Hava est maman de deux enfants et elle avait envie de nous raconter ses accouchements. Enfin plus particulièrement son second, qui malgré les circonstances a été un vrai moment de bonheur. Un accouchement physiologique, doux et nature, mais à l’hôpital. Voici son témoignage.
{Témoignage} 2 accouchements sans péridurale
Bonjour à toutes et à tous,
J’ai 24 ans, je suis maman de deux enfants, et surtout lectrice régulière de ce blog, Notamment tout au long de ma deuxième grossesse, alors je me décide (enfin) à laisser quelques mots à mon tour, je ne sais trop pourquoi. Ce besoin de raconter mon second accouchement, pour me le rappeler encore. Ce besoin de faire, à ma façon, le bilan de mes deux accouchements, ces moments magiques.
Le premier (trois semaines avant terme) avait été l’accouchement rêvé pour beaucoup de femmes : à peine trois heures de travail, pas de péridurale, quinze minutes de poussée, ni déchirure ni épisiotomie. A moi, il m’avait laissé une confiance certaine, et un souvenir incertain : je n’ai jamais réussi à me l’approprier, trop rapide, violent, pour que je puisse en être actrice. J’étais là, sans être là, je ne sais ce que j’ai ressenti, ni physiquement ni émotionnellement. Pour le second je n’espérais qu’une chose : le vivre pleinement. L’hôpital me semblait être une entrave à cela (je souhaitais accoucher à domicile, mais n’ai pas su convaincre mon conjoint) : mon expérience personnelle de cet hôpital, ainsi que le protocole Covid, y étaient pour quelque chose, sans compter le nombre d’articles que nous pouvons lire sur les accouchements catastrophes, les violences gynécologiques ou autres. En réalité, tout a été mis en œuvre pour que je puisse bien vivre mon accouchement, en pleine conscience et confiance. Ces mots, donc, pour dire merci à l’équipe médicale qui m’a suivie, qui a cru en moi, et qui a permis de faire de ce moment, mon accouchement idéal, dont voici le récit.
A la maison : le calme et la confiance
C’est une journée qui se termine tranquillement, une de plus, une de moins avant la naissance. Nous sommes à deux semaines du terme, aucun signe. Ma famille prend des nouvelles, mon père attend sa “sixième étoile”, moi, je patiente, il arrivera quand il sera prêt, ce sera le bon moment, et je lui répète souvent, depuis deux jours que N. ne travaille plus (confinement) « viens quand tu veux, nous sommes prêts« .Dans le salon, je fais mes ongles en regardant N. jouer à la console. A. dort paisiblement. Régulièrement, mon ventre devient pierre, petite pierre précieuse, petite géode renfermant la vie. Ce n’est absolument pas douloureux, j’y suis habituée depuis le quatrième mois. Je m’endors sereinement. Une demie heure plus tard, je m’éveille en sursaut : la poche des eaux est rompue, aucun doute. Il est minuit pile, nous sommes le 4 novembre 2020. « Oh non, ça ne doit pas se passer comme ça. Je n’ai pas de contractions, je ne veux pas qu’ils me déclenchent« . Excitation, adrénaline, angoisse que tout ne se passe pas comme j’aimerais. Je répète en boucle : « on a le temps, on a 2h pour aller à la mat, on prend notre temps« .
Minuit et quart, première contraction. Les suivantes, pas trop douloureuses, arrivent rapidement. Pas besoin de compter, elles sont déjà très rapprochées. Soulagée d’arriver sur un terrain connu, je pense à mon bébé, endormi, paisible, sous ma peau, déclencheur du travail : il est prêt, il va bien, nous allons nous surpasser, ensemble, cette nuit, nous formons une super équipe. Mes quelques peurs s’estompent, ne restent que le doute et mon humilité face à tout ça pour me rappeler que peut-être (…), et que je ne peux rien y faire. Alors je me sens prête, j’ai confiance en mon corps, en mon bébé, qui saura me guider pour l’aider à trouver son chemin. Ce n’est pas une tempête qui nous tombe dessus, c’est juste la vie qui arrive. Juste ça.
Les sacs bouclés, A. se réveille. On lui explique, à mon petit grand, ce qu’il va se passer. Promesse que papa sera là à son réveil, car quelque part au fond de nous, on en est certains. Dernier câlin à trois. F. arrive pour garder A., on papote, un café, une clope, recommencer, prendre son temps…
00h50, contractions toutes les quatre minutes, plus longues, plus intenses, mais pas insoutenables, je m’appuie contre les murs, marche, gigote, j’applique ce je ne sais quoi que mon corps me dicte, me rappelant ma première préparation à la naissance et mon premier accouchement. J’accueille les choses tranquillement, avec joie, pleinement.
Il va être temps. L’angoisse monte, je ne veux pas partir d’ici, où tout va bien, pour aller dans la froideur de l’hôpital, où j’ai peur de ne plus rien contrôler, où on va me dire si le travail a commencé, je ne veux pas savoir et d’un coup, j’ai peur de ne pas y arriver, une fois là-bas. J’aimerais avoir plus de temps, tous les trois, qu’on s’approprie ce moment… N. me rassure : “tu vas y arriver”. Nous partons. Mes contractions sont fortes, le mouvement me fait du bien, je danse dans la rue en rigolant : « il paraît qu’il faut faire bouger le bassin« . Je regagne ma confiance, je me retrouve, me rassemble, je sais ce que je dois faire. Il est 1h15, nous arrivons à la maternité. Nous prenons 5 minutes à nous, avant d’enfiler nos masques et de sonner à la porte.
A l’hôpital : rapidité, peur-panique, et prise de conscience
« Ma femme est en train d’accoucher, elle a perdu les eaux« . Protocole Covid oblige : je monte seule pour l’examen, si le travail a bien commencé, on fait monter le papa. Je râle un peu : je contracte toutes les 3 minutes, évidemment que le travail a commencé. On m’installe, on vérifie plusieurs choses, on cherche mon dossier, on me pose le monito, le bébé va bien, tout se fait dans une douceur nocturne rare. « Par pitié, dites-moi que le travail a commencé« . L’étudiante sage-femme rigole : « Ah ça oui il a bien commencé, vous êtes à 5 ou 6. Ça ira très vite… vous souhaitez la péridurale ? C’est maintenant ou jamais« . Pas de main à serrer, pas de regard auquel me raccrocher. La position allongée me gêne terriblement, la possibilité d’effacer la douleur me tente un peu, malgré moi. Je pense à mon conjoint : « tu vas dire oui puis non puis oui puis non » et je dis non, ça ira, je l’ai déjà fait (j’essaie de m’en convaincre). La sage-femme se retire pour préparer la salle d’accouchement.
Un espace-temps inconnu, la solitude, ces lumières froides, les cinq minutes d’absence de l’étudiante sage-femme me semblent être une éternité. Une contraction d’une nouvelle intensité : je m’accroupie par terre, pousse des râles insoupçonnés. J’ai peur, et plus que tout, j’ai besoin que N. soit là.
On y va. Je m’arrête, dix mètres, une contraction. Je lutte pour rester debout, je ne veux pas inquiéter cette jeune femme (qui n’a peut être pas encore d’enfant ?), mon seul soutien, mon courage, respirer comme il faut, me soutenir, tout tient à elle, j’ai besoin qu’elle continue de croire en moi, j’ai besoin qu’elle continue d’avoir confiance en moi. On arrive, nouvelle contraction. Je ne sais plus quand celles-ci commencent, s’estompent, il n’y a plus de répit. Accroupie en bas du lit, ça pousse, j’ai peur. C’est le bébé que je sens descendre. La panique me prend : « Je ne vais pas y arriver, pas possible, il faut qu’il sorte, ça pousse, ça pousse, ÇA POUSSE, pardon« . Elles tentent de m’installer un monito, une voie veineuse, mais surtout, les deux sages femmes me réinventent du courage, c’est le bébé qui arrive, tout ira bien, je suis très forte, personne ne va mourir, au contraire, mon fils va naître. Leur confiance en moi, inconditionnelle, m’impressionne, me permet de tenir. 1h53, N. arrive, il n’ose ni me toucher, ni me parler, mais sa présence…
« ÇA POUSSE »
La sage femme demande à m’examiner : dilatation complète, bébé est là, on y va, installation de la table, et l’empressement dans sa voix… Tout s’accélère. “Mais c’est impossible, il y a dix minutes j’étais à peine à 6…”. La sage femme hausse les épaules en souriant. Je ne suis pas prête, je ne sais pas pousser, il est trop tôt, je ne vais pas y arriver, mon conjoint n’a même pas sa sur-blouse bleue moche des accouchements, je n’ai même pas retiré mon masque (que je ne retirerais d’ailleurs pas) ! Il faut y aller, j’ai peur, je ne veux pas. Et finalement, je le ressens, prise de conscience, retour à la réalité : le seul moyen d’en finir avec cette douleur-panique est de laisser faire, aider cette poussée au lieu de la retenir, il n’y a pas d’autres issues. Je dois céder pour donner ce que j’ai à donner, rien moins que la vie… Je lâche prise, laisse faire, en toute conscience, ma façon de reprendre le contrôle. Une contraction, deux poussées, je sens mon bébé passer, je sens sa tête sortie, je sens, ce n’est pas moi qui pousse mais une force qui sait comment faire. « Ne poussez plus ! » Je me concentre pour arrêter cette poussée, et je sens les formes inégales de mon bébé, ses épaules son ventre ses jambes, sortir, glisser toutes seules en dehors de moi. Je sens mon bébé naître, je le sens physiquement, là. On le pose sur moi : « mon dieu, il est tout petit« .
L’après : miracle et fierté
Mon tout petit, né à 2h01, moins de dix minutes après que son papa pénètre dans la salle d’accouchement. Il est minuscule, si fort, si puissant. Le temps s’arrête, sans s’arrêter. Je ne vois pas mon bébé posé sur moi, ni son visage, ni le reste, je ne veux pas le bouger, je profite de ces sensations nouvelles, son odeur, son corps chaud, doux, à peine humide, contre le mien, à l’extérieur. Je profite de ces minutes chaudes et intenses, empreintes de douceur. J’observe ce qui se passe autour, l’équipe soignante qui s’active, la voie veineuse que la sage femme finit par me poser, son doux sourire posé sur nous : « La prochaine fois, si vous me dites que vous n’y arriverez pas, je rigolerais bien !« . Mon conjoint, serein, calme, heureux, je crois. Et H., ce vivant contre moi, dont je suis déjà si fière, et à qui j’aimerais pouvoir promettre monts et merveilles.
Je pense à son frère, qui verra à son réveil son papa, comme promis, et qui aura des photos de son frère à découvrir. Il ne sait encore rien de la nuit qu’on a passée, comme personne à part nous trois, et le personnel qui m’a accompagnée.
Ces femmes, que je ne remercierai jamais assez de m’avoir permis de si bien vivre cet accouchement, dans la douceur malgré la douleur, dans la chaleur et le respect malgré le froid extérieur et la situation, dans la conscience et la confiance malgré l’appréhension et la peur panique, cette peur qui finalement n’était là que pour m’aider à lâcher prise et prendre le contrôle, pour nous aider à se mettre au monde.
Je pense à tout ça et à plein d’autres choses encore, je ne pense à rien. Les heures qui suivront seront douces et excitantes, pleine de vie, au sens propre du terme, pleine de cette nouvelle vie dans nos vies. J’ai hâte de prévenir mon père que cette sixième étoile est arrivée.
Pour conclure, ces mots sont donc aussi pour dire à celles qui devront passer par là bientôt, que tout ira bien, qu’il faut y croire, faire confiance, à soi, aux personnes qui nous entourent, au bébé que l’on porte, aux choix que l’on fait, à nos sensations physiques au moment même, à nos émotions également, tout est fait pour qu’on y arrive, soufflez.
Les catastrophes arrivent, mais les miracles également. Une bonne dose de confiance, avant l’accouchement, on ne crache pas dessus.
Laisser un commentaire