Lorsqu’elle était au lycée, Chanèle a du se faire avorter. Aujourd’hui, désireuse de devenir un jour maman, elle revient sur cette douloureuse expérience.
{Témoignage} Comment avancer normalement quand on a pris la décision d’avorter ?
Ça fera bientôt 12 ans que ça m’est arrivé et c’est la pire décision que j’ai eu à prendre jusque-là. Aujourd’hui, j’ai 28 ans, j’ai fait de grandes études, j’ai un travail que j’aime et l’homme de ma vie est merveilleux. On parle souvent d’enfant, j’y pense de plus en plus et je jalouse (gentiment) nos amis qui ont eu leur premier récemment. Mais quand j’essaie de me projeter, je suis complètement bloquée, c’est comme si je n’en avais pas le droit.
J’étais folle amoureuse, insouciante et heureuse comme on l’est à 16 ans. Maman me répétait souvent : « quand tu iras plus loin avec ce garçon, ne fais pas n’importe quoi, fais attention à toi, protège-toi. Tu peux me parler de tout tu sais ». On l’a fait, je ne me suis pas protégée, je n’en ai pas parlé et le pire est arrivé. J’ai fait un déni de grossesse, ce truc plutôt rare dont on entend parler à la TV mais qui n’arrive qu’aux autres… Règles, ventre plat, pas le moindre symptôme jusqu’au jour où j’ai rendu mon jus d’orange à 7h du matin en descendant du bus pour me rendre au lycée. La pensée d’être enceinte m’est tout de suite venue à l’esprit. Le soir même, le test était positif et le principal intéressé ma totalement laissé tomber. La panique. Si jeune et tant aimée, j’allais pourtant décevoir tous ceux qui comptaient pour moi. La décision s’est imposée, le médecin que j’ai consulté m’a conseillé : « de ne pas trop traîner et de ne pas trop réfléchir ». Je suis allée à l’hôpital le lendemain pour expliquer ma situation mais on m’a demandé de revenir un autre jour. Toute une nuit de plus à réfléchir… « Pourquoi cet enfant n’aurait pas le droit d’être là ? », « Pourquoi ne pas prendre mon courage à deux mains pour en parler ? », « Qu’est-ce que sera mon avenir si je le garde ? », « Qu’est-ce que sera ma vie si je ne le garde pas ? ». L’angoisse, la solitude, personne à qui me confier. J’ai cessé de réfléchir et je suis retournée à l’hôpital, seule. Je n’avais jamais vu de gynécologue, j’ai bien évoqué l’impossibilité d’avoir cet enfant mais jamais ma volonté. J’ai fait tout ce qu’on m’a dit, pris les cachets qu’on m’a donnés et pris rendez-vous pour trois jours plus tard. Une éternité.
Plus les jours passaient, plus la culpabilité m’accablait. J’aurai voulu mourir. Je me sentais si seule, je me dégouttais. J’avais besoin d’en parler mais j’avais surtout besoin de quelqu’un qui ne me jugerait pas, qui me soutiendrait quoi qu’il arrive, malgré la déception, l’incompréhension et les multiples interrogations. J’en ai parlé à maman, elle était si triste, je n’ai pas vu de déception dans ses yeux mais un immense chagrin. Elle m’a tout de suite dit qu’elle me soutiendrait et qu’elle serait présente, quelle que soit ma décision. Je lui ai expliqué que je n’avais plus le choix, que j’avais pris rendez-vous, que j’avais avalé ces foutus cachets que l’on vous donne avant d’avorter « pour faciliter les choses ». On a beaucoup pleuré toutes les deux, elle m’a accompagné et m’a aidé à me reconstruire après cette terrible épreuve.
Les années qui ont suivies ont été très compliquées psychologiquement. De nature souriante, extravertie, toujours très bien entourée, j’ai totalement changée et me suis renfermée sur moi-même. J’ai progressivement repris le cours de ma vie. Je me suis fait la promesse de ne pas avoir fait ce choix pour rien, d’aller aussi loin que possible dans mes études et de ne jamais blâmer personne d’avoir fait le choix inverse du mien.
En écrivant ce témoignage, mon but n’est pas d’être jugée, ou de faire du mal à toutes ces femmes qui rencontrent des difficultés pour devenir maman, ou encore de remettre en cause l’avortement. Je voudrai simplement dire à tous les parents d’adolescentes qui se retrouvent confrontés à cette situation, à quel point c’est dur, à quel point on a besoin de se sentir soutenue et aimée bien plus que blâmée, et cela même si les autres sont horriblement déçus, fâchés ou s’ils n’arrivent pas à comprendre notre décision, quelle qu’elle soit. Malgré toute la peine que j’ai dû lui infligée, je ne remercierai jamais assez ma maman, elle s’est comportée de façon extraordinaire.
Aujourd’hui, je voudrai pouvoir avancer, ne plus avoir ce sentiment de culpabilité, me sentir comme tout le monde et enfin prête à dépasser mes démons.
Vous souhaitez publier votre histoire sur le blog ? C’est ici que ça se passe.
Elizaline dit
« Je me suis fait la promesse de ne pas avoir fait ce choix pour rien, d’aller aussi loin que possible dans mes études et de ne jamais blâmer personne d’avoir fait le choix inverse du mien. »
J’ai la chance de ne pas connaître l’expérience de l’avortement mais si cela avait dû m’arriver, j’espère que j’aurais réussi à conclure mon histoire avec une phrase aussi belle que celle-ci.
Hier j’ai croisé des manifestants anti-IVG dans les rues de Paris, j’ai senti la violence et la haine. J’aurais aimé voir le courage, l’amour et la compassion dont ces femmes, qu’ils jugent et anéantissent, font preuve. Mais la conclusion de ce témoignage me redonne la foi. Merci.
Bénédicte dit
Ton témoignage a éveillé énormément d’échos en moi.
J’ai moi aussi décidé d’avorter il y a dix ans cette année. J’avais 21 ans, j’étais en couple depuis 5 ans et en plein dans mes études. Au fond de moi, lorsque j’ai vu ce test positif, j’ai su tout de suite que je n’étais pas avec la bonne personne pour élever des enfants. Je savais qu’un jour je voudrais avoir des enfants, mais pas de suite, car je n’avais pas assez d’espace dans ma vie et dans mon coeur pour en accueillir.
Je ne me rappelle pas avec autant de précision que toi de la semaine où s’est déroulée l’IVG. Je l’ai traversée comme un zombie, épaulée par ma meilleure amie. Je n’en ai parlé avec ma maman que trois ans plus tard, elle n’a absolument pas compris mes larmes. J’ai eu besoin de beaucoup extérioriser, d’écrire, de chanter, de méditer, pour faire le deuil de cette grossesse. Je savais que je n’étais pas prête à offrir tout l’amour que méritait ce bébé, à lui faire assez de place dans ma vie. Donc j’ai choisi d’avorter. J’ai mis très longtemps à accepter ça, plusieurs années chez une psychologue qui m’a énormément aidée à reconnaître et accepter mes émotions, je me trimballais tout le temps avec une petit carnet dans mon sac à main pour noter ce qui me passait par la tête, décrypter comment je me sentais à tel instant, quelles images j’avais en tête etc.
Et petit à petit, j’ai lâché prise. J’ai accepté que ce petit être qui s’était logé dans mon corps avait choisi de se sacrifier. J’ai entendu que les bébés choisissent leurs parents et j’y crois vraiment très fort. Aujourd’hui je suis en paix avec ce petit ange qui me protège de là haut.
Depuis, j’ai rencontré mon chéri, je lui ai parlé de tout ça, lui ai dit et redit comment je me sentais, il m’a soutenue et épaulée pendant ma psychothérapie d’un manière admirable. J’ai mis 6 longs mois à tomber enceinte, au cours desquels je ressassais sans arrêt que je ne méritais pas d’avoir un enfant parce que je devais être « punie » de cet avortement. Et peu à peu j’ai lâché et au moment où je m’y attendais le moins, mon Babybel était là. Il a maintenant 4 mois, je suis la plus heureuse des mamans car mon fils merveilleux m’a choisi pour l’accompagner dans sa vie.
Bon courage, belle vie à toi, fais de la place en toi pour accueillir ces petits êtres fabuleux que sont les enfants. Tu le mérites, car tu as pris la décision la plus difficile de ta vie, pour toi mais aussi pour lui. Tu n’as absolument pas à en avoir honte !
Plein de belles pensées!
MarieBn dit
Bonjour,
Merci pour ce témoignage ! J’ai vécu similairement la même chose.
A 16 ans, amoureuse et complètement aveugle, je n’ai rien vu venir et lui faisait une confiance totale.
Le garçon avec qui j’étais m’a totalement laissé au moment où il l’a su (et pourtant il était plus vieux de 4 ans) et m’a laissé gérer seule. Je n’ai pas eu le courage d’en parler à ma maman et pourtant j’aurai dû.
Tout comme toi, la lutte qui a suivi pour remonter la pente a été longue et faire confiance était devenu compliqué.
Maintenant, 9 ans après, je veux des enfants avec l’homme avec lequel je suis pacsée mais j’ai cette sensation de blocage comme si je ne méritais pas d’être enceinte et que je n’avais pas encore « tourné la page ».
Mon homme est au courant et veut lui aussi des enfants au moment où je me sentirai prête, mais est ce que je serais vraiment prête un jour ?
Alors tout simplement, merci pour ce témoignage qui désacralise tout ceci.
Je te souhaite de dépasser tes démons et de pouvoir enfin avancer comme tu le souhaites.
Lucie dit
Hello comment je peux te comprendre en lisant ce message. Il m est arrivée la même chose sauf que pour moi il a assumer la situation et ca m a donner beaucoup de courage. C est arrivé, il y a 11 ans. Je me sens coupable d être tomber enceinte à 16 ans et déçu tout les gens que j aimais. Coupable de n avoir pas pris le temps de me poser la question de le garder. Mais je voulais vivre, m amuser, aimer… Ceci m’a changée, bouleverser et je voulais reconquérir l amour et la confiance des gens que j aimais ( mes parents, grands parents).
Nous voilà aujourd’hui, à 27 ans, je les dit à mon conjoint assez rapidement et aux personnes de mon entourage de confiance, je me sens toujours coupable mais pas honteuse d avoir fait cet avortement.
Actuellement nous aussi on parle d enfants. Et j ai très hate. Car je sais que c est le bon moment et que c est avec lui.
Fais toi confiance, vi chaque jour. On est pas toujours parfaite.
Emilie dit
Pour ma part je n’ai pas encore d’enfants mais j’ai senti ce décalage que tu décris au début de ma relation avec mon homme qui est aujourd’hui mon mari. On s’est connus j’avais 19 ans et lui 21 ans et on a tout de suite eu envie de vivre ensemble on a pensé à avoir notre maison nous marier avoir des enfants quand nos amis étaient encore célibataire enchainaient les relations amoureuses sans lendemain nous n’avions pas de « vrai couple » autour de nous c’était assez frustrant et personne ne voulait « tenir la chandelle » avec nous. Mais 6 ans plus tard avec notre mariage, notre maison, on cotoie de plus en plus de couples et on se sent un peu moins seuls dans notre vision des choses je trouve. Maintenant c’est nous qui sommes en « retard » puisque des couples plus récent que nous ont déjà des enfants. J’ai hâte de partager cela avec eux =)
Emilie dit
oups je me suis trompé de sujet pardonnez moi
Choux dit
Salut !
Je suis très touchée par ton témoignage. Je ne sais pas si cela pourra t’aider, mais tu devrais faire appel à la Thérapie des champs mémoriels, qui m’a beaucoup aidée personnellement 🙂
Morgane dit
Ma situation n’est pas tout à fait la même que toi mais cela va peut être t’aider à avancer.
J’ai fait une IVG en septembre 2012 à 29 ans, décision difficile à prendre mais cette grossesse n’était pas possible à ce moment là. Je suis tombée enceinte suite à un problème de capote en tout début de relation avec mon homme qui a l’époque était saisonnier et on ne savait pas trop où on allait. Cela n’a pas été facile surtout que j’ai 2 amies qui m’a appris leur grossesse au même moment … Je me suis posée beaucoup de question mais mon homme était là et j’ai pu en parler avec quelques amies. J’ai été soutenue après avoir pris ma décision mais cela n’a pas facilité les choses pour autant. Suite à la prise des cachets j’ai fait une fausse couche chez moi en pleine nuit … La situation a été très bien gérer par mon homme et cela nous a rapproché.
4 ans plus tard je suis mariée depuis 1 mois avec lui et nous sommes parents d’un petit garçon de 2 ans !!! Après l’IVG je l’avais prévenue que je voulais des enfants et que je ne voulais pas attendre trop longtemps avant d’en avoir avec lui. C’est lui qui a décidé de quand on a commencé les essais et je suis tombée enceinte de suite. J’avais eu le temps de me remettre de cette IVG et même si c’est pas toujours facile je sais que cette épreuve à renforcer notre couple et qu’il y a de forte chance qu’avec une autre décision on n’en serait pas là aujourd’hui. Ma grossesse et mon accouchement se sont super bien passés et là nous sommes en train de reprendre les essais pour un deuxième.
Cette décision a été très dure et pas facile physiquement. J’ai eu des doutes avant de tomber enceinte mais mon envie était devenue plus importante qu’eux et j’ai su passer par dessus et avancer. Ce n’est pas facile à faire mais si tu commence à en avoir envie je pense que le reste viendra tout seul. Parles en avec ton homme afin qu’il puisse t’aider à surmonter cela. Cette décision tu l’as enfin accepter d’après ce que je comprends et maintenant il faut juste que tu te laisse le droit d’être heureuse et de pouvoir être enceinte et mener à terme celle ci. L’amour qu’on ressent pour notre enfant est indéfinissable … Pour moi tu es sur la bonne voie et bientôt toutes tes questions te semblerons superflues par rapport à ton envie … Courage et j’espère que tu pourras bientôt nous redonner de bonnes nouvelles.