Organiser son mariage quand on est non-voyante

Claudia est non-voyante depuis sa naissance. Elle a souhaité témoigner sur le blog, pour montrer à tous les couples souhaitant se marier, qu’aucun handicap ne doit venir entacher la volonté de se dire Oui. Voici son témoignage.

{Témoignage} Organiser son mariage quand on est non-voyante

Bonjour,

je m’appelle Claudia, et je suis non-voyante de naissance. Ce n’est pas dans mes habitudes de me présenter en ces termes, mais le sujet dont je viens vous parler aujourd’hui, qui me tient à cœur, concerne la vie de couple, et notamment la préparation d’un mariage, lorsqu’une personne de ce couple présente une déficience visuelle. Par ce témoignage, j’espère briser les tabous, et donner de l’espoir aux femmes seules en situation de handicap, dont je faisais partie il n’y a pas si longtemps.

La rencontre

Nous sommes en 2016, je vais sur mes 22 ans. Je vis seule dans un petit studio universitaire, et le célibat commence à me peser. Jusqu’ici je n’ai connu qu’une histoire d’amour, à distance, pendant 2 ans et demi. C’était un non voyant. Ce détail pourrait paraître dérisoire, mais je suis alors influencée par les clichés, selon lesquels une personne non voyante, et particulièrement une femme, se met forcément en couple avec un autre non voyant. Et puis, il faut le dire, je ne suis pas non plus une top modèle ! Quelques petits flirts lors de mon semestre d’études en Irlande m’ont un peu redonné confiance en moi, mais une femme, c’est bien connu, se prend toujours la tête. J’ai donc franchi un cap que je n’aurais jamais pensé franchir, m’inscrire sur un site de rencontre. Je n’avais rien contre ce genre de site en particulier, mais pour moi c’était pour les gens désespérés. Mais après tout, ne l’étais-je pas ?

Le site donne la possibilité de se décrire. J’ai donc fais le choix de mentionner mon handicap, mais avec une note d’humour du genre « je suis non-voyante mais je ne mords pas ! ».

J’ai rencontré mon homme le 5 septembre 2016.

Nous avions commencé à échanger à la mi août, et ce qui m’a touché, outre le fait qu’il ait été l’un des seuls à lire l’intégralité de mon profil, c’est qu’il n’a pas tout de suite parlé de mon handicap, attendant que je le fasse moi-même. Plus tard j’ai su qu’il voulait me faire comprendre que ce n’était pas le plus important. Et puis, il savait que j’étais en master, que je vivais seule, que j’étais donc autonome. Il m’a même dit que pour en être arrivée là, je devais avoir un sacré caractère. Le pauvre homme ne croyait pas si bien dire ! Quand nous nous sommes rencontrés, je ne peux pas dire que j’ai eu le coup de foudre. J’avais beaucoup de doute, et j’avais du mal à y croire. Comment une femme au physique aussi banal que le mien, et en plus avec un handicap, pouvait attirer un homme qui me correspondait aussi bien ? C’était trop beau pour être vrai, mais pour le coup, j’ai décidé de me laisser guider, on verrait bien ou ça me mènerait !

La vie de couple

J’ai rencontré Erwan à un moment où je me sentais très mal dans ma peau, et il m’a totalement redonné confiance en moi. Pas une journée se passe sans qu’il me dise que je suis belle, qu’il m’aime comme je suis. C’est même lui qui m’a donné envie d’être mère. Je pensais que fonder une famille n’était pas pour moi, car je ferai vivre mon handicap à un petit être qui n’aurait rien demandé, mais il a su trouver les mots pour me faire changer d’avis, et aujourd’hui, faire un enfant est devenu notre plus grand projet du moment. Bien sûr, il y a des hauts et des bas. Il a fallu s’accorder, apprendre tous les 2 à vivre avec le handicap. Bien entendu, le partage des tâches ménagères n’est pas toujours évident, car il y a forcément des choses que je fais beaucoup plus lentement que lui. Il a fallu du temps, et quelques disputes je l’avoue, pour arriver à un équilibre. Mais le fait d’avoir déjà vécu seule m’a beaucoup aidé. Par conséquent, même si j’ai abandonné l’idée de nettoyer le sol, Erwan est très content de manger mes bons petits plats.

J’ai aussi la chance d’avoir une belle-famille en or, pour qui je ne suis pas handicapée, je suis juste Claudia ! Tout comme Erwan, ils n’ont jamais eu pitié. Si je fais ou dis quelque chose qui ne plaît pas, ils n’hésiteront pas à me le dire, et je crois que c’est ce que j’aime le plus !

Des préparatifs du mariage au jour J

Lorsqu’il m’a demandé en mariage, le partage des tâches a été évident : il faisait tout ce qui était visuel, la décoration, le design des faire parts, des menus etc. Moi, je m’occupais de l’administration : les envois d’e-mails, les relances, les appels téléphoniques, l’écriture des textes des faire parts etc.

Malgré tout, j’ai dû faire face à quelques frustrations.

Quand il m’emmenait dans un magasin de décorations, il me faisait tout toucher, avec un sacré enthousiasme. Mais la plupart du temps ça ne représentait pas grand-chose pour moi, donc je me sentais en décalage. Mais j’ai pu donner des idées, et m’investir pleinement d’une autre manière ! J’avais peur que, le jour de mon mariage, les invités se focalisent sur notre couple mixte, qu’on me parle d’admiration ou de chance, car il nous est arrivé plusieurs fois de croiser des gens qui me disaient à quelle point j’ai de la chance d’avoir rencontré un homme comme lui, qui m’aime malgré le handicap ! Au fil du temps j’ai commencé à perdre patience face à ce genre d’individus, et j’avais peur que ce détail vienne ternir le mariage.

Finalement, j’ai été agréablement surprise. Ce jour-là il n’y avait pas de handicap, juste un couple qui voulait crier son amour à tout le monde et faire la fête ! Et puis tout le monde me connaissait, je n’avais donc pas besoin d’en faire trop pour me sentir intégrée, et j’étais tout le temps accompagnée donc les questions liées à un possible manque de repères dans l’espace ne se sont pas posées.

Je vous prie de m’excuser pour la longueur de ce témoignage, comme dirait mon mari, je parle trop ! Mais s’il a le mérite de donner un peu de force aux femmes qui en auront besoin, et surtout, de casser les clichés, alors je suis prête à en écrire des pages et des pages !

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