Louve rêvait d’un accouchement physiologique, doux et vraiment naturel Mais parfois la nature en décide autrement. Du projet de naissance idéal à la césarienne, il n’y a qu’un pas. D’où le fait que je répète souvent aux futures mamans : ne vous enfermez pas dans un schéma d’accouchement, car le jour J tout peut arriver.
{Témoignage} De l’accouchement idéal à la césarienne
Récemment maman et en pleine découverte de la parentalité avec Papa Ours, mon mari depuis 1 an et demi et dans ma vie depuis 9 belles années, je profite de cet espace de parole pour y laisser ma trace, aussi infime soit-elle, à propos de mon accouchement.
Il y a l’accouchement dont on rêve, celui qu’on imagine, qu’on planifie, pendant 9 mois et même avant, lorsque le projet bébé pointe le bout de son nez, celui qu’on écrit amoureusement dans son petit carnet de grossesse, celui qu’on appelle tendrement « projet de naissance » et que l’on répète, partout, aux spécialistes qui encadrent la grossesse, à nos parents, à nos ami.e.s, à nos proches, à nous-même et que l’on murmure à notre ventre rond.
Du projet de naissance à l’accouchement
Pour ma part, tout était très clair, assez rapidement. Pour Jelly Beans, je voulais un accouchement le plus naturel possible, dans ma bulle avec Papa Ours, peu de médicalisation, pas de péridurale, de la musique en fond sonore, pas d’épisio, le peau à peau, Papa Ours qui m’annonce qui sort de mon ventre (nous ne connaissions pas le sexe de notre bébé à venir) en m’annonçant le prénom de l’enfant que je viens de mettre au monde, pas besoin de gynécologue puisque dans l’hôpital de notre choix, ce sont les sages-femmes qui accouchent et si, cerise sur le gâteau, mon amie d’enfance, sage-femme dans cet hôpital, pouvait s’occuper de nous ce jour-là, ça serait parfait.
Et puis, surtout, surtout, pas de césarienne. C’était le plan. Celui qui me rassurait et me donnait envie de rencontrer mon petit bébé. J’avais tellement détesté la grossesse, malade comme un chien les trois premiers mois, jusqu’à vomir du sang et subissant les maux des mois suivants comme une plaie. J’allais kiffer cet accouchement, ah ça oui.
C’était le plan, oui.
A chaque échographie, Jelly est sur la courbe haute. Plus les semaines passent, plus c’est clair : Jelly sera un gros Jelly. Tellement, qu’à 33 semaines, ma gynécologue commence à évoquer doucement le déclenchement. Elle connait notre projet de naissance, elle sait comme cela s’en éloigne mais elle parvient à trouver les bons mots. Un déclenchement pour éviter une césarienne si Jelly poursuit sa prise de poids.
De mon côté, je me prépare à coller au plan : haptonomie et préparation affective à la naissance avec mon amie, hypno-douceur pour apprendre à contrôler et à gérer la douleur des contractions, kiné et ostéo pour mieux vivre la grossesse.
C’est lors d’une séance d’hypno-douceur, à propos des peurs liées à l’accouchement, que la sage-femme qui m’accompagnait parle avec moi de la césarienne. Evidemment, cela arrive en haut de la liste de mes peurs. Elle me dit alors : « Autant vous y préparer immédiatement : la césarienne est TOUJOURS une option. Vous aurez beau repousser cela dans un coin de votre tête, ça sera toujours là. Et si vous décidez de l’accepter immédiatement, vous pourrez mettre en place des stratégies pour faire de cette naissance particulière, un très beau moment. » Cela me marque.
A 36 semaines, la nouvelle tombe : avec un terme estimé à 4,5 kg, ma gynécologue ne veut pas me laisser aller au bout. Déclenchement ça sera.
Avec Papa Ours, on s’y attendait et on avait déjà pris les devants : acupuncture, gélules d’Onagre, tisane de framboisier, consommation de dattes, massage Shiatsu, tout y passe. Tous les soirs, on espère que nos efforts paieront et que Jelly arrivera avant la date fatidique du déclenchement.
On lui parle, on lui explique, on le guide avec de la musique, de la lumière, nos voix. Les jours passent, la date approche, je me résigne. Papa Ours garde espoir, jusqu’au jour-même, que je l’appelle au boulot « It’s time baby ». Mais non.
Ce sera un accouchement déclenché
Le mardi après-midi, on charge sagement la voiture de nos valises et on se met en route. Je ne suis pas stressée – je crois que je ne réalise pas vraiment.
Arrivée à l’hôpital vers 17h, on m’examine. Hourra : mon col qui, ces derniers jours, était long et fermé, s’est un peu effacé. Pas besoin de me placer un ballonnet, premier soulagement. On se contente d’une tigette de Propès, insérée dans le vagin pour la nuit.
On s’installe dans notre salle d’accouchement, pour un monito. Les heures passent, mon amie qui faisait la nuit arrive vers 20h. Une chance, le service est presque vide et elle peut rester auprès de nous pour papoter. On se met au lit et la nuit se passe. Je sens, à peine, quelques tiraillements dans le bas-ventre, rien de bien sérieux. C’est mon amie qui nous réveille vers 6h le lendemain, elle m’examine (grand moment d’intimité après une amitié longue de plusieurs années mais la gêne des premiers instants passée, elle fait son taff et je me détends), ça a un peu bougé, elle et sa collègue sont plutôt optimistes.
On décide de me laisser la tigette et on nous invite, Papa Ours et moi, à nous promener car petit Jelly est vraiment très haut. On est soulagé, on y croit, à part cette petite tigette d’hormones douces et locales, on s’accroche à notre projet, les choses avancent bien.
Vers 10h, on m’examine à nouveau – entre temps, mon amie est rentrée chez elle pour dormir, d’une oreille seulement, son téléphone sous l’oreiller, si jamais le travail se mettait en route avant son retour, le soir-même. Rien n’a bougé. Les choses s’accélèrent.
On m’annonce qu’on va me poser la perfusion de syntocinon pour lancer les contractions, artificielles donc.
A 11h, la perf bien installée, une sage-femme arrive : « On va rompre la poche ». Je ne comprends pas vraiment pourquoi, je n’ai pas encore eu de contractions, tout va bien. Papa Ours demande « Quand ça ? » « Tout de suite ». Ah, d’accord. Nous qui parlons à Jelly et lui expliquons tout ce qui nous/lui arrive, n’avons pas le temps de nous y préparer. La sage-femme, dans un souci de transparence, j’imagine, m’explique que « D’habitude, c’est le docteur qui rompt la poche, mais dans votre cas et comme vous avez beaucoup de liquide, il y a un risque que le cordon file et que la tête du bébé appuie dessus, empêchant l’oxygénation. Du coup, le docteur est prête dans le couloir, elle n’a plus qu’à enfiler ses gants et on fonce pour la césarienne en cas d’urgence. »
Ok, pas du tout stressant.
La rupture est douloureuse tout d’abord (parce que, non content de t’enfoncer ses doigts, la sage-femme y ajoute un genre de long crochet), intense (Jelly étant tellement haut, une collègue appuyait de toutes ses forces sur mon ventre pour le faire descendre et pour que la poche soit atteinte par le fameux crochet) et psychologiquement difficile (j’étais morte de trouille et j’ai pleuré tout du long). La poche se rompt, le cordon reste bien à sa place, on ne file pas en urgence, je respire et Papa Ours essaie de calmer mes pleurs.
La suite de la journée se déroule selon le même schéma : les contractions sont de plus en plus intenses, douloureuses et rapprochées, je les gère plutôt bien grâce aux différentes préparations et au soutien de Papa Ours, qui me ramène dans notre bulle lorsque la douleur me la fait quitter. Il me masse le bas du dos et le plexus avec un préparation d’huiles essentielles « Accouchement harmonieux », me prépare mes petites gouttes d’homéopathie à prendre à chaque contraction, on se promène dans le couloir, je me balance sur le ballon, on écoute notre play-list préparée pour l’occasion et j’utilise les différentes techniques de gestion de la douleur.
L’hypnose ne marche pas vraiment, les prolongements appris en haptonomie sont efficaces. J’attrape le bras de Papa Ours à chaque contraction et me répète ma petite rengaine « J’envoie la douleur dans ses poignets, dans ses coudes, dans ses bras, dans ses épaules, je fais une boucle. Ça va passer, ça passe toujours. »
On m’examine toutes les deux heures. Ça avance doucement. Très doucement. Trop doucement.
A 17h, je suis à la dose maximale de synto. A 18h, je demande à prendre un bain. Cela me soulage, pour un temps.
A 19h, on m’examine à nouveau. Ça n’a pas bougé depuis les 2 derniers examens. Je me décourage.
C’est le défilé dans la chambre : la gynéco de garde, son interne, la gynéco senior, deux sages-femmes. « Bonsoir Madame, on est les gynécologues de garde. On vient vous rencontrer et se présenter à vous. Les choses n’évoluent pas vraiment et votre bébé est toujours très haut. Il faut qu’il vienne appuyer sur votre col pour qu’il se dilate. On va se laisser encore 4 heures. Si ça n’a pas bougé d’ici-là, il faudra penser à une alternative. »
Le mot césarienne n’est pas prononcé.
J’ai mal. Je crève de mal et nos techniques ne fonctionnent plus. Je suis épuisée et ça n’est pas encore terminé. La césarienne me pend au nez, je ne vois pas l’intérêt de souffrir encore 4 heures, si c’est comme cela que ça se termine.
A 20h, je demande la péridurale. A 20h30, l’anesthésiste fait des miracles. Instantanément, la douleur me quitte et je revis.
Entre temps, mon amie est de retour. Elle change mes positions pour inciter Jelly à descendre. A 21h rien n’a bougé. Je sais ce qui nous attend. J’en parle à Papa Ours. Il faut s’y préparer. Pendant les 2 heures qui suivent, on discute entre nous et je repense à mon entretien hypno-douceur à propos des peurs et de la césarienne. Des stratégies que l’on peut mettre en place pour que tout se passe au mieux, pour Jelly et pour nous. On parle de ce que l’on souhaite, on échange avec notre amie, les choses se préparent. Je veux que Papa Ours soit avec nous, évidemment. J’aimerais que la gynéco me dise de pousser quand Jelly sortira de mon ventre, pour vivre par projection cet accouchement qui ne dépend pas de moi. Et surtout, j’insiste pour que personne ne nous annonce le sexe de Jelly. Je veux que Papa Ours me le dise, seulement lui.
A 23h, Jelly est toujours aussi haut. On y va.
Césarienne, c’est parti !
Je lui ai parlé tout du long. Du moment où l’on a quitté la chambre jusqu’à sa sortie de mon ventre à 00h21. Je lui ai répété qu’il allait naître au monde, que c’était le moment de nous rencontrer, qu’on l’attendait et qu’on l’aimait. Qu’on serait près de lui. Qu’il allait naître hors de mon ventre, que c’était le mieux pour lui. Qu’il allait sans doute avoir peur, sans doute avoir mal, mais qu’on serait là, autour de lui et avec lui. Et qu’on l’aimait déjà tellement.
J’étais complètement coupée du monde, dans ma bulle, avec mon bébé et Papa Ours. J’ai poussé quand on a sorti Jelly de mon ventre, pour accompagner sa venue. J’ai entendu Papa Ours me dire en pleurant « C’est Lou mon amour, c’est notre petit Lou ». Mon fils. Mon garçon. Je l’ai vu 30 secondes par-dessus le champ opératoire avant qu’il ne parte faire les soins, suivi par Papa Ours.
J’étais heureuse. Juste heureuse. J’avais rencontré mon enfant, couchée en Jésus sur une table d’opération, une lumière blanche au-dessus de ma tête, un champ opératoire vert pour seul paysage. Tellement, tellement loin de mon projet initial, de mes rêves de naissance. Mais cela m’importait peu. J’étais parvenue à ne pas subir ce moment et à en faire une belle rencontre. C’était notre moment. Notre moment à nous.
Accepter la césarienne
Je pense que ce qui m’a vraiment aidée, c’est cette discussion avec la sage-femme qui m’accompagnait pour l’hypno-douceur. Même si je l’avais enfuie dans un coin de ma tête, la possibilité d’une césarienne était toujours là. Et j’étais, sans doute, prête à vivre ce moment tellement éloigné de mon idéal de naissance, intensément et comme actrice de l’instant.
Bien entendu, ce qui importe, c’est que mon fils soit en bonne santé et qu’il nous comble de bonheur tous les jours. Bien entendu, la grossesse et ses maux, l’accouchement qui n’arrive pas comme on l’attendait, c’est accessoire. C’est ce que les gens diront. Et ils ont en partie raison. Sauf que ce moment d’intimité intense avec votre conjoint.e, c’est un moment unique. Et il peut vous marquer à vie, positivement comme négativement. Il existe tellement de témoignages de femmes qui ont subi des violences médicales ou qui ont mal vécu leur accouchement, on ne peut pas effacer leur souffrance avec un simple « Oui, mais votre enfant va bien ». C’est notre corps, notre abandon total aux mains des médecins, notre ressenti et notre première rencontre avec notre enfant. Cela doit être entendu, pris en compte, considéré.
Je voulais simplement laisser ma petite touche sur ce blog, que je suis depuis longtemps. Chaque expérience est importante et ces espaces de parole le sont tout autant.
Vous souhaitez publier votre histoire sur le blog ? Déposez votre témoignage mariage ou témoignage maternité ici.
Eli dit
Merci pour votre témoignage.
Je vous rejoins complètement. Apres 3 ans et demi de PMA, ayant eu une césarienne sous anesthésie générale, une importante hémorragie pendant celle-ci, suite à un declenchement ayant duré 48h, j’attendais, au moins, de voir mon fils lors de sa naissance ainsi que mon mari. Après la galère de la PMA, je pensais que je le « méritais » bien, mais je n’ai pas eu ce moment rêvé. Je me souviens m’être vue mourir, seule, au bloc. La césarienne ayant débuté, l’anesthesie locale ne fonctionnant pas, j’ai supplié, plusieurs fois, pour avoir l’anesthésie générale, tout en sachant que je ne vivrais pas le moment tant attendu. Cela a été un déchirement pour moi : se sentir responsable de cette décision, qui n’en est pas une, finalement. Puis, après un réveil chaotique 2h après, toute seule, avec des infirmieres, sages-femmes s’affairant sur mon corps/dossier, mon mari est (enfin) arrivé avec mon fils, déjà tout habillé !
Les premiers temps ont été difficiles pour moi. Le fait d’entendre que : » le plus important, c’est que le bébé aille bien » m’a fait taire cette souffrance, au début, et ne m’a pas permise de la rendre légitime, puisque, de toute façon, une jeune maman « ne peut pas » être malheureuse (surtout après une PMA), puisqu’elle a dans les bras, le plus beau des cadeaux.
Bien sûr, que, dans l’absolu, le plus important est que le bébé aille bien, mais le fait de pouvoir exprimer, sans jugement, ce qui n’a pas été pour moi, m’a aidé à accepter (ou presque) cet accouchement difficile, de ne plus être dans une imposture et d’être finalement en harmonie avec moi-même, mon fils et mon mari, et ça, c’est aussi important.
Camille dit
Magnifique témoignage, merci à vous ! C’est tellement important d’avoir ce genre de témoignage, vrai, 100% honnête mais qui reste dans le positif jusqu’au bout malgré les aléas de l’accouchement ! Bravo à vous et excellente continuation à votre famille !
MmeTomate dit
Votre témoignage est magnifique et je suis tout à fait d’accord avec votre dernière phrase ! Je pense que dans bcp de maternité, le personnel oublie à quel point c’est un moment particuliers, ou bien n’y fait plus attention par habitude, et c’est là que les problèmes et les traumas se font. Félicitation pour votre petit Lou et bravo pour ce bel accouchement (car à lire c’était très beau !)