Julie est organisatrice de mariage chez Noces du Monde. Depuis plus de 15 ans elle accompagne les futur ·e ·s marié ·e ·s pour planifier le plus beau jour de leur vie. Mais à cause du Covid-19, son métier s’est transformé. La médiation entre clients et prestataires est devenue une priorité. Elle nous explique dans cet article des difficultés qu’elle rencontre et les enjeux pour pour l’industrie du mariage.
{Témoignage} Wedding Planner, Covid-19, un an après.
Aussi loin que l’on remonte dans le temps et l’histoire de l’Homme – dans le sens « être humain » – on se rend compte que le mariage a toujours existé. De différentes façons, coutumes, obligations, héritages, religions, … mais l’être humain a toujours ressenti le besoin (le désir ?) de se marier. Nous pouvons donc qualifier ceci d’essentiel.
Ce qui me fait aborder le point suivant : la fête.
Un mariage sans fête ? Oui bien sûr, cela a longtemps existé, quand la femme n’était aucunement considérée comme partie prenante de la chose. Mais fort heureusement, la société a évolué, évolue encore (il reste d’immenses progrès à faire mais je m’égare là…) et nous en sommes aujourd’hui à célébrer des millions et des millions de mariages dans le monde, en faisant la fête. En étant heureux, épanouis, plein d’espoir d’une vie à deux, enjoués, décidés, impatients…
Et puis est arrivé le Covid. « Le plan C » comme on pourrait l’appeler.
Ce machin bizarre qui nous dit, « les mariages c’est fini pour le moment, vous restez chez vous, vous pouvez toujours vous marier, mais tous seuls, sans faire la fête. »
Bam, retour à la case départ ? Non, cette fois-ci, la femme, quand il y en a une, est d’accord.
Gros progrès.
J’arrête là mes sarcasmes. J’attaque le « vrai » sujet.
Je m’appelle Julie, j’ai 38 ans, je suis wedding planner depuis 15 ans.
Une année de Covid dans les pattes, envie d’en parler, envie de vous dire plein de choses…
Mais je commencerais par ceci : cet article n’est que le reflet de « ma » vérité, «ma » vision du métier. Je parle ici de mon expérience sans jugement aucun, sans avis politique ou encore scientifique. Non. Je suis juste une wedding planner qui connaît son métier par cœur, et qui a dû tout réapprendre -ou presque- en l’espace d’un an.
Les reports
Ah ce mot, on l’aura entendu n’est-ce pas ?
Quand tout cela a commencé, nous étions des novices en la matière… comment reporte-t-on un mariage pour cas de force majeure du type « épidémie mondiale » ? Tu sais toi ? Chacun y allait de son avis, car c’était bien de cela qu’il s’agissait il y a un an, d’un avis. Aucun cas similaire avant, on ne pouvait que compter sur notre réflexion personnelle.
Pour ma part, je suis entrepreneure et je ne voulais pas y laisser ma boite que j’ai mis 15 ans à consolider. Non. Alors que faire ? Reporter ? Oui mais quand tu as une dizaine de prestataires de confirmés pour lesquels tes clients ont versé des acomptes plus ou moins importants, tu fais quoi ? Et bien tu cherches une date qui convient à tout le monde.
Tu appelles, tu fais des emails, des centaines d’emails, tu croises les doigts, tu stresses aussi, tu ris (de nerf ?) mais tu cherches par tous les moyens à décaler, et à satisfaire tes clients.
C’est ce que j’ai fait. Mais alors, qui dois-je satisfaire le plus ?
Mes clients ? Qui me font confiance depuis le début, à qui ont dit « non les gars, impossible d’organiser votre mariage cette année, il faut repousser… et à quand ? je ne sais pas, je suis comme vous en fait, je suis dans le flou ».
Ou alors les prestataires ? Certains avec qui je travaille depuis plusieurs années ? D’autres, que je ne connais pas particulièrement bien mais qui m’ont immédiatement plu ? Des entrepreneur.e.s comme moi, qui donnent tout pour faire tourner leur entreprise, qui ont une famille derrière, qui ont des dizaines de mariages repoussés aussi ?
Que faire ?
Je l’avoue, je me suis pris une claque. C’est là que le métier de wedding planner s’est peu à peu transformé, je suis devenue « médiateur », allez disons plutôt, médiatrice.
La médiation
Je vous donne un exemple : un couple a réservé un beau château près de Bordeaux, un week-end de 2020, disons Mai, 15 prestataires confirmés, tout est parfait.
La nouvelle tombe, on doit décaler.
Ok on reporte à quand ? Première question de mes clients.
« Julie, on souhaite reporter à 2021, même week-end ».
Comment vous dire ? Si on commence à décaler d’un an sans visibilité, sur des week-ends de haute ou très haute saison, nous allons tous subir une année blanche et le payer très cher.
Il faut que nous puissions vendre nos week-ends 2021, ayant déjà perdu ceux de 2020 vous voyez ?
« Oui, mais c’est notre mariage ».
Oui, je le conçois.
Que faire ?
Ce qu’il faut bien comprendre, c’est le rôle du wedding planner. Il sert de conseiller, non de juge. Il propose, le client dispose. Mais il doit donner son avis. C’est ce que j’ai fait. J’ai tout d’abord tenté de décaler le plus possible à 2020 mais travaillant essentiellement avec des clients vivant à l’étranger, tout s’est vite reporté sur 2021… mais… rarement en week-end.
Eh oui, rappelez-vous, la médiation.
Nous sommes tous dans le même bateau (je l’ai entendu cette phrase) mais nous ne ramons pas tous dans le même sens… quel dommage.
Chacun doit faire des concessions.
Le couple doit malheureusement reporter son mariage et je les comprends, c’est douloureux, pénible, décevant. Et le prestataire, lui, doit reporter des dizaines de mariages, parfois tous en même temps, doit jongler avec les dates, éviter de se sabrer son année, calculer, tenter de tomber le plus juste possible… c’est usant, déprimant, stressant.
Avec tout cela, respecter un contrat initialement signé en 2019, avec maintenant des prix qui ne veulent plus rien dire quand le mariage est reporté à 2022. Eh oui ! C’est aussi une réalité, nos fournisseurs ont augmenté leurs prix, les fleurs ont flambé, la matière première, tout le monde tire un peu la couverture, les clients ne sont pas plus riches que quand ils ont signé… alors on fait quoi ?
Un carnage. Je vous le dis !
En 2020, j’ai eu la joie de faire 3 mariages.
Les autres ont été reportés pour la plupart, certains 3, 4 fois. Un autre annulé.
Je ne compte plus les heures, jours, semaines à reporter, récupérer tous les avenants, contrats, échéanciers, relancer quand je ne vois rien venir… ces heures qui je le rappelle humblement, ne sont pas payées.
Non, ce serait trop facile. Je pourrais le demander, j’ai choisi de ne pas le faire. Je n’y suis pour rien, mais mes clients non plus.
Je n’aborderai pas ici les aides du gouvernement qui dépendent réellement de plusieurs facteurs différents, selon les métiers, les situations etc…
Nous sommes nombreux à travailler gratuitement, dans l’espoir de sauver notre entreprise.
Car le défi est ici. Ne pas subir une deuxième année blanche. Ne pas couler.
Quand tu es wedding planner depuis longtemps, tu sais que tu passes par différents rôles (planner, conseiller, médiateur, négociateur, agent de voyage, medium (joke), coach, scénographe, agent de logisitique, météorologe (double joke), designer …) mais là, tout a pris un autre sens.
Ne croyez pas que je me plains, c’est juste différent. J’ai la chance immense d’avoir de merveilleux clients, compréhensifs et bienveillants. Mais ils ont leurs envies aussi, leur vie à mener. Repousser d’un ou deux ans peut parfois changer la donne. Les plans de vie évoluent, et on doit évoluer avec. Il y a donc parfois des bébés avant le mariage, toujours de belles nouvelles !
Le mariage de destination
Je ne pouvais pas écrire cet article sans parler de cette spécialité qui est la mienne.
Si le mariage est à l’arrêt, tout ce qu’il y a autour aussi.
Et j’y pense constamment.
Chez NOCES DU MONDE, nous accueillons en France , des mariés vivant à l’étranger. Et inversement, envoyons des Français, se marier à l’étranger. Ce qui signifie que nombre de métiers sont concernés : hôteliers, restaurateurs, animateurs, voyagistes, transporteurs, secteur viti-vinicole, traducteurs, artistes, … dans plus de 25 destinations. L’impact est considérable.
Il a donc fallu trouver de nouvelles ressources, de quoi alimenter son entreprise, son énergie, sa motivation, pendant toute cette année.
En attendant : mon Podcast
Pour ma part, j’ai créé un Podcast pour les futurs mariés appelé, le Wedding Corner Podcast. Il est également beaucoup écouté par les prestataires du mariage. Pourquoi un podcast ? J’en écoute plein depuis des années et j’adore le format. En juin 2020, il en existait que deux ou trois en France sur ce créneau, j’ai donc souhaité apporter du contenu novateur, bienveillant et léger, avec une pointe d’expertise qui peut être utile aux futurs mariés.
Le format est double, soit des épisodes de 30 minutes en solo où je livre mon expertise, des conseils, des inspirations, soit des interviews plus longues, où je rencontre des professionnels de tout horizon, qui connaissent l’univers du mariage.
J’aurai bientôt l’immense honneur d’interviewer la Présidente de la Fédération Française du Mariage, Hanna MECHALY, Fondatrice du Salon de L’alliance et directrice des boutiques Nos Alliances. Vous retrouverez également des épisodes de Podcast inédits avec la Fédération, réservés aux membres, avec des contenus riches d’expériences, de conseils, pour aller encore plus dans le détail.
Pour la première fois depuis bien longtemps, je suis fière de travailler avec Hanna et son équipe. J’ai confiance en eux, en leur bienveillance, leur discrétion, ce qui est sans nul doute deux preuves indiscutables de professionnalisme. Œuvrer en temps de crise, c’est très bien. Maintenant, il va falloir œuvrer pour l’après. Ce monde du mariage a réellement besoin d’être structuré, formé, conseillé, aidé, encouragé, et la Fédération est là pour cela. Fédérer, c’est le sens premier.
D’autres wedding planners ont créé des formations en ligne, des boutiques, des blogs, de nouveaux sites web. C’est superbe de voir que dans la difficulté, on tente des choses. Il ne faut jamais arrêter d’essayer, sauf si on sent que c’est fini. La réalité nous a rattrapé et nous apprenons chaque semaine la fin d’une aventure entrepreneuriale. C’est triste. Mais c’est sûrement le renouveau d’autre chose. Quoi ? Je ne le sais pas encore, mais ces métiers comme créatrice de robes par exemple, sont des métiers passion, où il faut un vrai talent, une âme sensible, et je ne doute pas que ces hommes et femmes nous épateront encore.
La voilà, ma réalité de wedding planner depuis un an. On reporte, on planifie les nouveaux clients 2021, 2022 et maintenant 2023 ! Et on s’adapte, tel un caméléon (prudent le caméléon).
Et on se souhaite à tous une magnifique reprise, de beaux mariages, et des fêtes dignes de ce nom !
Une pensée toute particulière à tous mes clients qui reportent…
Tracy & Tarik, Isabelle & Derek, Shannon & François, Viola & Matthieu, Vanessa & Xavier, Emmanuelle & Alex, Clara & Marc, Isabelle & Grégoire, Rebecca & Clare, Marie & Philippe, Louise & Jack, Debby & Michael.
Vous êtes prestataire de mariage et vous souhaitez venir nous parler des difficultés que vous rencontrez pendant cette pandémie ? Envoyez-moi un email à la.mariee.en.colere@gmail.com
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