Je connaissais le baby-blues, mais pas du tout l’allaitement blues. J. a du renoncer à son allaitement devenu trop difficile. Elle souhaite aborder le côté psychologique de cela, la culpabilité qui l’accompagne : quand on a envie d’allaiter, que l’on insiste coûte que coûte et pourtant, qu’à la fin, il faut se résigner à arrêter. Elle appelle cela l’allaitement blues. Voici son témoignage.
Devoir renoncer à allaiter son bébé : le blues de la maman
Bonjour à toutes,
J’ai accouché d’un petit garçon il y a trois mois et les jours qui ont suivi la naissance, je considère que je n’ai pas fait un baby-blues mais un allaitement-blues.
J’ai eu envie d’en parler ici car en cherchant sur internet, j’ai trouvé que les témoignages sur l’échec de l’allaitement et la détresse morale que cela pouvait engendrer étaient assez rares. Je ne trouvais quasiment que des témoignages de super-mamans qui ont serré les dents malgré les souffrances et qui finalement continuaient d’allaiter à 8, 12 mois et adoraient ça… Moi qui cherchais des témoignages de maman qui n’ont pas aimé l’allaitement et ont renoncé, je me suis sentie un peu seule…
Je dois avouer que je ne m’attendais pas du tout à ce que l’allaitement soit aussi difficile et que cela m’atteigne autant.
Pourtant, je connaissais des femmes autour de moi qui n’avaient pas réussi à allaiter et je savais que certaines l’avaient mal vécu. Durant ma grossesse, je répétais que oui, j’essaierais d’allaiter mais que si cela ne fonctionnait pas, je ne m’acharnerai pas pour ne pas mal le vivre comme ces femmes-là.
Sauf qu’en réalité, je ne m’étais pas trop renseignée sur les difficultés qu’elles avaient rencontrées et qu’inconsciemment, j’étais persuadée que cela ne m’arriverait pas.
Sentiment renforcé par les livres et les cours de préparation à la naissance qui ne font que nous dire que l’allaitement, c’est super pour le bébé, que, oui, on peut avoir des crevasses, mais bon, on se met du lait dessus et c’est réglé, et qu’il suffit de trouver la bonne position avec bébé pour que tout se passe bien.
Je pensais aussi m’être bien préparée en allant à une réunion d’information sur l’allaitement et que du coup ça coulerait de source (c’est le cas de le dire).
Certes, j’avais une légère inquiétude car avec la grossesse, mes seins s’étaient modifiés et j’avais désormais des tétons rentrés. Mais la sage-femme présente à la réunion sur l’allaitement et une copine pro-allaitement très renseignée sur la thématique, m’avaient rassurée sur le sujet en me disant que ça se surmontait très bien.
J’étais donc confiante, sauf que j’ai accumulé les problèmes et que l’allaitement est devenu un calvaire.
J’ai accouché avec trois semaines d’avances. L’accouchement s’est bien passé, a été relativement rapide pour un premier (13h de travail, une demi-heure de poussée), j’ai eu la péridurale comme je le souhaitais et quasiment pas de problème physique (une petite déchirure d’à peine 1,5 cm). Bébé pesait 2kg960, était en bonne santé et j’ai tout de suite craqué pour lui.
Tout allait donc bien dans le meilleur des mondes, j’étais certes fatiguée mais je me rétablissais bien physiquement, n’avait pas spécialement mal, étais contente de mon accouchement et ravie de mon bout de chou.
Et puis, j’ai essayé de mettre en place l’allaitement et tout s’est progressivement dégradé.
Comme mes tétons étaient rentrés, Bébé n’arrivait pas bien à les prendre. Une des sage-femmes m’a alors conseillé les bouts de sein en silicone. En plus, cela permettait d’avoir moins mal, car oui, évidemment, chaque fois qu’il essayait de téter, j’avais l’impression qu’il m’arrachait le téton. Mon mari s’est donc précipité en pharmacie pour m’en acheter.
Problème (et là, c’est le serpent qui se mord la queue), c’est apparemment plus difficile pour un bébé de téter avec les bouts de sein en silicone. Cela lui demande plus d’énergie en tout cas, ce que mon bébé n’avait pas vraiment en stock.
Bébé se fatiguait systématiquement après deux-trois succions. On nous a alors conseillé de le changer avant chaque tétée pour le réveiller et de le laisser en body durant la tétée pour qu’il ait un peu froid et ainsi éviter qu’il se rendorme. J’avais aussi comme consigne de le gratouiller en permanence pour le maintenir éveillé (pratique, quand on a déjà du mal à bien le positionner). Sauf que rien n’y faisait, il faisait deux-trois tétées et se rendormait. Les sages-femmes n’y arrivaient pas plus que moi.
De plus, ma montée de lait tardait à venir. Le troisième jour, je ne l’avais toujours pas.
Pourtant, jusque-là, je n’étais pas encore démoralisée. J’étais très accompagnée par le personnel soignant pour les tétées et j’avais l’impression que bébé progressait, du coup, je ne m’inquiétais pas. Certes, en raison du poids de bébé, l’hôpital nous a proposé de prolonger le séjour, mais sur le moment, cela ne m’a pas inquiétée. J’étais rassurée de pouvoir bénéficier un peu plus longtemps de leur suivi et conseil.
Et puis, le 3eme jour, une assistante-puéricultrice vient nous voir et nous dit que bébé a presque perdu 10% de son poids de naissance (la limite qu’ils ne veulent pas surtout pas dépasser). Elle ajoute que comme je n’ai toujours pas ma montée de lait, il faudrait passer aux biberons de complément. En nous disant que, bien sûr, je peux refuser mais que bébé continuera alors à perdre du poids. Cela a été un vrai choc pour moi et m’a abattu. J’ai accepté la mort dans l’âme, ayant trop peur de mettre en danger mon fils si je refusais les compléments.
L’allaitement m’avait toujours paru naturel presque inné… et pourtant !
C’est alors que j’ai réalisé que même si je ne m’étais jamais vu comme une aficionado de l’allaitement, inconsciemment, ma mère nous ayant allaités, ma sœur et moi, cela me semblait naturel de le faire, c’était le modèle que je m’étais toujours vu reproduire. Être contrainte de donner des biberons de complément, je l’ai vécu comme un échec et cela m’a vraiment déprimée.
La nuit qui a suivi, j’ai refoulé les larmes, mélange de frustration, fatigue (je dormais très peu la nuit entre les réveils pour nourrir bébé et les passages des sage-femmes pour surveiller ses constantes vitales) et culpabilité (car oui, si mon bébé perdait aussi dangereusement du poids, c’était la faute de mon incapacité à le nourrir).
Ensuite, j’ai enfin eu ma montée de lait, sauf que mes deux seins se sont immédiatement congestionnés. Ils étaient énormes, j’avais l’impression de m’être faire refaire les seins. Et cela a duré environ trente-six heures. On me faisait faire du tire-lait mais cela ne donnait rien. Mon bébé n’arrivait toujours pas à téter et me faisait toujours mal. On me disait de mettre des linges mouillés chaud sur mes seins pour les détendre. Sauf qu’en faisant ça, j’ai mouillé le body de mon fils sans m’en rendre compte (merci, fatigue) et sa température est descendu à moins de 36,5°C. Son père a dû faire 40 minutes de peau-à-peau avec lui pour lui faire remonter sa température. Bref, bonjour la culpabilité pour moi et après ça, je n’avais plus envie de me mettre du linge mouillé sur moi.
Une sage-femme spécialisée en allaitement m’a aidée
J’ai fini par craquer et fondre en larmes lors d’une nouvelle tentative de tétée où bébé m’avait à nouveau fait mal. Heureusement pour moi, une sage-femme, experte en allaitement, est arrivée à ce moment-là. Elle a fait de l’extraction manuelle (en y mettant énormément de force, je n’y serais jamais arrivé par moi-même) et mes seins se sont enfin décongestionnés. Elle m’a aussi dit que mes bouts de sein en silicone ET les embouts que l’hôpital m’avait remis pour le tire-lait n’étaient pas à la bonne taille pour moi et avaient donc contribué à me faire des crevasses.
Grâce à cette sage-femme, c’est le moral à peu près rétabli que nous sommes rentrés à la maison. Sauf que bébé continuait de me faire extrêmement mal à chaque tétée. A la maternité, on m’avait dit que c’était normal d’avoir mal les premières secondes mais sans me dire si cela ne durerait que les premiers jours ou si c’était censé durer tout le long de l’allaitement. Moi, ça faisait deux semaines et j’avais toujours l’impression que bébé m’arrachait un téton dès qu’il le prenait en bouche. Une fois, mon mari m’a même dit qu’il avait l’impression que je souffrais plus en lui donnant le sein qu’en accouchant. Et franchement, j’avais presque envie de lui donner raison.
J’ai presque eu aussi mal en accouchant qu’en allaitant
En plus, bébé semblait téter dans le vide. Il avait beau me sembler bien positionné, comme indiqué dans les livres, je n’arrivais pas vraiment à le voir déglutir. Nous continuions donc de compléter chaque tétée par un biberon. Une fois, il a ainsi englouti un biberon de 90 ml (son maximum à l’époque) alors qu’il venait de passer une heure sur mon sein. Frustrant…
Et malheureusement, dans les deux semaines qui ont suivi le retour à la maison, la courbe de poids de mon fils a fait le yoyo et en moyenne tous les deux jours, nous avons dû le faire peser par les sage-femmes puis la pédiatre. Nouvelle crise de larme pour moi, avec en plus, la culpabilité de pleurer ainsi devant mon bébé.
Pourtant, je n’arrivais pas à me décider d’arrêter d’allaiter.
Je m’acharnais alors que je m’étais jurée de ne pas le faire. Mais entre toutes les études médicales expliquant que l’allaitement, c’est plus d’immunité, moins d’allergie et le lait en poudre qui m’apparaissait si peu appétissant, je culpabilisais à l’idée de ne donner que du lait en poudre à mon fils.
J’ai alors décidé d’arrêter de lui donner le sein et de tirer mon lait. Je tirais trois-quatre fois en 24h, cela me prenait à peu près une heure à chaque fois (je tirais en effet un sein après l’autre, ce qui prenait plus de temps). Je ne produisais pas assez de lait, nous avons donc continué l’allaitement mixte, qui, en plus, nous permettait de nous relayer la nuit.
Cela a duré une dizaine de jours, puis mon mari a repris le travail et mon fils s’est mis à réclamer énormément les bras. Je n’avais donc plus le temps de tirer mon lait aussi régulièrement et j’ai réintroduit progressivement le sein.
Cette pause avait permis à mon fils de prendre du poids et de l’énergie, à mes tétons de se rétablir et à mon mental d’aller mieux. La mise au sein a alors enfin fonctionné.
Pendant 15 jours, cela s’est bien passé.
Mon bébé acceptait aussi bien de prendre le sein que le biberon.
La douleur en début de tétée avait à peu près disparu ainsi qu’en cours de tétée. Pendant une semaine, j’ai ainsi réussi à lui donner exclusivement le sein en journée.
Pourtant, même quand la tétée se passait bien, je ne ressentais pas particulièrement de plaisir. Déjà, l’appréhension d’avoir mal a mis du temps à disparaître et puis, je ne ressentais pas de fusion particulière comme j’avais pu le lire dans des témoignages. C’était agréable mais je m’ennuyais au bout de cinq minutes. De plus, contrairement au biberon, bébé n’était pas dans une position qui nous permettait d’échanger des regards, ce qui me manquait un peu.
Et puis, je ne sais pas pourquoi, mon fils s’est mis à mal téter le sein droit. J’ai eu une crevasse et j’ai moins donné le sein droit, le temps qu’il cicatrise. Mon sein s’est alors congestionné à nouveau. J’ai eu un énorme coup de fatigue et ma température est montée jusqu’à 39°C. La fièvre a duré 24h et j’ai fini par comprendre que je faisais une mastite (mon sein était devenu rouge en plus d’être gonflé et tendu).
La mastite a été la goutte qui fait déborder le vase et j’ai décidé de mettre fin à cet allaitement
En plus, mon fils n’avait l’air de ne faire aucune différence entre mon bon lait et celui en poudre, je n’avais donc plus vraiment de remords à lui donner ce dernier. J’ai sevré très progressivement (en un mois) pour ne pas refaire de congestion et aujourd’hui, à trois mois, mon fils a eu sa dernière tétée.
Alors, cet allaitement est un demi-échec puisque j’ai quand même réussi à tenir trois mois mais n’ai jamais réussi à le rendre exclusif. Je ne sais même pas si cela a été utile puisque toutes les études vantant les bienfaits de l’allaitement sur le bébé parlent toujours d’allaitement exclusif et non d’allaitement mixte. Ce dont je suis persuadée, c’est que je n’aurais pas eu de crise de larmes si j’avais donné tout de suite le biberon, et aurais eu un souvenir positif de mon séjour en maternité alors qu’aujourd’hui, ce n’est pas vraiment le cas en dépit de la gentillesse du personnel soignant autour de moi.
Pour autant, je ne regrette pas d’avoir essayé mais je regrette que le chemin ait été aussi difficile.
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Banane dit
L’allaitement n’a pas été un plaisir pour moi non plus.
1er bébé grand préma avec malformation de la bouche : j’ai tiré mon lait pendant 3 mois, je l’ai mis un peu au sein en néonat (ça coulait tout seul) mais dès son retour à la maison c’était exclusivement biberons. De toute façon il fallait épaissir son lait car gros RGO.
Pour la 2ème, j’ai essayé l’allaitement, mais c’était une source de stress dès la maternité : je chronométrais pour chaque sein, peur qu’elle ait trop ou pas assez (bcp de régurgitations, RGO aussi) –> au bout de 6 semaines on est passé au lait épaissi et ça a été la détente pour tout le monde.
Je n’ai même pas fait de tétée d’accueil pour le dernier. Il a aussi eu besoin très vite de lait épaissi pour son RGO, on a tâtonné à trouver le bon lait et j’ai culpabilisé de lui faire vivre ça (alors qu’au sein ça n’aurait pas été mieux pour ce problème, mais bon, fatigue/hormones, etc…) 😉
Je comprends que ça puisse être difficile de renoncer, même si ça n’a pas été mon cas. J’avais lu, et je suis toujours d’accord avec ça, que l’essentiel est d’être à l’aise avec son choix, car il y a du positif et du négatif partout, la proportion dépend aussi de la famille (organisation, santé de chacun des membres, etc…)
Sarah dit
Bonjour,
J’ai connu aussi les douleurs atroces, les crevasses, l’enfant qui a du mal à prendre le sein, le poids qu’on guette en stressant, le tire-lait, le biberon en allaitement mixte, la mastite, les antibiotiques et jusqu’à l’abcès opéré en anesthésie générale… mais à chaque nouvelle difficulté je me disais, allez, c’est sûrement la dernière, le plus dur est derrière moi… tout ça m’a pris une énergie folle et si j’ai un deuxième enfant, je me poserai vraiment la question de ne pas allaiter pour me simplifier la vie et remonter la pente beaucoup plus vite physiquement !
Et clairement, le bébé a attrapé toutes les maladies de la crèche comme les copains, malgré l’allaitement 😀!
J’espère que vous pourrez digérer cet épisode difficile pour garder un souvenir plus serein de tout ce que vous avez fait pour votre bébé et pour vous, bravo à vous !
Anne-Sophie dit
Bonjour J,
J’ai vécu à peu près la même chose que toi pour Bébé 1.
Quand Bébé 2 est arrivé, je n’ai pas pu avoir la péridurale alors que je comptais dessus. L’accouchement s’est bien passé mais j’ai eu terriblement mal. J’ai attrapé une angine le jour de la naissance et j’avais très mal à la gorge. Et les 2 premiers jours de l’allaitement commençaient comme pour Bébé 1 : j’avais mal.
Je crois que mon seuil de douleur a été atteint et j’ai décidé d’arrêter l’allaitement le 3ème jour. La maternité m’a prévenue que ce serait difficile de l’arrêter en pleine montée de lait mais m’a aussi accompagnée dans mon choix. J’ai suivi tous les conseils et tout s’est bien passé, en une semaine, je n’avais plus de lait.
J’ai été fière de moi de savoir dire stop à l’allaitement. J’ai été alignée avec mon choix et soutenue par mon mari et par la maternité.
Je souhaite à chacune de trouver ce qui la rend heureuse dans cette phase où nous pouvons aussi être fragile !
Sarah dit
Bonjour J,
Merci pour ton témoignage, je me sens ainsi moins seule…
J’ai des tétons ombiliqués et mon allaitement snest aussi très mal passé. J’ai eu la chance d’avoir une montée de lait rapide et pas de douleurs, mais mon fils était incapable de boire de grandes quantités et son poids faisait le yo-yo aussi, alors qu’il passait des heures au sein. Il est aussi né avec près d’un mois d’avance et la sage femme que j’ai vu pour le post partum m’a expliqué que c’était normal qu’il ait du mal.
Le point de bascule a été le pic de croissance des 3 semaines, mon fils hurlait dés qu’il n’était plus au sein (même si il s’était endormi)et perdait du poids. J’ai arrêté l’allaitement après ça et j’ai du être suivie par une psychologue : tant je m’en voulais, j’entrais inquiète que je n’arrivais plus à dormir.
2 mois après tout allait mieux, mon bébé a bien grandi au biberon et nous sommes une famille heureuse. L’allaitement n’est pas l’alpha et l’oméga de ce bonheur et j’aurais vraiment aimé le comprendre avant !