Léa est déjà maman d’un petit garçon, et il y a quelques jours, elle s’est rendue compte qu’elle était de nouveau enceinte. Une grossesse non désirée, qui n’arrive pas au moment opportun. Elle et son chéri se sont demandés s’iels devaient garder ce bébé ou pas. Et puis le choix de l‘IVG est apparu comme la bonne décision. Léa décrit très bien l’ambivalence des sentiments dans ce genre de cas. Voici son témoignage.
(ndlr : une femme qui vient d’accoucher a autre chose à penser qu’à la contraception. Il est grand temps qu’après l’accouchement on charge les hommes de la fertilité dans leur couple, ou que du moins ce soit un sujet qui soit abordé à deux, plutôt que de laisser culpabiliser la femme qui retombe enceinte sans le vouloir)
{Témoignage} Se faire avorter quand on est déjà maman
Bonjour à toutes,
Je m’appelle Léa. J’ai 27 ans et je suis maman d’un bébé de 11 mois. Il y a quelques semaines, j’ai eu la surprise de découvrir que j’étais enceinte, pour la seconde fois de ma vie.
Contrairement à la première fois, ce bébé n’était pas attendu. J’ai vécu avec difficulté ma première grossesse. J’ai été malade pendant neuf mois. Quand mon premier est arrivé, j’ai été confronté à plusieurs difficultés. Dans ma vie de maman, cela se traduit par un allaitement chaotique, un bébé qui pleure beaucoup et qui me renvoie à mon impuissance, à un sentiment d’échec, de tristesse. Dans ma vie de femme en couple, cela se traduit par des disputes, des désaccords, de la fatigue et le sentiment d’être incomprise. Pourtant, Monsieur met tout en œuvre pour être présent et investir son rôle de père.
Lors de mes premiers mois en tant que maman, j’ai été traversée par un grand sentiment de solitude, même si j’étais bien entourée. Il nous aura fallu 6 mois pour que les médecins diagnostiquent un reflux gastro œsophagien (RGO) à notre fils et qu’on trouve enfin notre équilibre. Dans notre maison, il y a beaucoup d’amour et de bonheur, mais il faudra attendre que mon fils souffle sa première bougie pour que je m’autorise à prendre du temps pour mon couple, pour moi. Bébé est un peu plus grand, alors on planifie nos prochaines vacances. On commence à se relancer dans les travaux de notre maison, qui étaient restés en attente, le temps que chacun trouve son rythme dans cette nouvelle vie à trois. D’ailleurs, pourquoi ne pas partir un Weekend en amoureux ? A cet instant, j’ai le sentiment d’aller mieux, d’aller bien, d’être heureuse.
C’est à cette période que je me rends compte que j’ai du retard dans mes règles
C’est vrai que pendant ma grossesse et pendant les 13 premiers mois de mon fils, je me suis un peu oubliée. Je n’ai pas pris de temps pour moi. Je n’ai pas non plus, pris le temps de retourner voir le gynéco, de parler contraception. Je pensais reprendre la pilule après mon allaitement, mais j’étais trop épuisée par ma vie de jeune maman, puis par la reprise du travail, trop préoccupée. Je n’ai jamais repris rendez-vous. C’était loin d’être une priorité pour moi. De toute façon, on fait attention. Mon fils n’est pas un très grand dormeur, alors je suis un peu sur les rotules, moi aussi.
Surprise ! Le test de grossesse est positif, et la prise de sang que me prescrit le médecin de famille montre bien que je suis enceinte, même si c’est assez récent.
De nombreux sentiments me traversent. Je m’effondre. Cette nouvelle me fait peur. D’un commun accord avec Monsieur, je prend rendez vous avec l’hôpital le plus proche, pour se renseigner, pour une éventuelle IVG. J’ai le sentiment que si je ne me dépêche pas, je n’aurais plus le courage de prendre les rendez vous, et que je serais obligé de garder ce bébé, même si ce n’était pas prévu, même si je ne suis pas prête.
Cette grossesse me semble irréelle, inconcevable.
Je continue à vivre, comme si de rien n’était, jusqu’au jour J. Le gynécologue m’explique beaucoup trop rapidement, que la grossesse est vraiment trop récente, qu’il vaut vérifier que l’embryon est viable et que j’ai des prises de sang à faire, et « Voilà madame, revenez dans 10 jours. » Je choisis de ne plus jamais le revoir. Cette décision est assez compliquée, alors je refuse de subir un médecin qui manque d’écoute. Je dirige toute ma colère contre lui.
Pour moi, ce rendez-vous, c’est le second coup de massue. Je me sent noyée par les différentes émotions (et les différentes informations) qui me traversent. J’ai peur, j’ai le sentiment d’être seule, de me tromper. Avec Monsieur, on dort très peu, bébé fait ses dents. La communication n’est pas au rendez-vous. J’ai l’impression qu’il ne me parle pas trop, pour éviter de me blesser, je sens bien, que lui aussi, il a peur de ce choix, peur de se tromper. Un rendez vous avec une psychologue s’impose. On y pose tous nos maux, on met en forme nos émotions , on s’exprime, on s’écoute et ça fait du bien. Malgré, tout, j’ai cette peur de faire le mauvais choix, cette peur de regretter qui est bien ancré en moi, et qui me pousse à avoir un fort sentiment de tristesse, de solitude. J’ai l’impression de me noyer, de faire le choix le plus douloureux de ma vie.
Le second rendez vous arrive. Bébé 2 est bien viable, alors on parle IVG, médicamenteuse, par aspiration. C’est une nouvelle gynécologue, toujours dans le même hôpital. On parle des risques. Elle aborde la contraception aussi. Elle m’explique qu’une femme sur trois est amenée à avoir recours a une IVG au cours de sa vie en France, et que c’est très souvent après un premier enfant.
Une femme sur trois est amenée à faire une IVG en France
Cette phrase résonne très fort en moi, elle me fait l’effet d’une claque en pleine figure. Ça me semble, énorme. Ça m’aide à me sentir moins seule. Monsieur est présent, à l’écoute. Il pose des questions, sur la douleur, la possibilité d’accompagner malgré les mesures COVID.
On fixe une date, et je sais que je pourrais toujours faire machine arrière, si je le veux, si on le veux, ce bébé 2.
Notre cheminement continue, on parle de lui, on se projette à 4. On commence à évoquer cette grossesse à nos amis nos familles. Mais moi, je suis terrorisée. J’ai peur.
Je n’arrive pas à être heureuse de cette grossesse. Les premières nausées arrivent, et la fatigue est bien installée, elle aussi. J’ai l’impression de passer à côté d’une partie de ma vie, de ne pas savourer tous les moments, si précieux, avec mon fils. Cette grossesse me pèse. Je voulais partir en vacance, préparer notre mariage, profiter de chaque jour à observer mon fils grandir un peu plus. L’idée d’être enceinte, maintenant, sans vraiment l’avoir choisi me rend triste, me donne le sentiment de ne pas être à la hauteur, pour affronter tout ça.
Une part de moi culpabilise beaucoup, me trouve égoïste. Une autre me dit que j’ai le droit de rester fidèle à mes projets, de m’autoriser à être heureuse, même si il faut en passer par une IVG, même si l’avis des gens va à l’encontre de tout ça.
Monsieur me dit qu’il est partagé, qu’il accueillera ce bébé avec amour si on le garde, mais qu’il me soutiendra, si ce n’est pas le moment, pour moi.
Alors on a choisi, choisi de vivre pour nous, de profiter de chaque instants, et d’agrandir notre famille quand ça sera le moment. Tant pis pour le regard des autres.
L’IVG, a cet instant, me semble être la meilleure des options, pour nous, pour moi
Et Monsieur me soutient. Peut-être que dans 6 mois, ça sera le moment, mais c’est trop tôt pour l’instant. Même si on a tout pour accueillir ce bébé, je crois qu’il me manque un ingrédient essentiel : la confiance en moi. J’ai peur de ne pas être à la hauteur, de ne pas réussir à l’aimer et de ne pas réussir à surmonter tout ce qui nous attend.
J’ai mal, parce que dans mon entourage, j’ai des amies qui rêvent d’un bébé, qui font des FIV, ou qui ont vécu des fausses couches, ou la perte de leur nouveau né. Je me dit que la vie est injuste. Mais je ne peux pas vivre et faire mes choix de vie pour les autres. J’ai aussi le droit de penser à mon bien être, Parce que si je vais bien, mon fils aussi ira bien.
Aujourd’hui, j’écris ce texte pour me souvenir, de ce bébé qui vie en moi et qui, bientôt, ne sera plus.
J’écris pour me souvenir que pour mon bien être psychologique, pour l’équilibre de ma famille, pour le respect ne nos projets de vie, cette décision est la meilleure pour moi, pour nous.
J’écris, parce que j’ai le droit de penser à moi, à mon corps, des femmes se sont battues pour ça.
J’écris pour ces femmes, une sur trois, qui traverseront probablement la même douleur, la même tristesse, les mêmes doutes, les mêmes peur de l’avenir, et la même peur de regretter.
Demain, je prendrai le premier médicament, celui qui prépare mon corps à l’expulsion de l’embryon. Dans quelques jours, je prendrais d’autres médicaments et ce bébé ne sera plus. Je n’aurai plus de nausées, je serai moins fatiguée. Il aura vécu, il m’aura rendue plus forte, plus grande. Et peut être qu’un jour, son âme recroisera mon chemin. Ce n’était juste pas le bon moment, pour moi.
« Un ange passe, il reviendra »
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THURET dit
Merci, merci, merci !
Je suis maman d’une petite merveille d’amour de 6mois et demi et viens de découvrir les fameux 2 barres sur le teste ….
Fin de grossesse très dur, césarienne !
Bébé 2 c’est impossible. Pas la place, pas la force pas le courage, juste pas maintenant…
Vos doutes sont mes doutes, la tristesse est la même la décision également.
Merci, de me faire sentir moins seule ! Que je l’aime ce bébé j’aimerais le recroiser au bon moment …
Camille dit
Merci pour ce magnifique texte. J’ai découvert moi aussi ma seconde grossesse.
La première a été une catastrophe, nous avons vécu tellement de choses difficiles avec la peur de perdre notre bébé désiré , jusqu’au suites de couches qui prendront 13 mois. Et puis il a fallu une fois… et j’apprends très vite que je suis enceinte. Les angoisses remontent, comment vivre cette grossesse si elle est aussi compliquée que la première? Parce que devant j’ai un petit bonhomme qui a juste un an et qui a besoin de moi. Nous décidons de garder cet enfant. D’offrir à notre fils un petit frère ou une petite sœur. La grossesse est surveillée, je suis très bien entourée mais je le vis mal. Suivi psychologique, manque d’engagement, culpabilité vis à vis de mon ainé et de ce bébé qui n’a rien demandé.
Aujourd’hui mon second fils est là. C’est un bébé très anxieux, qui pleure beaucoup, à toujours besoin de moi. Mais… il fait le bonheur de son frère qui le couvre de baisers et de câlins, lui dit sans cesse qu’il l’aime… alors c’est dur… mais s’il ne s’était pas installé par surprise je crois que mon grand (qui est encore tout petit!) n’aurait jamais eu la chance de partager sa vie avec in autre parce que je n’aurai pas eu la force de prendre la décision de faire un deuxième bébé…
Je me retrouve tellement dans les sentiments de cette maman… elle a eu une forme de courage et moi une autre…
So dit
Beaucoup de courage à la personne qui témoigne.
Je suis très en colère que la contraception repose encore quasi-exclusivement sur les femmes.
À titre personnel j’ai toujours refusé de prendre des médicaments alors que je ne suis pas malade. Jamais eu envie non plus de mettre mon corps sous silence.
Mais pour le coup, le choix difficile de l’IVG, c’est nous qui nous le coltinons. Si les hommes prenaient leur part de charge contraceptive, nous serions un peu soulagées et déresponsabilisées.
J’espère juste que les femmes qui subissent une IVG le font pour elles, et elles seules. Les hommes n’ont pas à mettre la pression là-dessus, ils n’ont pas leur mot à dire. Pas d’utérus, pas de choix.
Si un mec veut avoir des rapports sexuels pépère mais pas d’enfant, il fait pas ch* sa femme et il se contraceptionne.
Lau dit
Beaucoup de courage de cette jeune maman. Cette décision a du être difficile à prendre et j’espère que toute la famille va bien aujourd’hui.
Je trouve bizarre que la question de la contraception n’aie pas été abordée à la maternité. Normalement, ils le font justement parce qu’ils savent qu’on est pris dans un rythme fou. Pour ma part, comme on n’était pas fixés avec mon mari, je suis ressortie avec 4 ou 5 ordonnances (pilule, stérilet, préservatif, pilule du lendemain, etc.). Et on en a reparlé avec ma sage-femme pendant la rééducation du périnée. Je sais que cela peut sembler très tôt et qu’on n’a pas la tête à ça alors qu’on vient tout juste d’accueillir notre bébé, mais il ne faut pas hésiter à demander si les sages-femmes de la maternité oublient.
Banane dit
Merci pour ce partage, j’espère que Léa va bien.
Je suis surprise de lire qu’il faut savoir si l’embryon est viable avant de faire une IVG médicamenteuse.
Je comprends d’un côté qu’on ne veuille pas soumettre le corps à cette épreuve si elle n’est pas nécessaire, mais d’un point de vue psychologique c’est très violent.
Agnès dit
C’est un très beau témoignage. Ca a dû être un décision terrible à prendre mais vous avez raison de penser à vous (dans tous les sens : vous la femme, vous la mère, vous la compagne, vous votre couple, vous votre famille).
Mes pensées sont avec vous.