A 35 ans, J. vient de subir une hystérectomie totale, c’est à dire une ablation totale de l’utérus. Elle dit donc adieu à la maternité. Son récit est poignant et décrit très bien ce qu’elle ressent. Voici son témoignage.
{Témoignage} Hystérectomie totale : A 35 ans, je ne suis plus une femme entière… mais je suis en vie.
Bonjour à toutes,
Cela fait un long moment que je suis ce blog avec intérêt. J’ai participé et publié déjà plusieurs témoignages : sur mon mariage comme sur mes 3 grossesses. J’ai partagé avec vous mes mésaventures : hyperémèse gravidique, fausse couche tardive, claquage de vessie, césariennes, déshydratations, dénutrition, ligatures…
Après mes deux premières grossesses, j’étais heureuse et comblée par mes deux enfants. Pourtant, une petite sirène voulait s’inviter dans l’histoire par surprise. Après une grossesse très difficile, notre famille compte son cinquième membre. Nous avons suite à cela pris la décision de me ligaturer les trompes pour ne plus avoir de bébé surprise.
Déjà que les médecins me déconseillaient une troisième grossesse, alors imaginez une quatrième !
Beaucoup d’entre vous m’ont bien remonté le moral vis-à-vis de cette décision. Je me sentais coupable pour celles qui avaient des difficultés à avoir des enfants mais vos messages m’ont fait du bien.
Depuis la naissance de ma sirène en octobre, je signale que quelque chose ne va pas au niveau de la césarienne. Je me sens différente et ce n’est pas agréable! Attention, âmes sensibles, je vais être peu ragoutante et je m’en excuse d’avance.
J’avais déjà expliqué que 10 jours après la naissance de Mademoiselle, j’avais dû retourner aux urgences face à l’interne qui avait assisté ma chirurgienne durant la césarienne et qui m’avait refermé. Mal accueillie, elle avait fini par me faire une écho et le chef des urgences avait demandé la réouverture de ma césarienne SANS ANESTHÉSIE parce que je cite « si je prends le temps de faire une anesthésie, vous allez avoir aussi mal que quand je vais pratiquer l’ouverture. Autant gagner du temps !« . On m’a laissé rentrer chez moi avec une cicatrice partiellement ouverte en poussant ma poussette, sans me laisser prévenir mon mari.
Pourtant, après cela, je continue d’avoir des soucis. Ma cicatrice se remet bien mais mes règles sont hémorragiques et plus longues. Après quatre jours de « pause » dans celles-ci, elles reprennent en noir comme des lambeaux de chair. Je suis mal à l’aise et ma vie intime devient un calvaire. Je vois deux sages-femmes extérieures qui ne comprennent pas et me disent « vos règles sont comme ça, apprenez à vivre avec ! »
Les douleurs sont telles que je craque et prend un rendez-vous à la maternité en spécifiant que je veux revoir ma chirurgienne. On me donne un rendez-vous trois mois plus tard avec … une docteure junior. En soit, ça ne me dérange pas mais elle ne quitte pas son fauteuil, m’appelle depuis le couloir pour que je vienne, n’a pas lu mon dossier, s’amuse à faire des dessins sur une feuille pendant que je lui parle. Là, elle soupire et me prescrit une hystérosonographie.
Hystérosonographie : nom barbare pour parler d’une échographie sous injection dans l’utérus
Cet examen est fortement désagréable et traumatisant, notamment pour quelqu’un qui a vécu les violences intimes comme celles que j’ai vécu depuis des 16 ans. Cet examen est compliqué car il faut un radiologue et un gynécologue. Il est rarement pratiqué donc il y a peu de spécialistes qui le font. Je galère à enfin trouver avoir un rendez-vous à 100km de chez moi. Mon mari pose une journée pour m’accompagner car il sait que je vis mal ce genre d’examen. Ma nounou garde notre trio pour nous aider.
Une fois sur place, je tremble de façon incontrôlée. Je m’installe sur la table et l’infirmière voit que ça ne va pas. Elle est inquiète, tente de me rassurer et va chercher la spécialiste. Le médecin entre en lisant mon dossier médical et me dit qu’elle trouve cet examen invasif pour mon genre de personne. Très humaine, elle me propose de faire une simple écho pour voir si l’hystérosonographie est vraiment nécessaire. Celle-ci lui fait voir des choses mais elle ne veut pas m’inquiéter et préfère me demander l’autorisation de faire une écho interne pour être sûre. J’accepte et là un diagnostic tombe : Isthmocèle et Adénomyose.
Le diagnostic tombe : Isthmocèle et Adénomyose
OK, je suis sûre que vous avez fait la même tête en lisant ces deux mots que moi en les entendant. Je vais vous expliquer après. La médecin me programme une IRM rapidement pour confirmer l’ampleur de son diagnostic. Quelques jours plus tard, l’IRM confirme le tout :
L’Adénomyiose est une forme d’endométriose mais localisée sur l’utérus
Les règles sont hémorragiques et fortement douloureuses. Elle me demande si j’ai mal quand j’ai mes cycles, je lui dis que oui mais ça a toujours été comme ça alors je ne me suis jamais posée la question. On m’a toujours que c’était normal. Elle me dit non ce n’est pas normal d’avoir mal surtout à ce point pendant les règles. Premier choc.
L’isthmocèle est une complication rare sur les utérus cicatriciels
C’est une poche, une déchirure qui se forme dans l’utérus suite à des césariennes. Là, ce sont peut-être des points internes qui auraient sauté. La paroi entre mon utérus et la cavité abdominale est inférieure à 2mm et risque la rupture à cycle. Cela tient depuis un an parce que ma vessie a décidé d’adhérer à mon utérus. C’était un problème depuis la première césarienne. Le sang de mes cycles se stagne dans cette poche et noircit… pourrit. Voilà la raison des pertes noires peu ragoutantes. Deuxième choc.
Je rentre et appelle la maternité en exigeant un rendez-vous d’urgence avec ma chirurgienne en expliquant que c’est une suite de couche. J’arrive à avoir un rendez-vous avec elle un mois et demi plus tard. Elle regarde les résultats et me propose deux solutions.
Les solutions : l’hystérectomie totale
Elle me propose deux solutions mais qui mènent à la même chose.
Opération 1 : très spécifique, qui dure 30 minutes, doit être fait par un spécialiste à Paris. Cela consiste à faire passer par le vagin le matériel jusqu’à l’utérus pour cautériser l’isthmocèle, sous anesthésie locale. La chirurgienne veut m’envoyer vers un spécialiste à Paris parce que le peu de paroi qu’il reste sur l’utérus est risqué et elle ne veut pas prendre le risque. C’est une opération temporaire qui mènera à l’opération 2 rapidement.
Opération 2 : (attention le mot m’a fait mal la première fois) Hystérectomie totale avec préservation ovarienne. Oui, vous avez bien compris : on me retire l’utérus, les trompes et le col. L’opération est inévitable.
Je prends le temps de réfléchir. Je suis déjà ligaturée avec une partie des trompes en moins alors la grossesse était déjà une question clause… pourtant… entre ne plus vouloir d’enfant et perdre physiquement la capacité d’en faire, ça m’a paru être un océan.
Début décembre, j’accepte l’opération 2. La première n’était que temporaire et la chirurgienne ne semblait pas la recommander. Nous programmons l’opération mais elle voit bien que ça m’affecte. Elle m’explique comment va se dérouler la fin de mon aventure avec la maternité. La première semaine est douloureuse et difficile, puis la seconde est un peu plus supportable. Je serais arrêtée un mois. Elle me propose le 12 décembre mais je prends peur. Je n’ai pas envie de passer les fêtes de fin d’années dans la douleur alors que j’ai trois enfants. On repousse au 8 Janvier mais pas plus.
Hystérectomie totale : le déroulé
Le 8 Janvier, je suis rentrée à la maternité mais je savais que, cette fois, je ne repartirais pas avec un petit bébé dans mes bras. C’est ridicule : je n’ai jamais aimé mes grossesses mais avoir ma petite grenouille sur moi, l’allaiter, m’en occuper… c’était un bonheur infini ! Je renonçais définitivement à tout ça. Même la FIV ne serait plus possible, comme me l’a expliqué la chirurgienne. Mon mari a posé sa semaine pour m’épauler dans ce moment difficile. Il a été très présent et aimant. Mes règles ont décidés de s’inviter une dernière fois pour me dire au revoir.
Je rentre au bloc et je tremble de peur. Des larmes coulent sur mes joues sans le vouloir. L’équipe autour de moi est très présente et rassurante. Ils sont tous choqués de pratiquer cette opération sur une femme de 35 ans. Ils me répètent que je suis jeune. La chirurgienne est là avec une consœur spécialiste de l’endométriose. Elles vont opérer à quatre mains. On me précise qu’elle a choisi de n’avoir aucun interne dans le bloc que des titulaires avec de l’expérience: 2 chirurgiennes, 3 infirmières, 1 anesthésiste et son assistante qui me tient la main. On m’installe et je m’endors. L’opération ne doit durer que 40 à 90 minutes. La chirurgienne m’avait dit qu’elle voulait le faire par cœlioscopie mais qu’elle gardait la possibilité de rouvrir la cicatrice de césarienne si ça devenait trop compliqué.
Je me réveille au bout de 3 heures. Je suis sondée, j’ai mal à la gorge à cause de l’intubation. J’ai juste envie de dormir. Au bout d’une demi-heure, on me ramène dans ma chambre. Ma moitié n’a pas eu le choix que de partir pour aller s’occuper de nos enfants. La chirurgienne revient dans la chambre et me dit qu’il y a eu des complications : l’adhérence de ma vessie était importante et elle a été lésée pendant la séparation. La sonde restera en place pour une semaine. Voilà pour la mauvaise nouvelle. La bonne c’est qu’elles ont réussi par cœlioscopie donc je n’ai que 4 points sur le bas ventre.
Les deux chirurgiennes viennent me voir dans ma chambre. Elles sont désolées de ne pas voir pu éviter le soucis avec la vessie. Elles ont vraiment essayé de prendre toutes les précautions mais c’était trop fragile. Elles ont envoyé mon utérus en analyse mais son aspect était réellement inquiétant. La spécialiste m’a dit « il était dans un très très mauvais état ».
Pour elle, je risquais la rupture utérine
Le lendemain, on me laisse rentrer chez moi avec une dose d’anti-douleur et ma poche urinaire. Je suis voûtée comme une personne âgée et je me sens diminuée. Je n’ai pas le droit de porter plus de 5kg de charge (ma fille d’un an pèse 10kg donc je bois lui expliquer que je ne peux pas la porter). Je me cache car je ne veux pas que mes enfants voient la poche. Je ne veux pas les traumatiser de voir un tube déverser du sang dans une poche, le tout sur leur mère. La poche est rouge vif bien que je fasse le plus attention possible. En J+4, une des infirmières à domicile refuse de me faire la piqûre contre la phlébite car elle est inquiète du contenu de la poche. Elle appelle l’hôpital qui me demande de revenir rapidement. Je reviens avec l’espoir qu’ils me retire l’attirail mais, après examen, ce n’est qu’un caillot qui s’est évacué et dissous dans les urines.
A J+7, je reviens à la maternité pour me faire retirer la sonde. La chirurgienne ne me laisse pas sortir avant d’avoir réussi à aller aux toilettes seule. Ils font les tests 2 fois : les échos, les testeurs de quantité… Puis on me laisse sortir.
Ce soir, je laisse ce témoignage parce que j’ai encore le cœur gros
Même si je sais que j’ai pris la bonne décision : mes enfants ont besoin de leur maman vivante et en bonne santé. C’est dur de me dire que mon aventure maternité s’arrête là et que je laisse la main aux suivantes. Je n’ai jamais aimé les grossesses parce que je me sentais ralentie, diminuée… mais j’ai adoré chacune de mes maternités. Je me suis toujours vue maman et mes trois amours m’ont offert ce bonheur. Je prendrai toujours plaisir à les voir grandir et évoluer, même si ce ne sont plus les petites grenouilles contre moi. Je redécouvrirai ce plaisir en devenant peut-être un jour grand-mère.
L’ hystérectomie totale est une opération difficile moralement. Je ne garde que le souvenir de la difficulté morale, tant le personnel médical a bien gérer ma douleur physique. Ils ont tous été compatissants et désolés pour moi : « une jeune femme de 35 ans ». Je ne regrette pas mon choix mais je me sens différente… je ne me sens plus tout à fait entière… Peut-être que ça passera avec le temps. J’entame ma seconde semaine de convalescence (sans sonde cette fois pour mon grand bonheur) et je reprends peu à peu mon rythme de vie. Je pense que sentir mon corps répondre aux hormones des ovaires mais ne pas avoir les saignements le mois prochain va me faire quelque chose. A 35 ans, je ne suis plus une femme entière… mais je suis en vie.
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Raphaelle dit
Bonjour,
Merci pour votre partage et tendres pensées pour vous qui n’avez pas choisi cette opération.
J’ai juste un peu tiqué sur vos mots « je ne suis plus une femme entière ». Moi qui choisit cette opération car ademyose et douleurs insupportables, (dans mon cas je ne veux pas d’enfants) je trouve ça un peu maladroit. Bien sûr que vous êtes une femme entière, et je le serai aussi toujours après l’opération. Heureusement notre identité est bien plus complexe et riche que ça !
Beaucoup de bonheur à toute votre famille
Cecilia dit
Bonjour,
J’ai eu une colpo-hysterectomie totale annexielle avec conservation des ovaires en 2021. J’avais 35 ans. Ce fut une révélation. Adenomyose, anémie en cascade avec perfusion tous les 4 mois, des douleurs à me tordre et des hémorragies. Après 3 loulous et une ligature à 26 ans, ce fut une libération. Ce bout de muscle et d’endometre pourrissait m’a vie…je revis à nouveau. Pour le coup j’ai aucun regret à part de ne pas l’avoir fait plus tôt…
Même pas me regret d’avoir une hypothétique grossesse impossible.
Vous vivez un deuil. Mais vous allez avoir une qualité de vie extraordinaire et cela vaut toutes les douleurs.
Courage à vous.
Agnès dit
Beaucoup beaucoup de courage pour la convalescence mentale et physique. Même si c’était nécessaire, c’est un vrai crève-coeur.