Peut-on réellement se rendre compte de ce que c’est d’être maman tant que l’on ne l’a pas vécu ? Sarah a accouché il y a quelques semaines et son quotidien de jeune maman est loin de ce qu’elle avait imaginé. Entre l’injonction tacite du devoir être heureuse parce que tu as eu un enfant et cette désillusion violente qui vient tout gâcher, c’est souvent la culpabilité l’emporte. Nous sommes toutes fautives de ne pas assez parler du post-partum et des premiers mois avec bébé. Moi la première, car Sarah est une amie que je n’ai pas su prévenir du tsunami qui allait arriver. Entre désir de ne pas faire peur et volonté de ne pas considérer ma propre expérience comme universelle. Il y a un très large débat à provoquer sur le sujet pour lever ce tabou. Et vous, que dîtes-vous aux futures mamans primipares de votre entourage ? Dîtes-nous tout en commentaire. Voici le témoignage de Sarah.
{Témoignage} L’injonction tacite de devoir être heureuse en devenant maman
Bonjour à toutes
Le grand secret des mères silencieuses et comploteuses m’a été révélé à mon insu. Personne ne prévient personne, c’est après coup que l’on découvre tout, sur le tas. C’est donc ça être maman : de la fatigue et de l’inquiétude. La peur de mal faire, qu’il arrive quelque chose à notre enfant ou qu’il ne s’arrête plus de pleurer puis que le manque de sommeil aidant on craque ; On le pose dans son lit, tout gigotant et se tordant dans tous les sens, hurlant à la mort pour une raison que l’on arrive pas à décrypter. On passe le relais à notre moitié, on prend nos clefs de voiture et on se barre sans se retourner.
J’ai aussi fait ce cauchemar à plusieurs reprises : je l’ai dans les bras et marche dans la maison tout en le berçant quand soudain je lui cogne par inadvertance la tête contre une porte ou un mûr, il a le crâne en sang. J’ai tué mon enfant.
Il m’arrive aussi de l’entendre pleurer alors qu’il dort paisiblement…
Voilà deux mois que Naël est parmi nous. J’ai mis ce même style de phrase pour annoncer sa naissance sur Facebook et j’ai poursuivie avec « et il nous comble déjà de bonheur … ».
La vérité est que l’injonction tacite de se sentir planer dès que notre bébé nous est posé sur les seins après une énième poussée douloureuse mais victorieuse celle-ci, fait que finalement on ne se pose jamais la question du bonheur maternel. Cela doit aller de soi sous peine de passer pour une femme dénuée d’instinct maternel ; donc une espèce de demie femme dégoûtante d’égoïsme et de superficialité. On ne sait pas vraiment à quel moment, on s’est sentie heureuse au milieu de la douleur, des questionnements, des hormones et de l’appréhension. Est-ce que c’était pendant la grossesse, à un moment où, en sentant notre bébé bouger, on réalise qu’il est là et qu’il arrive bientôt ? Ou, est-ce justement au moment de l’accouchement, quand on le découvre enfin ? Ou bien, à la maternité quand une nuit, on se réveille et l’aperçoit couché là dans son mini lit, avec ses mini mains et ses mini jambes. On réalise alors que c’est le nôtre et cela nous émeut ? Ou encore bien plus tard, quelques semaines après l’accouchement, quand, au détour d’un « Ho mais on va changer la coucouche de son bébé d’amour » lancé d’une voix stridente et un peu ridicule pour la 6ème fois de la journée, il nous sourit pour la première fois. Et complètement gaga face à son minois trop craquant…. On se sent heureuse.
C’est peut-être à plusieurs de ces occasions ou peut être à toutes que cette joie unique nous a empli le cœur… Ou pas. Quoi qu’il en soit l’injonction d’être heureuse d’être mère nous culpabilise d’emblée face à ce tsunami que l’on a en plus choisi et nous fait faire un déni sur ce que l’on ressent vraiment.
De toute façon je suis heureuse d’être mère, il ne peut pas en être autrement, voilà ce que l’on se répète inlassablement dans sa tête à chaque fois qu’un sentiment négatif nous submerge …
Je ne sais pas quand j’ai été heureuse d’être mère mais je sais que je l’ai été à plusieurs reprises. J’ai constamment peur pour ce petit bout de chou dont la survie dépend entièrement de son père et de moi. J’ai cru à un moment que je le protégeais par devoir ou par sens des responsabilités mais non je sais que je le protège aussi par amour. Oui je l’aime. Car là encore ça ne va pas de soi. Au-delà de la mignonnerie certaine d’un petit bout et surtout du mien parce qu’il est vraiment beau, pas sûr qu’on l’aime tout de suite. En tout cas, on ne l’intellectualise pas. A un moment on le réalise. C’est tout.
Alors voilà, les deux premiers mois de vie avec mon fils m’ont chamboulés, dévastés, et m’ont aussi rendue heureuse. Je sais maintenant que cette aventure est aussi belle que difficile. Peut être encore plus pour des personnes comme moi, qui évaluent tout et veulent être confortables tout le temps et utopistes ou peut être juste bien flemmards supportent mal la contrainte.
Vivre 34 ans pour soi et du jour au lendemain devoir s’oublier pour un bout de gras -comme dirait mon chéri – de 50 cm que l’on connait à peine. C’est quand même fou quand on y pense . Ou alors c’est moi qui suis folle d’égoïsme et trop éprise de liberté. Ça a toujours été compliqué pour moi de me lier, me ligoter à un job, un homme, un ami, un pays. J’aime me sentir libre de changer, de partir quand je le souhaite.
Mais avec un enfant on ne part pas. On ne change pas d’avis, on prend perpète !
C’est bon pour ma gueule tout ça. Passé le vertige de la prise de conscience, peut-être que ce sera là, bien plus tard, dans un an ou deux, voire plus, que tout va remonter. Je regarderai alors les photos de mon fils depuis sa vie in utéro. Toutes ces photos que je m’atèle à développer et à coller consciencieusement dans des livres de naissance et autre albums photos, et alors je fondrai en larmes, soulagée d’y être arrivée, reconnaissante de l’avoir, n’imaginant plus ma vie sans lui.
Pour le moment, je me contente de gérer cette redondance : couches / biberons / bercement / couchés / pleurs. J’apprends à être maman et surtout j’apprends à être heureuse de l’être…
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JuRéDes dit
Je me retrouve tellement !!
Notre petit bout a tout juste 2 mois. Et je me souviens lui avoir demandé pardon, en larmes une nuit seule à la mater. Pardon de ne savoir. Pardon qu’il soit tombé sur » la mauvaise maman » dans la mauvaise famille ».
Ma sœur m’a récupéré en pleurs au téléphone une paire de fois. Je lui répétais que je ne savais pas si j’aimais notre fils.
Onze semaines après sa naissance, il m’arrive encore de me demander si c’est réel (mes cernes et vergetures me disent que oui).
Je me souviens d’une visite (le lendemain de notre sortie), et ces phrases » tu verras ça passe trop vite, c’est dommage » (mais justement ! J’ai hâte que ces moments passent, espèce de crétins ! Hâte d’être autre chose qu’une vache à lait !) et « alors ça fait quoi d’être parents ? » ( comment dire ? Ça fait 6 jours, je suis claquée, mes hormones font leur vie et ma cicatrice me fait mal, alors va te faire foutre avec tes questions de merde et laisse moi essayer de dormir entre 2 tétées !). Bon… En jeune maman épanouie j’ai souris et laissé mon mari plus diplomate répondre à cette question qu’il a jugé stupide.
On nous a aussi dit qu’on ne donnait pas envie d’avoir un enfant à nous entendre parler de réveils nocturnes et de césarienne. Bah oui, mais qu’est-ce que tu crois ? Que c’est une partie de plaisir d’accoucher (peu importe comment) que tout est beau et rose. Et bah non ! C’est pas tout rose la parentalité. Mais c’est pas tout noir non plus.
À chaque crise gérée, je me dis que je fais une mère acceptable. Et puis en survient une autre qu’on arrive pas à gérer et je craque. Un jour j’ai fini par le poser et vouloir partir de la maison. Il était 23h et j’étais en pyjama.
Alors merci. Merci pour ce texte qui déculpabilise et me fait me sentir moins seule.
Ceci étant dit, je ne réitèrerai pas l’expérience : 1 accouchement, 1 bébé c’est suffisant.
Dine dit
Bonjour,
Merci pour ce témoignage qui correspond tellement à ce que j’ai toujours ressenti.
Je ne sais pas si ce sentiment ambivalent « aimer son enfant » et « devoir et vouloir s’en occuper »/ »besoin de liberté » et « nécessité de prendre du temps pour soi » nous quitte un jour… En tous cas, moi, il ne m’a jamais quittée, même si mes deux enfants ont 3 et 6 ans. Tous les jours, je me dis que je pourrais, que je devrais faire mieux, prendre plus de temps avec eux. Et en même temps, tous les jours, je me dis que j’aimerais disposer de plus de libertés, de temps pour moi, pour mon boulot, pour mon couple, pour… tout.
Mais je recommencerais les yeux fermés, malgré les nuits hachées, malgré les douleurs post-accouchement, malgré la galère de trouver quelqu’un pour le(s) garder quand ils sont malades, malgré la garderie qui commence trop tard ou ferme trop tôt, malgré… Malgré tout cela, je recommencerais, sans hésiter.
J’ai conscience de ne pas être aussi gaga avec mes enfants que d’autres mamans, d’être plutôt (très ?) indépendante et aussi un peu carriériste. Jongler avec l’ensemble n’est pas évident. Je suis consciente que je fais des erreurs et qu’ils me les reprocheront peut-être un jour. Mais je fais de mon mieux, tous les jours, pour eux, pour nous, pour moi.
Sans être heureuse en dehors de ma famille, sans exister pour moi, je ne serais qu’un ersatz de maman, frustrée et rancunière à leur égard. Alors tant pis si on me reproche de ne pas être assez là, d’être stricte ou exigeante. Parce que j’adore aussi les câlins, nos « je t’aime », les échanges que l’on peut avoir, les voir grandir (oui, en me disant parfois que cela va trop vite et que je n’en profite peut-être pas assez, mais tout de même soulagée d’avoir passé certaines étapes – tout en en regrettant d’autres), jouer avec eux (mais, pour ma part, pas tout le temps !) et participer à la vie quotidienne. Je ne suis pas une maman dispo à 100%, il y a des moments pour eux et des moments pour mon couple, pour moi. Le quotidien impose qu’il y a plus de moments pour la gestion quotidienne (que mes enfants apparient assez vite avec le temps « pour maman/papa » ou « pour le travail ») mais tous les jours il y a des moments pour eux, même s’ils n’en ont pas conscience et considèrent ces moments comme « normaux » et « acquis » (exemple : les histoires du soir). Il ne faut pas oublier que le caractère des enfants joue aussi. Mon plus grand a besoin qu’on s’occupe de lui. La deuxième est indépendante et se contente de très peu d’attention.
Je suis une maman parfois (très profondément) heureuse, parfois triste, parfois en colère, parfois dubitative (mais pourquoi as-tu rangé tes vêtements dans la cuvette des toilettes ?), parfois épatée, parfois (très, très) fière, parfois admirative, parfois nostalgique, beaucoup entre les deux, toujours en questionnement. Je fais de mon mieux et surtout, j’essaie de faire en sorte qu’ils soient heureux…
Bon courage pour votre chemin et, oui, il y a des mamans qui s’épanouissent à 1000% dans ce rôle, mais non, toutes les mamans ne sont pas comme ça… chacune son fonctionnement. Il n’y a pas qu’un seul chemin pour les rendre heureux.
Pouetpouetcamembert dit
Je me retrouve beaucoup dans votre témoignage.
Encore aujourd’hui, à 14 mois, je me demande si on a bien fait, alors qu’il est quand même le résultat de notre p’tit parcours du combattant.
Cette ambivalence entre la lutte pour l’avoir et ce semblant de regret d’y être enfin parvenu est très difficile à vivre.
Et celle basée sur la croissance, ou cette fierté de découvrir ces progrès et ce début d’autonomie , et à l’opposé se dire que l’on n’en fait pas assez, que l’on investit pas assez de temps auprès de son enfant, qu’on loupe beaucoup de choses.
Alors bien sûr, je l’aime. Plus que je n’aimerai jamais quiconque. Mais quand même…
Je vous souhaite du courage pour l’avenir, et du bonheur.
Chaque jour, il y aura de petites étincelles de bonheur. Il faut vous y accrocher.