Je vous préviens, le témoignage de Solène est très dur. Plein de courage et surtout d’amour à cette future maman. Je vous souhaite, Solène, de pouvoir profiter de votre grossesse et d’arriver à tisser de beaux liens avec votre enfant, il mérite tout autant que vous de connaître cet amour inconditionnel et hors norme qu’est celui d’une maman pour son bébé.
{Témoignage} Grossesse & Anorexie
Et voilà, j’y suis, à quasi deux tiers de ma grossesse. 24 semaines sont passées, derrière moi. Ce ne fut pas de tout repos et, au vu des derniers résultats consécutifs à l’échographie du second trimestre, cela promet de ne pas être des vacances non plus dans les jours à venir.
Celà fait plusieurs années que je suis suivie par différents hôpitaux et praticiens privés pour essayer de soigner l’anorexie restrictive et vomitive qui me bouffe la vie et la santé. Mon mari a toujours été là pour me soutenir, du mieux qu’il peut. Il ne m’a jamais forcée à rien mais a toujours été là pour me parler si besoin était. Il a toujours voulu des enfants. Moi pas. Après des actes incestueux subis pendant mon enfance, non merci, les enfants très peu pour moi. Mes parents n’ont pas été capables de me protéger. Qui suis-je pour prétendre pouvoir mieux faire?
Monsieur était au courant avant même qu’il décide de se marier avec moi : la descendance ou moi, il fallait choisir. Il m’a choisie moi, mais le temps a fait que, doucement, il a réussi à me convaincre que je n’étais pas qu’une boule de mal être abîmée, mais aussi une personne capable de donner et de transmettre de l’amour. «Bon, pourquoi pas, on verra.»
Nous étions en 2016, j’avais des cycles irréguliers, voire quasi inexistants, depuis plusieurs mois. L’anorexie revenait de plus belle et coupait l’arrivée des règles. Nous décidons malgré tout d’arrêter la contraception. Deux mois passent. J’ai l’impression de n’être capable de rien. Les tests d’ovulation sont tous négatifs. Nous partons en vacances dans la belle-famille à l’étranger dans un état d’esprit assez étrange. Lui, inquiet de me voir tourner en rond. Moi, pas spécialement fan de grossesse, mais me sentant incapable de quoi que ce soit, incapable de lui offrir l’enfant dont il rêve depuis toujours.
Et là, miracle du couscous ou de l’insouciance, je tombe enceinte pendant ces vacances au soleil, loin du quotidien. Je m’en rends compte au bout d’un mois, tant ma poitrine tire et les nausées me parasitent. Elles continueront d’ailleurs à me pourrir la vie pendant quatre mois. Mon quotidien n’est fait que de vomi. Je ne supporte aucun anti nausées, sauf le Donormyl que je prends avant de dormir pour éviter les nausées nocturnes qui me réveillent. Le travail est insupportable, je tangue comme un bateau à l’intérieur. Pendant les quatre premiers mois, j’ai perdu 6 kilos. Je ne me sens pas enceinte, hormis au niveau de ma poitrine qui devient une carte routière. L’écho du premier trimestre est bonne, le foetus remue bien.
Et au cinquième mois, le drame : les nausées disparaissent, l’appétit revient… avec la maladie. Je me restreins, ne me nourris que de soupe et de salades, saute des repas pour éviter la course aux kilos. Je ne supporte pas les premiers mouvements du bébé, qui m’agacent plus qu’ils ne m’apportent de joie. Je n’arrive pas à m’attacher à l’enfant qui grandit dans mon ventre: il est la cause de tous mes maux, de la transformation de mon corps, et mon inconscient le rejette. Les disputes avec mon mari sont fréquentes car il ne supporte pas l’idée que je me sous alimente en mettant notre enfant en danger. Je l’écoute d’une oreille: la maladie est plus forte que tout. J’ai des idées noires, je rentre mon ventre le plus possible, et me surprends à vouloir me donner des coups dans le ventre, sans pour autant aller jusqu’au bout de mes pensées. La sage femme de l’hôpital me propose des séances de suivi psychologique, que j’accepte, mais les rdv sont tellement rares que leur utilité est moindre.
Puis vient la seconde écho : suspicion de retard de croissance intra utérin. Le foetus est tout petit. Tout est là, au bon endroit, mais tout est de petite taille. Pourtant, mon mari et moi faisons plus d’1,72m. Là, les choses ont bougé dans mon esprit. Etait-ce la fatalité ? Je ne sais pas. Mais je commence à rire de ses mouvements, des bosses qu’il fait sur mon ventre, de ses réactions. Je prends plaisir à saisir la main de mon mari pour la mettre sur mon ventre lorsque le bébé est déchaîné le matin au réveil (avant, impossible, interdiction pour qui que ce soit de me faire remarquer que j’étais enceinte). J’ai rendez-vous prochainement dans un service anté natal pour vérifier la croissance du foetus. Les suites, les médecins nous le diront. Mais désormais je sens que quelque chose a changé : même si je continue de faire trop attention à ce que je mange, que je n’ai pris que cinq kilos à vingt-quatre semaines, je considère mon enfant comme un être qui existe. Ce qui est un énorme pas, en tout cas pour moi.
Vous souhaitez publier votre histoire sur le blog ? C’est ici que ça se passe.
Liliwed dit
Suis la seule à m’étonner qu’il n’y ait pas eu de suivi pour préparer cette étape importante ? Il est important de se faire confiance et de faire confiance à son couple, mais important aussi de savoir se faire soutenir quand le besoin s’en fait ressentir (ce qui est plutôt le cas ici).
j’ai été anorexique, il y a longtemps, et ai bien vécu ma grossesse, mais le post-partum n’a pas été évident-évident.
Avec cette maladie, ça prend plus de temps pour se connecter avec son corps, ce petit bébé, les contractions, mais c’est important et ça fait partie de la préparation à l’arrivée de ce bébé, qui vous ressemblera et sera un peu de vous deux.
Très bonne suite de grossesse mais n’hésitez pas à vous faire aider (psychiatre, pédo-psy), pour vivre le plus facilement possible cette grande étape ou l’on passe d’enfant de ses parents à parent à son tour !
Laura dit
Plein plein plein de courage. J’ai souffert d’anorexie et cela a été dur de vaincre cette maladie qui pourrie )elle vraiment) la vie et l’esprit. C’est difficile, mais cela est possible de s’en sortir. Courage ❤️
Sophie dit
Plein de courage à toi ! Et je te souhaite du bonheur à n’en plus finir avec ton mari et ton petit bout. Après la pluie … le beau temps !
Kris dit
Bonjour,
Tout d’abord bravo pour ce témoignage très touchant. Je suis bien placé pour savoir à quel point il est difficile de parler de cette maladie.
Le combat risque d’être encore long mais essayez de vous faire confiance, à vous et à votre bébé.
Beaucoup de courage et je vous souhaite de profiter chaque jour un peu plus.
En espèrant avoir de bonnes nouvelles bientôt
Rozie dit
Et bien … Je ne sais pas ce qu’est l’anorexie.
Mais je sais ce que c’est que de ne pas vouloir d’enfant.
Mon mari a toujours su qu’il devait choisir aussi entre moi et sa descendance et il m’a choisie moi.
J’ai peur qu’une jour il réussisse à me convaincre. Si c’était le cas, je saurais que je ferai ça pour lui, et que je vivrais cette grossesse exactement comme toi. Sans me lier à cet enfant, en essayant d’obliger mon corps à changer le moins possible, à détester qu’on me rappelle que je suis enceinte et à trouver désagréable les coups.
Et aussi … A vouloir me donner des coups dans le ventre.
Je n’ai pourtant rien vécu de tout cela, mais ce témoignage résonne très, très fort en moi.
Chère Madame, tu es terriblement courageuse. Et terriblement forte.
Je suis ravie de lire qu’un changement s’opère et que tu vas vers un épanouissement. Je vous souhaite bien du bonheur, à tous les trois.
Courage pour la fin de la grossesse :).