Je suis la première à m’auto-censurer, sur ce blog. J’ai compris, au fur et à mesure des années, qu’il fallait prendre en compte toutes les sensibilités. Qu’une blague qui me paraissait marrante et bon enfant, me vaudrait tôt ou tard le commentaire d’une personne la trouvant déplacée. Qu’aborder un sujet sensible, même si pour moi la finalité était évidente, allait forcément partir au pugilat sur les réseaux sociaux.
La pensée universelle n’existe pas
On a beau essayer d’être le plus possible dans la bienveillance, on ne peut pas se mettre à la place de tout le monde. D’ailleurs même ce que nous jugeons être bienveillant peut être perçu comme abrupt ou pernicieux par autrui.
Parce qu’un avis est un vécu, parce qu’une opinion naît d’une expérience.
La vie nous façonne, les échanges avec les autres nous construisent, mais la manière dont nous interprétons les évènements et les assimilons est tellement personnelle qu’il est impossible de savoir ce que ressent vraiment l’autre. D’ailleurs il serait totalement absurde de comparer la douleur que pourraient ressentir deux personnes face à une situation donnée. Car intérieurement elles ne la vivront pas du tout de la même manière. Cela dépend de l’assurance que l’on a en nous, de comment on se sent, de ce que l’on a vécu, de ce qui a pu nous traumatiser ou pas, du sentiment d’insécurité qui peut habiter certain·es d’entre nous… bref, tellement de paramètres sont à prendre en compte.
Vécu de l’émetteur·ice et interprétation du destinataire & inversement
Il y a également ce paramètre : l’expression écrite engendre tellement d’interprétations que les incompréhensions affluent. Je pense que 75% de nos conflits découlent de malentendus. De fabrications de métaphrases vraiment maladroites, de déformations de ce que l’auteur·e a voulu dire. Je suis certaine que la plupart du temps, si on pouvait en discuter oralement, on pourrait échanger en profondeur sur ce qui nous pousse à agir ou réfléchir de telle ou telle manière.
Donc, dans le cas où on peut tout dire mais jamais sans risque de blesser : faut-il continuer à bloguer ?
Je pense que je me suis posée cette question une bonne vingtaine de fois depuis le début de ce blog. A chaque fois qu’il y a eu des polémiques à vrai dire. Bon, ce ne sont jamais des controverses trop graves, mais des fois la virulence des commentaires m’a fait remettre en cause la valeur de mon travail. Et si j’avais tort ? Si parfois on faisait plus de mal que de bien en abordant certains sujets ? Et si je faisais mal mon travail tout simplement ? Car c’est arrivé que certains commentaires, plutôt que de débattre du sujet préfèrent nous incriminer, nous les éditrices de ce blog, en nous disant : « vous n’avez pas à publier ce genre de témoignage« .
Mais qui suis-je pour censurer le ressenti d’une personne ?
Pourtant je l’ai fait. Avec certains commentaires de trolls par exemple, ou, plus rarement avec des témoignages trop ambigus par rapport à leur message de fond et qui ne colleraient pas du tout aux valeurs que l’on veut mettre en avant ici. Mais c’est vraiment très rare et il fallait vraiment qu’il y ait un caractère raciste ou extrémiste pour que ce soit le cas. D’un autre côté, je suis toujours amusée de voir des commentatrices demandant la censure de témoignages publiés ici, tout en affichant des « je suis Charlie » en photo de profil de leurs réseaux sociaux…
La liberté d’expression ok, mais pas trop non plus apparemment…
Pierres Desproges a dit « on peut rire de tout mais pas avec n’importe qui« .
Pour ma part, je dirai « qu’il n’y a pas de sujets tabous, sauf avec certaines personnes ».
Un article dans le magazine Causette de décembre dernier explique comment les rapports d’amitié s’ajustent avec les sujets féministes actuels qui alimentent nos conversations. J’en ai fait l’expérience dans mon entourage : maintenant que ces débats arrivent dans des discussions lambda, on se rend compte combien on peut avoir des points de vue différents. Et des amitiés s’en trouver ébranlées car quand on n’est pas d’accord sur certains sujets qui touchent le fondement même des droits humains ou le respect de l’individualité, c’est tout un schéma relationnel qui est à repenser. Puis-je encore être ami·e avec une personne qui a un avis aussi opposé au mien concernant ce pour quoi je me bats tous les jours ? Ou alors dois-je m’interdire d’aborder tel sujet pour ne pas troubler notre bonne entente apparente ?
Censurer l’autre en ne le/la voyant plus ou m’auto-censurer pour ne pas briser les liens ?
Ce choix est-il vraiment nécessaire ?
Parce que j’ai aussi fait ce constat : dans mon entourage il y a les « butés » avec qui le débat ne sert à rien puisqu’il n’y a ni écoute ni échange, et puis il y a des personnes avec qui je peux discuter de tout, sans tabou alors que je sais que l’on a des avis diamétralement opposés sur certains sujets. Ce sont des gens qui ont eux aussi, comme moi, l’envie de débattre pour faire avancer les choses, pas pour imposer leur point de vue.
Et c’est là qu’est là différence et donc la place pour la liberté d’expression, que ce soit dans la sphère privée ou publique : dans la considération de l’argumentation de l’autre, dans le respect du processus dialectique de sa pensée. Même si on n’est pas convaincu au final, écouter ce que l’autre a à dire, c’est agrandir son champs d’empathie et c’est quelque chose qu’il est primordial de préserver pour éviter le conflit frontal et primaire.
On ne sera jamais toutes et tous d’accord. Mais je continuerai à publier sur ce blog les témoignages qui me semblent pertinents pour faire avancer notre société, les commentaires qui amènent au débat ou à la remise en question. C’est toute la difficulté de notre travail sur ce blog : devoir estimer ce qui est publiable ou pas. Alors ne nous malmenez pas si vous vous sentez heurté·e par certains récits mais demandez-vous plutôt le message important qu’ils pourraient transmettre.
Car si la liberté d’expression doit parfois être restreinte dans un soucis de respect des individualités, la liberté de penser est quant à elle un droit inaliénable que chacun·e doit entretenir dans une perpétuelle remise en question.
Au menu cette semaine sur le blog
Côté mariage, on démarrera fort dès demain avec la découverte d’une créatrice très à l’écoute de ses futures mariées : Alina MARTI. Jeudi je vous donne rendez-vous pour découvrir le mariage canon d’une lectrice du blog <3 . Puis, dimanche, ce sera le témoignage de Lulas, concernant les soucis que l’annonce de son mariage en petit comité à suscité.
Côté maternité, mercredi on parlera déroulement d’une fausse-couche après 4 mois de grossesse, quand une maman doit accoucher, alors que le coeur de son bébé ne bat plus. Samedi vous pourrez retrouver le témoignage de Mel qui est OPK et qui après plusieurs inséminations ne tombe pas enceinte.
Côté féminité, on parlera violences conjugales, mais du côté psychologique, quand la brutalité n’est pas physique mais vise à détruire l’autre dans son fort intérieur, avec le témoignage de Madame K.
Bonne semaines à toutes et à tous
Milune dit
Article super intéressant et tellement vrai. Perso je fais des vidéos sur YT et récemment des vlogs de temps en temps et je suis sidéré de voir à quel point les gens peuvent prendre une phrase, même parfois juste un mot et extrapoler autour et détourner mes propos qui me semblent plutôt clair sur le moment. Je pense qu’il y a certaines personnes qui aiment chercher la petite bête et qui je pense passe leur temps à le faire.