de la réaction du médecin qu’on peut nous enlever l’accès à la PMA. Au RDV suivant, elle m’annonce qu’elle nous « vire », et ne veut plus nous suivre car je ne suis pas « capable » de suivre un traitement Coup de grâce, elle m’annonce que je vais recevoir un courrier avec accusé de réception qui me stipulera la même info.
Je suis quelqu’un de coriace, j’ai le cuir solide. J’évolue dans un environnement professionnel exigeant, politique. Je m’étais préparée aux échecs, aux hormones, aux RDVs que je dois caser dans mon agenda entre deux réunions, aux bleus. Pas à des rapports humains qui compliquent ces parcours médicaux qui sont éreintants.
Je suis ramenée de la consultation par une collègue qui me dit depuis plusieurs semaines de changer de praticien. Que ces parcours ne peuvent se faire sans confiance.
La suite de l’histoire est heureusement plus joyeuse.
Nous avons demandé aux secrétaires de notre centre des conseils pour trouver un nouveau médecin, et notre nouveau est fabuleux. A l’écoute, professionnel, c’est une pointure de la PMA et surtout, il nous consacre du temps. Nous avons confiance en lui, en ses compétences, et au regard bienveillant qu’il porte sur notre parcours et notre désir.
Aujourd’hui nous avons vécu le transfert de notre premier embryon, un champion comme nous a indiqué notre médecin.
Je ne sais pas si cet embryon donnera naissance à notre premier bébé, mais toutes les conditions ont été optimales. Les piqures sont loin derrière nous, ce nouveau protocole s’est fait dans l’apaisement.
Ce que je voudrais dire c’est la grande difficulté à trouver un médecin gynécologue à l’écoute, professionnel et compétent. Non ce n’est pas un métier comme les autres. Nous ne sommes pas des patients comme les autres. Pour chaque membre du couple et à chacun des rendez-vous, c’est un mélange de stress et d’appréhension qui lie nos mains serrées ensemble.
Nous respectons la profession mais les patients doivent pouvoir avoir une vision claire de l’ensemble des options et des protocoles. Depuis nos 3 ans de parcours PMA, il nous aura fallu attendre le troisième médecin pour qu’on nous explique clairement nos options, les médicaments, leurs conséquences. Nous avons tendance à considérer les médecins comme des sorciers magiques et inaccessibles, et à ne pas insister pour comprendre les protocoles, participer à leur choix.
Si vous ne sentez pas votre médecin, surtout, changez-en. Le chemin est aussi important que le résultat : le quotidien est lourd pour les couples en parcours PMA jusqu’à l’aboutissement de leur projet, et ce quotidien doit être facilité par l’équipe médicale qui vous entoure, vous et votre conjoint.
Si cet embryon se sent bien et s’implante en moi, ce sera aussi grâce à eux.
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Marie R dit
Bonjour Anna,
J’ai lu votre témoignage avec attention. Il me rappelle terriblement le dernier romain de Salomé Berlioux, « La peau des pêches ». Je vous encourage à le lire, il est poignant! J’espère que depuis, vous avez pu avoir votre petit miracle! Vous êtes très courageuse! Si ce n’est pas le cas, je croise très fort les doigts pour vous.