Anne connait la douleur de ne pas arriver à tomber enceinte. Elle sait ce que c’est que de voir les autres femmes, enceintes, alors que pour elle la grossesse se fait attendre. Alors aujourd’hui qu’elle est maman de 2 enfants, elle fait attention. A toutes ces femmes, à tous ces couples qui souffrent, parfois en silence, lors de conversations anodines. Elle ne les oublie pas. Voici son – très beau – témoignage.
{Témoignage} A celles et ceux pour qui le bébé tant attendu ne vient pas. Je pense à vous. Je ne vous oublie pas.
Bonjour à toutes les lectrices et tous les lecteurs du blog,
Je voudrais m’adresser à toutes ces femmes, tous ces hommes, tous ces couples, qui espèrent tant avoir un enfant qui ne vient pas… Je n’oublie pas. Je ne vous oublie pas.
Le jour où, après 4 années pendant lesquelles mon amoureux a attendu que je sois prête à avoir un bébé, je jette ma plaquette de pilule, nous nous disons et nous répétons qu’il faudra peut-être être patients, que ça pourra prendre du temps. Autour de moi, personne n’a encore de bébé. Je suis l’aînée de ma famille. J’ai 28 ans et mes ami·es n’ont pas d’enfant. Je n’ai pas peur d’attendre.
Seulement voilà…
C’est pile à partir de ce moment-là que les annonces de grossesse autour de moi se présentent
Ma meilleure amie m’annonce qu’elle est tombée enceinte au premier mois d’essai. Puis mon meilleur ami, que son amoureuse est tombée enceinte au premier mois d’essai aussi.
De notre côté, 3 mois sont passés
Bon, patience, j’espère que nous vivrons ça bientôt…
Au bureau, ma cheffe annonce sa grossesse, elle en parle tous les jours, passe son temps à toucher son ventre, tandis que ma directrice passe son temps à lui dire « Profite, les 3 premières années c’est vraiment pas facile. » Un autre ami m’annonce la grossesse de son amoureuse, dès le premier mois aussi.
De notre côté, 6 mois ont passé. Statistiquement il paraît que 80% des couples de notre âge auraient vu une grossesse débuter. Il faut croire que nous faisons partie des 20% les moins fertiles…
Ma cousine tombe enceinte d’un homme qu’elle a juste croisé un soir : elle décide de garder le bébé seule et de ne jamais le revoir.
Mais qu’est-ce qu’on a fait pour ne pas avoir droit à cette chance-là, nous ?!
Pendant tout ce temps, mon amoureux trouve l’attente longue, lui qui m’a attendue déjà 4 ans
Et moi, je ressens les choses autrement. Ce sont les grossesses des autres que je ne supporte plus. Encaisser chacune de ces annonces. Me demander par quel hasard statistique toutes les grossesses des autres autour arrivent dès le premier mois d’essai, alors que c’est censé être une exception. Fondre en larmes dans les toilettes lors d’une soirée de mariage où ma meilleure amie, et l’amoureuse de mon meilleur ami, partagent leurs impressions de grossesse ensemble. Ne pas pouvoir faire un pas dans la rue sans souffrir à chaque femme enceinte, chaque poussette, chaque nourrisson que je vois. Pleurer si souvent. Et puis, détester mes règles, détester compter les jours, détester faire l’amour autant que possible parce que c’est devenu malgré nous un objectif. Un besoin. Une douleur face à la chance et au bonheur des autres.
J’ai eu de la chance. Beaucoup de chance.
Le 9ème mois d’essai, je suis tombée enceinte
C’est rien, 9 mois. Vraiment pas grand chose. Mais ce n’est pas le temps qui m’a fait mal. C’est la facilité et le bonheur des autres… Au point de ne pas réussir à m’attacher à mon futur bébé, à lui donner de l’importance, à y croire, avant 5 mois et demie de grossesse : s’il doit y avoir une fausse-couche, une grossesse extra-utérine, une malformation, bref une tuile, c’était sûr que ça va tomber sur moi… Alors même que je suis enceinte, je pleure lors de la naissance du bébé de ma meilleure amie. Puis lors de la naissance du bébé de mon meilleur ami
Et pourtant mon bébé à moi est bien là, dans mon ventre, au creux de moi…
J’ai eu de la chance. Une chance immense. J’ai eu une fille, puis un garçon. J’aurais peut-être l’envie, et la chance, d’avoir un troisième enfant un jour.
Mais je voudrais vous dire que je n’oublie pas… Je ne vous oublie pas…
Chaque fois que la conversation entre collègues à la pause déjeuner porte sur la grossesse et les enfants, et que je remarque celle de nos collègues qui baisse les yeux, ne dit rien et attend que la conversation passe à autre chose… Quand une de mes amies de bureau me dit « On a décidé d’avoir un enfant, mais tu sais pour nous les homosexuelles, c’est forcément plus compliqué.« … Chaque fois que j’entends quelqu’un demander à quelqu’un d’autre « Et toi, et vous alors, les enfants, c’est pour quand ?« . Chaque fois que je marche avec mes enfants dans la rue, et que je vois sur eux ou sur moi le regard d’une femme, d’un homme, d’un couple dans lequel je sens cette immense tristesse, et que je me dis « Je la reconnais, cette souffrance-là… Ils doivent me détester et se dire que je ne mesure même pas quelle chance immense j’ai, moi…« .
À la naissance de mon premier enfant, une décision s’est imposée à moi : je serai donneuse d’ovocytes. C’est ma manière à moi de boucler la boucle, de rendre ce qui m’a été donné, d’essayer de vous transmettre un peu de ma chance…
Parce que je n’oublie pas. Je ne vous oublie pas. Je pense à vous.
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Yasmak dit
Ton blog fait du bien… Je suis l’heureuse maman de 1 petite fille soleil et d’une future canaille qui devrait arriver en novembre si tout va bien. Mais je sais ce que ca fait et encore aujourd’hui, je suis en colère contre les « gens bien intentionnés ». On a jamais fait de test medicaux Zhom et moi. Mais il souffre d’une maladie chronique incurable. Son traitement est à vie avec des effets secondaires charmants selon la molécule (diarhées/vomissement et risque majeur d’infertilité / malformation foetus), (uvéite en boucle) ou (sensibilité très forte aux infections bactériennes). Le trio de molécule ne propose pas du rêve et son spécialiste lui fait changer quand ca ne va pas.
Bref on sait qu’avoir un BB naturellement est compliqué dans notre cas (effets durables de sa 1ere molécule). Abstinence forcée durant plusieurs mois « De grace ne faites surtout pas de bébé sinon il souffrira de malformation. » Plus les effets de la maladie qui n’incitent pas à une libido débridée…
Nous nous étions préparés à une vie sans enfants. Mais on a eu la chance d’avoir notre premier soleil naturellement. Pour le second, on a du attendre 8 ans à la fois à cause de la maladie de Zhom mais aussi des facteurs matériels. Le covid n’a pas facilité les choses : Comment diable mettre une grossesse en route quand ton conjoint est immunosupprimé et qu’il y a une pandémie mondiale?
Bref on a attendu et début d’année 2023 on a eu la plus belle des surprises. Ca se déroule bien pour le moment. Mais ce qui me choque c’est le nombre de personne sans gene qui nous demandent sans cesse : « Il était voulu ? C’était un accident ? ». Tout ca parce qu’il y a 8 ans d’écart avec notre 1ere. Ca m’énerve…. Nous l’histoire se termine bien mais qu’est ce qu’on a du attendre pour ce 2eme 2++. C’est fou la curiosité des gens.
Et même si c’était un accident ? Qu’est ce que ca regarde les gens…. C’est vraiment dommage ce manque d’empathie.
Noemie dit
Je m’y reconnais tout à fait. Je ne connais pas encore les conditions pour le don d’ovocytes, mais après 3 ans d’essai infructueux, 2 fausses couches à un an d’intervalle, et rien de rien d’autre, des examens « parfaits » et juste « un coup de malchance » puis « un 2e coup de pas de chance » je visualise bien ce que peut représenter cette sensation complètement ambivalente…
Être heureuse pour les grossesses des autres (la 2e d’une amie très proche, la 3e de ma belle-soeur, et puis toutes celles que j’oublie maintenant…) et être terriblement jalouse et triste en même temps. Plus le temps avançait, plus la partie « jalousie/tristesse » l’emportait sur la partie joie pour les autres.
J’ai perdu dans tout ça la naïveté de la première grossesse, où on est sur son petit nuage quand on apprend qu’on est enceinte et où on ne se soucie de rien… Mais je me rends compte de la saveur de ce qu’on a, une fois qu’on passe de l’autre côté de la barrière. Et de la saveur de ce pour quoi je me suis battue pendant ces 3 ans…
Mais si je peux me permettre un tout petit conseil, que j’aurais voulu donner à mon moi d’il y a 5 ans, c’est de ne pas me concentrer uniquement sur l’objectif d’être enceinte (et de conserver le bébé). Penser à l’après, une fois l’accouchement passé. Je m’étais renseignée, mais je n’avais pas du tout pris l’ampleur de tout ce qu’il se passe après. Le manque de sommeil des premiers (longs) mois, le bébé accroché comme une huitre à son rocher les premiers (longs) mois, l’impossibilité de manger/se laver les premières (longues) semaines, la chute d’hormones….
Je ne dis pas ça pour me plaindre, au contraire. Je dis ça pour celles qui comme moi ne visualisaient pas vraiment l’après, car mon objectif était d’accoucher d’un bébé en pleine santé. Point barre.
Bref, tout ça pour dire que c’est une très bonne chose que la parole se libère sur le sujet, et je souhaite à toutes celles en attente, de vivre le moins négativement possible cette attente, et qu’elle dure le moins longtemps possible. Faites-vous aider si besoin, entourez-vous de personnes bienveillantes et chassez à coups de pelle les personnes néfastes (celles qui se plaignent d’être tombées enceinte trop tôt… ou celles/ceux qui vous demandent lourdement « et vous, c’est pour quand?? »).
Je vous souhaite à toutes de très belles grossesses et de très beaux bébés, et vais aller de ce pas creuser le sujet du don d’ovocytes !
Laura dit
Merci infiniment pour ce texte qui m’a tiré les larmes …
Ici nous allons bientôt « feter » nos 4 ans d’attente.
Tout ce qui est décrit est brûlant de vérité :
La souffrance face aux bonheur des autres, le sentiment d’injustice qui ronge sans cesse « Pourquoi nous ? Qu’avons nous fait ? » et surtout ce sentiment de solitude face aux conversations sur les enfants, l’éternel « et vous c’est pour quand ? ».
Merci de penser à nous, les meurtris de la parentalité.
Clémence dit
Ton témoignage est à la fois touchant et agaçant (ce mot n’est pas utilisé négativement, je m’explique…) Les choses n’étant pas tout noir ou tout blanc, tu incarnes en réalité les deux aspects de ton témoignage. Certes tu es pleine de bienveillance et tes mots sont très justes, mais tu as également la lucidité de t’estimer chanceuse car effectivement 9 mois pour tomber enceinte ce n’est pas grand chose.
Pour ma part, cela fait 11 mois que j’ai fait une fausse couche, d’une grossesse qui était elle même arrivée après 7 mois d’attente.
Cela pour dire que tout est relatif. Ton attente était insoutenable face aux personnes qui tombaient enceintes du premier coup, mais n’est rien face à la mienne, qui n’est elle même rien face aux personnes qui en sont à plusieurs années d’attente…
Tout ce qui touche à la procréation est injuste, c’est un fait. Mais il faut essayer de passe outre cette injustice car ce n’est la faute de personne, et on ne peut pas en vouloir aux personnes qui tombent enceinte rapidement, car elles n’y sont pour rien. Pour exemple, ma meilleure amie a du m’annoncer sa grossesse alors qu’elle est au courant de ma situation. Eh bien ça à été une épreuve pour elle, elle en a pleuré, ne savait pas comment s’y prendre… je pense qu’elle a encore moins bien vécu cette annonce que moi.
Lili dit
Merci pour ce message rempli d amour et d humanité.
Ces mots qui font du bien.
Parfois dans ce genre de situation on l a l impression d être seule au monde.
On culpabilise à l idée d être à la fois contente pour les collègues/ copines qui sont enceintes et à la fois tellement triste car pour nous ça ne fonctionne pas.
Pour ma part enceinte au bout de 3 mois d essai bébé puis une fausse couche à 6 semaines… L hécatombe pour moi et mon chéri. Essai bébé depuis 1 an maintenant que la fausse couche est passé et toujours rien.
Je commence à despérer et me dire que la grossesse n est pas pour moi
Que mon corps ou le destin en décide autrement pour moi.
Quelle déchirure au fond de moi et de mon âme.
En espérant que les jours meilleurs arriveront prochainement.
En tout cas ton texte fait du bien.
Bonne continuation à toutes.
Lili
Lola dit
Merci car je suis dans ce cas. Je suis à 8 mois d’essais et rien. Pareil pour moi se sont les annonces des autres et les questions des autres qui me font mal aujourd’hui… j’espère que notre tour viendra.
Emma dit
Merci beaucoup pour ce magnifique témoignage qui fait tellement du bien à lire et pour tes belles pensées pour les galériens de la fertilité. En tout cas félicitations pour tes deux beaux enfants, ravie que tu aies pu concrétiser ta jolie famille. Nous avons eu beaucoup de chance d’avoir eu un petit bonhomme naturellement mais pour le deuxième nous allons devoir passer par le don d’ovocytes et c’est pour ça que le fait que tu veuilles en faire me touche énormément, je trouve que c’est très altruiste de ta part. Plein de bonheur avec ta petite famille