Diane était enceinte de jumeaux. Malheureusement, sa grossesse gémellaire s’est soldée par une fausse-couche à plusieurs semaines d’intervalles. Aujourd’hui elle est en colère, traumatisée par ce qui lui est arrivée. Et elle n’arrive pas à comprendre les réactions de ses proches. Voici son témoignage.
{Témoignage} Le traumatisme de ma fausse-couche
Bonjour,
J’ai beaucoup hésité à témoigner sur ce blog, mais m’étant sentie soulagée après la lecture de nombreux témoignages postés ici, je me suis dit que mon témoignage ferait aussi certainement du bien à une lectrice.
J’ai 36 ans, je suis mariée, j’ai un enfant. Mon mari aussi. Je suis enseignante.
Après avoir longtemps hésité, mon mari et moi décidons d’avoir un enfant commun. Au bout de trois mois d’essais bébé, ça marche ! Je tombe enceinte ! Quel bonheur !
Quatre semaines après avoir eu la confirmation de ma grossesse (prise de sang), un matin au réveil, je constate des pertes de sang. Je file aux urgences. Ayant eu un rapport sexuel la veille avec mon mari, on pense que c’est le col qui saigne un peu car plus fragile (j’avais saigné lors de ma première grossesse dans les mêmes conditions). Après deux heures d’attente, l’interne qui m’examine n’explique pas ces saignements. En revanche, il est affirmatif sur trois points : les saignements proviennent du vagin et se sont arrêtés et surtout … il y a deux sacs gestationnels ! Quel choc !
Il n’y a pas d’antécédents de jumeaux dans nos deux familles !
Sous le choc, nous commençons à envisager notre vie avec des jumeaux et ce que cela implique : changement de voiture, fatigue, stress… Nous avons une certaine appréhension car nous ne pourrons pas compter sur nos familles respectives, qui sont, pour les plus proches d’entre eux, à deux heures de route de notre domicile.
Trois jours plus tard, je saigne fortement : du sang rouge vif qui coule comme un robinet ouvert. Retour aux urgences. Durant les deux heures d’attente, à deux reprises, je vais expulser « naturellement » un amas de tissus et de sang (ça ressemblait à des morceaux de foie). Je comprends que je suis en train de perdre au moins l’un des deux œufs. Confirmation plus tard par l’interne. Il nous dit que c’est dû à un problème chromosomique, qui arrive souvent quand le corps comprend que l’oeuf ne sera pas viable. Nous rentrons alors à la maison sonnés mais soulagés à la fois. Soulagés car l’autre œuf est encore là ! Et puis, on se dit que ce serait peut-être mieux ainsi compte tenu de ce qu’implique au quotidien d’avoir des jumeaux en bas âge sans pouvoir compter sur une aide familiale. Ce soir-là, nous évoquons la suite de la grossesse et je me revois dire à mon mari « Ce ne serait vraiment pas de chance de perdre le second bébé ! ». J’aurais peut-être dû me taire…
Deux semaines plus tard, lors d’un contrôle de l’évolution à l’hôpital, le médecin décide de m’arrêter un mois car j’ai encore des pertes de couleur marron depuis la fausse-couche précoce. Ce mois à la maison fût très difficile : fortes nausées tous les jours et toute la journée + grosses fringales incontrôlables. Je ne me plains jamais car je sais qu’il y a des femmes qui tueraient pour avoir ces désagréments et j’en connais. A la fin du mois, nous passons la première écho : nous voyons notre bébé qui bouge beaucoup. Il croise ses pieds, ses bras… Quel bonheur ! Je ne vous parle même pas des battements de son cœur ! On vient de passer alors le cap des 3 mois de grossesse, on l’annonce à nos proches.
Nous annonçons la grossesse officiellement
Un mois plus tard, je reprends le travail. Les nausées se sont atténuées. Un soir, juste avant de me coucher, je ressens de fortes douleurs au niveau de l’utérus. Je pense aux douleurs ligamentaires. Je me dis que ce n’est pas grave. Je réussis à m’endormir. Le lendemain, toute la journée, je supporte ces douleurs au travail (comme des décharges électriques) jusqu’au coucher. Je ne dis rien à mon mari pour ne pas l’inquiéter. Le lendemain au réveil, j’ai des pertes de sang légères et les douleurs sont toujours là.
Je file aux urgences.
Après deux heures de stress intense, l’interne me dit que tout va bien. Juste des douleurs ligamentaires. Dans la foulée elle me fait une analyse d’urine. Tout va bien. Je ressors donc avec du Spasfon et du Doliprane. Je vais au travail. Dès cet instant, je me ménage : j’annule des projets pro et perso. Je fais le minimum à la maison. Mon mari gère presque tout ! Quelques jours avant Noël, j’approche du 4ème mois. On se dit que c’est le moment de l’annoncer aux enfants. C’est ce qu’on fait.
Les rendez-vous médicaux et les analyses médicales se poursuivent. Peu de temps après Noël, ma sage-femme me téléphone pour me dire que j’ai une petite infection urinaire. Elle me prescrit un antibiotique : Séléxid, que je dois prendre pendant 7 jours 2 comprimés matin et soir. Elle me prescrit aussi un nouvel ECBU de contrôle à faire 10 jours après la prise de l’antibiotique. Je respecte bien la posologie. Je suis surprise car je n’ai aucun symptôme (contrairement aux fois où j’ai eu une infection urinaire). Je ne suis pas inquiète car la sage-femme ne semblait pas alarmiste et puis je n’ai aucun symptôme et surtout je suis sous antibiotique !
Sur le moment, je me dis quand même que ce délai d’attente de 10 jours me semble long mais je me dis que ça doit être la procédure.
Le 10 ème jour après la prise de l’antibiotique, c’est un dimanche, les labo sont donc fermés. Je vais faire l’ECBU le lendemain. Dans l’après-midi, je constate d’importantes pertes blanches. J’ai souvent lu que c’était normal chez les femmes enceintes. Le soir-même, en faisant l’amour, me mari me fait remarquer lui aussi que j’ai beaucoup de pertes. Non sans humour on fait aussi le constat qu’il est temps de réfléchir à d’autres positions. Dans la nuit, je me réveille car je me sens humide. Le drap est aussi humide. Mi-réveillée et mi-endormie, je me dis que c’est un « accident » (en fait, je souffre d’une vessie hyperactive et j’ai souvent eu des fuites). Honteuse, je file aux toilettes , je me change et je recouvre la partie humide du drap avec une serviette. Je me recouche.
Fuite urinaire ou perte des eaux ?
Le lendemain matin, je me rends compte que la tâche humide sur le drap est quand même importante, mais je me dis : une perte des eaux à presque 5 mois de grossesse ? Impossible pour moi ! Je n’y pense même pas ! Et puis, étant croyante, je me dis « Après ce qu’on a déjà vécu depuis le début de cette grossesse, le bon Dieu ne peut pas nous faire ça ! ». J’ai la foi. Je ne m’inquiète pas. Je vais travailler. Dans la journée, je trouve que mon ventre est un peu moins « tendu ». Mais je me dis que ce n’est qu’une impression. Avec le recul, je me dis que j’avais compris ce qui se passait mais que c’était tellement brutal, horrible, incompréhensible qu’il m’était impossible d’être dans la réalité.
Ce n’est que le lendemain quand je constate des pertes de sang que je file aux urgences. Durant l’attente, j’ai de la fièvre et des douleurs dans le bas du dos. L’interne m’examine. Le verdict tombe : le col est ouvert et pas qu’un peu. A tel point que l’on aperçoit des phalanges du bébé. La poche des eaux a rompu. Je suis en travail. A ce stade, bébé n’est pas viable. Je suis en état de choc, je ne peux bouger ni parler. Le monde s’écroule à mes pieds. Je pense être dans un cauchemar et j’espère me réveiller. Je suis hospitalisée.
Dans la nuit, je prie, je supplie, j’implore le bon Dieu de sauver mon bébé
Je bois aussi beaucoup d’eau en espérant naïvement reconstituer le liquide amniotique. J’ai froid, j’ai des frissons. Je parle à mon bébé. Je lui demande de s’accrocher, que je fais tout pour le garder.
Le lendemain matin, au réveil, la sage-femme ne perçoit pas d’activité cardiaque. Elle appelle le médecin, qui me dit sur le même ton qu’on emploierait pour dire l’heure qu’il est « De toute façon, il n’ y a plus d’activité cardiaque ». Je m’effondre. J’ai des contractions . Direction la salle d’accouchement. Je croise des nouveaux-nés, des femmes qui viennent d’accoucher. J’entends des pleurs de nouveaux-nés . J’ai très mal.
Les contraction sont de plus en plus fortes et de plus en plus rapprochées. Je hurle. L’anesthésiste vient. Il me met la péridurale. A peine me l’a-t-il mise que je sens expulser mon bébé. Il règne alors un silence assourdissant. Quel silence dans une salle de « naissance » !! La sage-femme le prend, dans une autre salle, le « prépare » puis nous le ramène dans une petite boite en plastique bleue. Il est beau notre garçon. Il est formé. Il est comme vous et moi sauf qu’il n’a pas de cheveux et qu’il est petit.
Il semble sourire. Je l’embrasse, je le caresse notre petit Gabriel né à 18 SA + 4 jours.
Les heures, les jours, les semaines qui ont suivi ont été les plus sombres de ma vie. Je ne pensais pas qu’il était possible de souffrir autant. Je me sentais vide. En état de sidération. Je ne faisais que pleurer.
Hier on a eu les résultats des examens du placenta : il a été infecté par la bactérie E.Coli. Sans doute lors de mon infection urinaire. Les résultats de l’autopsie ne sont pas encore arrivés. Sinon, le caryotype de Gabriel est normal. Donc pas de problème chromosomique. Cela nous soulage un peu, mais qu’un peu (car on ne renonce pas à notre projet bébé), car je suis bien placée pour affirmer aujourd’hui que la malchance peut se répéter.
Nous avons en presque 5 mois perdu deux bébés pour deux raisons différentes. On ne peut pas dire qu’on a été chanceux sur ce coup-là.
Aujourd’hui j’essaie de me raccrocher à ce qui est positif dans ma vie : un mari formidable, deux enfants en bonne santé (dans mon métier j’ai des enfants qui n’ont pas cette chance ; parfois même avant leur naissance), on a acheté une belle maison, j’ai des amis et des proches qui m’aiment, mon mari et moi sommes en bonne santé, ainsi que ceux que j’aime. Mais ce n’est pas facile tous les jour de voir les aspects positifs de ma vie.
Cela fait deux mois maintenant. Je n’ai toujours pas repris le travail.
Je suis en arrêt pour état dépressif
Et je ne me sens pas capable de reprendre le travail avant la fin de l’année scolaire. Parfois,je me dis que je suis trop faible. Que je devrais déjà avoir fait mon deuil et être capable de reprendre le travail. Ma psy est très bien. Mais je n’y arrive pas.
Quelqu’un d’autre dans cette situation ? J’aimerais bien avoir vos témoignages sur ce sujet.
Nous avons été fort déçus par l’attitude de nombreux de nos proches. Chacun a son excuse pour ne pas venir nous voir ou simplement nous soutenir : ma belle-mère qui dit ne pas vouloir s’immiscer dans notre intimité. Un deuil serait-il d’ailleurs plus intime qu’une naissance ? Puis mon beau-père qui rajoute plus tard : « Dites-nous si vous organisez une cérémonie, on sera là ». Ah ! il faudrait qu’on organise une cérémonie pour nous faire la faveur de venir vous voir ? Quand aurait-on pu organiser cette cérémonie ? entre deux coups de fil aux pompes funèbres ? J’avais à peine la force de me lever pour manger ou prendre une douche !
Sans parler d’un ami de mon mari qui « avait ski » et d’autres qui ne se sont pas manifestés. Ces mêmes qui étaient prêts à faire 4 heures de route pour venir chez nous quand nous organisions des repas à la maison. Il faut croire que dans les moments malheureux, les kilomètres se rallongent.
Pas un message non plus de ma belle-sœur. Toutes ces personnes trouvent le temps d’être sur Facebook à commenter des publications inutiles et à liker mes posts mais ne prennent pas deux secondes pour me faire un coucou.
Comment des femmes qui ont porté des enfants peuvent-elles ainsi ignorer mon traumatisme ? Pour moi c’est incompréhensible.
Voilà, vous l’aurez compris, aujourd’hui je suis dans la douleur, la culpabilité (de ne pas avoir pu veiller sur mon bébé) et la colère d’avoir eu tant de malchance et de constater le manque d’empathie de nos « proches ».
Merci de m’avoir lue.
Prenez soin de vous.
Vous souhaitez publier votre histoire sur le blog ? Déposez votre témoignage mariage ou témoignage maternité ici.
Florine dit
Diane, c’est une terrible épreuve. Je comprends ta douleur et t’envoie mes encouragements pour l’affronter. Chacun est différent et fait face comme il peut. Si mon expérience peut te servir, je serais heureuse que cela puisse t’aider.
Il n’y a pas de consolation dans la perte d’un enfant, malheureusement, il faut finir par l’accepter.
Le temps fera son oeuvre.
Il faut accepter et reconnaître d’être devenu les parents de ces enfants partis.
Oui ils ont existé, ils ont vécus.
J’ai trouvé très très pénible de retourner à mon travail après la perte de mes jumeaux, à 5 mois. Faire face aux regards, ne pas s’effondrer et devoir s’expliquer. Cela me semblait insurmontable. Bien que j’ai pleuré seule devant mon ordinateur, et que je ne trouvais aucun sens d’être là, pourtant c’est le retour au travail, au quotidien qui m’a aidé à reprendre ma route.
Essaie et même si tu n’y arrives pas que risques tu?
Aujourd’hui cela te semble peut-être impossible, mais si tes jumeaux t’avaient rendue plus forte? Si leur passage avait créé un lien indestructible entre toi et leur papa? Donner un sens a leur (trop courte )vie, je crois que cette pensée pourrait t’aider.
Parle de ta souffrance et de tes bébés a tes proches mêmes si ca les mets mal a l’aise. Les gens n’osent pas venir vers toi, car que dire a une mère qui a perdu son enfant ? Les gens préfèrent imaginer que ce n’est pas si grave, que ça va passer, que tu en auras d’autres. Ça les rassurent.
Mais OUI on peut redevenir joyeux après une telle épreuve, et retrouver gout a la vie. Garde espoir.
Ils feront toujours partie de toi
Lolo dit
Je suis de tout cœur avec toi. Perdre un enfant est déjà un traumatisme , je n’ose même pas imaginé deux en si peu de temps.
Après une fausse couche je suis de nouveau enceinte mais très stressée. Je pense toujours à la perte du bébé mais quand je n’ai pas le moral je regarde mon aîné et je retrouve le sourire.
Je te souhaite bcp de courage pour traverser ces épreuves.
Ju dit
Bonjour,
Quelle terrible épreuve que vous traversez… je n’ai eu qu’une fausse couche, mais je le rappelle de ce vide, de cette colère et de cette solitude. Aucun mot ne peut alléger ce chagrin. Seul le temps l’adoucira, et parfois, le temps est si long… un deuil, surtout celui d’enfant, est laborieux et difficile, teinté de colère, de culpabilité, de dénis aussi… l’acceptation viendra. Pour ceux qui vous entourent, peut être sont-ils démunis face à l’indiscible… cela n’excuse pas cette absence, mais dans ces circonstances, chacun fait ce qu’il peut. Et face à un tel drame, parfois, pour se protéger, on fait comme si cela ne pouvait pas exister. Mais ça existe! Et c’est, je crois, ce qu’il existe de plus triste.
Vous avez une vraie raison de pleurer, pleurez fort, parlez, à votre mari et vos enfants. Ne laisser surtout pas de tabous qui ferait encore plus de dégâts… et petit à petit j’espère que vous pourrez vous reconstruire, pour vous et votre famille.
Bon courage
Cat dit
Ma chère Diane,
Ton histoire me touche évidemment… je pense qu’elle affecte forcément chaque personne qui la lira, y compris tes proches mais qui je pense, ne savent pas comment réagir et t’aider face à ces événements.
Tu es remplie d’émotions et c’est normal, toutes émotions font partie du deuil : détresse, tristesse, colère, culpabilité, incompréhension…
Il n’y a que le temps qui fera les choses, comme toujours.
Parce que oui bien sûr, tu va arriver à passer cette étape difficile de la vie, et elle fera partie de ta vie, je crois qu’on est plus fort qu’on ne le pense… et même si nos proches sont maladroits, ils sont là autour de nous même mentalement pour nous soutenir face aux épreuves de la vie.
Je t’envoie plein de bisous pour te soutenir :*