En réponse au témoignage et à l’article de blog de Claire « Je suis une Maman qui crie« , Laura, qui vit actuellement en Suède et y élève ses deux enfants a souhaité nous en dire plus sur l’éducation suédoise, ses points positifs mais aussi ses limites. Découvrez son témoignage dans cet article…
{Témoignage} Avantages et inconvénients et l’éducation suédoise
Je lis souvent des articles qui vantent ô combien les enfants suédois ont de la chance de vivre dans un pays où les fessées sont interdites depuis si longtemps et où l’éducation bienveillante est la norme, et ça m’embête un peu car la vérité est un peu plus contrastée que cela et que l’idée qu’on s’en fait outre nos frontières.
J’habite en Suède depuis 8 ans et j’y élève mes enfants qui ont respectivement 3 et 7 ans, alors j’ai l’occasion de tester ce qu’est l’éducation suédoise et c’est vrai qu’il y a de nombreux avantages à avoir des enfants en Suède.
Les avantages de l’éducation suédoise
– Le congé parental : après la naissance de l’enfant, les deux parents se partagent 18 mois de congé parental correctement rémunérés. Chaque parent a 3 mois de congé qu’il ne peut partager (soit on les prend, soit on le perd) et un an qu’on peut partager comme on le souhaite, jusqu’aux 7 ans de l’enfant. On a donc le temps de profiter de son bébé et l’employeur ne pose généralement pas de problème à l’annonce d’une grossesse, il s’attend à un arrêt long et l’accepte puisque c’est la norme ici.
– La place du Papa/du deuxième parent : la plupart des Papas prennent plusieurs mois de congé parental. Ils s’arrêtent les premiers jours avec la maman mais passent aussi le plus souvent, plusieurs mois seul avec leur bébé. Il gère alors les repas, les lessives, les divertissements… Ils sont autonomes avec l’enfant et prennent une partie de la charge mentale.
Les papas ont les mêmes possibilités que les mamans pour s’arrêter quand l’enfant est malade, lorsque la crèche est fermée (d’ailleurs, la rémunération en cas d’enfant malade est la même pour les mamans et les papas). Ils n’ont aucun problème non plus à s’arrêter de travailler tôt pour récupérer les enfants à la sortie de la crèche et les employeurs sont généralement très compréhensifs et habitués à ce que les 2 parents s’occupent de leurs enfants de manière équitable.
– Les groupes de parents : le congé est long et il est donc classique de voir des groupes de mamans ou papas se former et se retrouver plusieurs fois par semaine. Cela permet de se sentir moins seul et d’avoir des conseils, des échanges et du partage autour de la parentalité et des enfants.
– La place en crèche : tous les bébés ont le droit à une place en crèche dans leur ville (pas forcément la crèche la plus proche), sous 4 mois, à partir de leur 1 an, et le prix maximum pour un enfant à la crèche est d’environ 150€ par mois (évidemment ça dépend du salaire des parents et les allocations pour les enfants sont d’environ 120€/mois et par enfant).
– La confiance en son enfant et l’autonomie : les suédois en général sont très confiants en la vie, la société et les capacités de leurs enfants. Ils sont aussi très doués pour les aider à acquérir une certaine autonomie. A la crèche, très tôt les enfants s’habillent seuls et on les retrouve avec le pantalon devant derrière, le pull dessus-dessous, les chaussures inversées… Personne ne les corrigera ou ne les rhabillera correctement… Bon, c’est moins sympa quand la crèche les encourage à manger seul autant que possible, donc avec les doigts… y compris la soupe, mais c’est aussi ça l’éducation suédoise ! On les laisse parler, marcher, grandir à leur rythme. Ici, pas besoin d’être propre à 2 ans, ils peuvent garder des couches jusqu’à ce qu’ils quittent la crèche à 6 ans, même si beaucoup les arrêtent autour des 3-4 ans. Par contre, beaucoup d’enfants de 3-4 ans savent déjà faire du vélo sans petite roues !
– Le respect des enfants / des différences : les enfants sont vus comme des personnes à part entière. Leurs parents les respectent et ça se voit. On leur demande régulièrement leur opinion, on les écoute, on n’a pas peur de faire des compromis qui conviennent à tout le monde. On ne crie pas (ou vraiment rarement) sur les enfants et on n’utilise pas de châtiment corporel. D’ailleurs, le sujet des droits de l’enfant est très régulièrement abordé dès la crèche.
Par exemple, à l’école élémentaire, la réunion parents-prof est un dialogue entre le prof et l’enfant devant les parents, où on demande à l’enfant de dire ce qu’il apprécie à l’école, ce qu’il a appris, ce qu’il voudrait changer… complété par le professeur avec des conseils et des explications.
– Une société multiculturelle ouverte : les grandes villes de Suède sont très multiculturelles. On croise des familles très différentes et les sujets des familles mono-parentales, homo-parentales, recomposées… est abordé très tôt. Il n’est pas rare même de voir des crèches et des écoles organiser des activités lors du mois des fiertés.
– Les soins gratuits : toutes les visites médicales (y compris orthophoniste, dentiste, psychologue) et les soins médicaux sur ordonnance sont gratuits jusqu’à la majorité de l’enfant ainsi que pendant la grossesse et la pilule contraceptive est gratuite jusqu’à 28 ans.
Mais à côté de ces nombreux avantages, il y a aussi des inconvénients dont on parle peu…
Les inconvénients et les limites de cette éducation
– Pas de sécurité : en Suède par défaut, on se fait confiance. Il n’y a donc pas de cadre sécurisé pour les enfants. On les laisse traverser la route seul puisque les voitures sont censées s’arrêter, on les laisse jouer avec les prises électriques qui sont censées être sécurisées, on les laisse jouer avec les boutons du four car normalement il y a une sécurité sur la porte du four…
De la même facon, les cours de crèche ou d’école ont des portes qui ne ferment pas à clef mais avec une sécurité enfant (qu’ils savent ouvrir dès 4 ans). Il n’est pas rare de voir des enfants d’élémentaire sortir seuls récupérer leur ballon sur la route et les Suédois trouvent ça normal, mais parmi les étrangers, nous sommes nombreux à ne pas être sereins sur ces sujets-là.
– L’absence de « non »: le respect des parents pour leurs enfants s’apparente parfois à un laisser faire assez impressionnant. On ne leur dit très peu « non » à la maison ou à la crèche. Il est autorisé d’être debout sur les chaises, canapé ou même sur les tables à la crèche, sur les fauteuils du train… On est toujours à la recherche d’une solution, d’un compromis pour ne pas avoir à dire « non » à l’enfant. C’est positif jusqu’à un certain niveau. Il n’est pas rare que des adolescents qui ne parviennent pas à obtenir un petit boulot ou qui se font larguer soient déprimés car il n’ont pas eu l’habitude de ne pas obtenir ce qu’ils veulent !
Pareil, lors de leur premier emploi, les jeunes Suédois sont beaucoup plus confiants pour défendre leurs idées (ce qui est très bien) mais ont plus de mal à suivre les consignes et les règles, même s’ils s’adaptent quand même assez vite au monde du travail.
– Une écoute à outrance : Les enfants dictent beaucoup le tempo des journées. On ne leur demande pas de se dépêcher pour aller voir des amis à l’heure ou de manger ce qu’il y a au menu. On s’adapte à ce qu’ils veulent, quite à annuler ou être en retard. S’ils ne veulent pas aller dans la salle de bain, on leur change la couche debout dans le salon pendant qu’ils continuent de jouer.
Les professeurs Suédois commencent toutefois à alerter sur l’absence d’écoute et de respect des enfants à l’école, et sur les difficultés croissantes à faire cours. D’ailleurs, une des professeurs de crèche qui me posait des questions sur l’école en France était effarée d’apprendre qu’en élémentaire on pouvait avoir 1 professeur pour 30 enfants. Elle ne pensait pas pouvoir y arriver en Suède (de 1 à 6 ans, il y a un adulte pour 6 enfants).
– Une absence de responsabilité : dans l’éducation suédoise, on évite de dire à un enfant qu’il a fait quelque chose de mal et on lui demande rarement de remercier ou de s’excuser. Par exemple, lorsque j’étais enceinte de 6 mois, l’enfant d’un ami qui jouait au rugby à l’intérieur m’a envoyé le ballon dans le ventre. Ça m’a fait mal, les parents m’ont proposé de m’asseoir et une poche de froid… et ils ont rendu le ballon à leur fille en me disant « ça te prépare pour quand tes enfants te feront pareil ! » Aucune excuse de l’enfant ou demande des parents de faire un peu plus attention ou de jouer autre part. Pour moi, c’est trop. On peut apprendre aux enfants à vivre en communauté, en respectant les autres, sans que ça les traumatise. Clairement, ce n’est pas l’idée partagée par les parents suédois.
– L’incapacité de se restreindre : tous les vendredis après-midi, les petits (et grands) Suédois achètent un (très) grand sachet de bonbons au supermarché et le dévorent le soir même. Ils n’achètent des bonbons que le vendredi car ils ne peuvent pas s’empêcher de tout manger le jour même. On n’apprend pas aux enfants la pondération. On retrouve ça également chez beaucoup d’adultes qui ne savent pas se contrôler et finissent les sucreries, le nutella, les glaces ou même la crème fraîche le jour même de leur achat, suivant ce modèle de non restreinte.
– La crèche : les enfants sont à la crèche de leur 1 an à l’année de leur 6 ans. C’est tellement génial de ne pas s’inquiéter du mode de garde de son enfant, par contre, cela veut aussi dire que si les parents ne veulent pas s’arrêter 1 an ou s’ ils préfèrent faire appel à une nounou, ce n’est pas possible.
Quant au programme pédagogique dans l’éducation suédoise, il est vraiment minimal (apprendre à être un bon camarade, connaître ses droits). Avant 6 ans toutes les activités sont optionnelles et les enfants qui le souhaitent peuvent se contenter de jeux libres. On peut donc quitter la crèche à 6 ans sans savoir par quelle lettre commence son prénom ni savoir compter jusqu’à 3. Par contre, les crèches proposent une introduction au numérique dès 1 an (ordinateur, projection de dessin animé, clip ou documentaire, tablette). Les enfants qui ne font plus la sieste regardent donc la plupart du temps des petits films !
– La réduction du temps de crèche : lors de l’arrivée d’un nouvel enfant dans une famille, l’aîné n’a plus le droit qu’à 30h de crèche par semaine les deux premiers mois puis 15h de crèche par semaine jusqu’à la fin du congé parental. Personnellement, je trouve que pour les enfants les plus grands (3-6 ans) ça peut être pris comme une punition de devoir « quitter » la crèche (pendant 1 an) pour retourner à la maison, et le bébé qui vient de naître, à la différence de son aîné, ne peut pas bénéficier de l’attention exclusive de ses parents !
Alors évidemment, je ne veux pas cracher dans la soupe, je suis très heureuse de vivre en Suède et je trouve qu’il y a plus d’avantages que d’inconvénients. Cependant, je pense adapter l’éducation que je donne à mes enfants et ne pas totalement suivre les préceptes de l’éducation suédoise.
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Super intéressant !! Il y a forcément un compromis à trouver mais c’est chouette aussi d’être dans un pays où on se sent en sécurité. Pour traverser la rue ici, dur d’avoir confiance.
Mais oui, un enfant est une personne qu’il faut considérer mais il faut aussi lui apprendre les règles. J’essaie toujours de lui expliquer pour quoi la règle est en place : pour sa sécurité et pour son développement. Mais il m’arrive aussi d’avoir des doutes car je le trouve un peu trop à cheval sur les règles et qu’il ne se lâche pas assez, un peu rapporteur sur les bords. Il a 5 ans mais c’est toujours un équilibre difficile à trouver entre respect des autres et liberté personnelle…