Avant de devenir Mamange, Aurélie ne se doutait pas qu’il existait des associations pour l’aide au deuil périnatal. Voici son témoignage.
{Témoignage} Pieds Par Terre, Coeur En l’Air, association pour l’aide au deuil périnatal
Je m’appelle Aurélie, j’ai 32 ans et ma vie de maman a commencé de la pire manière qui soit: mon bébé est mort avant de naître… J’ai reçu des condoléances et non des félicitations, j’ai pleuré au-dessus d’un cercueil plutôt que de m’émerveiller au dessus d’un berceau, j’ai mis dans une jolie boite en carton des objets qui ne seraient jamais utilisés plutôt que de remplir mon iPhone de photos par milliers…
J’ai appris que son cœur avait cessé de battre alors que, les reins labourés par les contractions mais le sourire aux lèvres, je m’apprêtais à lui donner la vie… A 6 jours du terme, le 25 juillet 2013, le travail avait commencé à la maison. Le temps qu’on se décide à partir et qu’on arrive à la maternité, le cordon ombilical, qui entourait son cou (ça on ne le savait pas…), s’était resserré un peu plus à chaque contraction, jusqu’à ce que l’oxygène ne puisse plus circuler… On a mis du temps à comprendre. Comment imaginer l’inimaginable? Puis le gynécologue a reposé la sonde a échographie et à seulement dit, d’un ton grave: « Bon, il y a un problème…« . Si des gynécologues et/ou sage-femmes me lisent, par pitié ne dites jamais, JAMAIS, à une femme qui vient de perdre son bébé que c’est un « problème ». Certes, pour vous ça en est peut-être un : vous allez devoir extirper un corps inanimé du ventre de sa mère ou bien faire la toilette d’un mort. Certes, certes… Mais pour nous, mamans (et papas) desenfantés, c’est le sol qui s’effondre sous nos pieds et la terre qui nous engouffre tout entiers, c’est le monde qui cesse de tourner… Je me demande même si mon coeur n’a pas cessé de battre pendant une fraction de seconde. Alors, pesez bien vos mots: ils peuvent être tout aussi assassins que la nature l’a été avec nos bébés.
Une fois l’accouchement, les funérailles et la dispersion des cendres passés, j’ai dû entamer mon travail de deuil. J’avais beaucoup de colère en moi alors, envers moi-même, envers ce gynéco tout juste humain (je ne l’ai plus jamais revu après qu’il avait prononcé ces mots assassins et passé la porte…), envers la terre entière en fait… J’ai tenté de trouver de l’aide auprès d’une association que je ne citerai pas, on ne m’a rappelée que des semaines plus tard: la personne était visiblement dépassée par sa tâche. Le plus grand soutien que j’ai pu trouver en dehors de mon homme avec qui j’ai traversé cette tempête main dans la main, c’est ma mère qui a pris RDV pour moi au CMP de notre ville. Mon homme et moi avons eu plusieurs entretiens avec deux infirmiers psychiatriques, et cela m’a permis de réaliser combien j’étais forte et capable de résilience. Au fil des semaines, mon esprit « s’apaisait »… J’ai commencé à vouloir entretenir la mémoire de mon bébé plutôt que d’entretenir la colère…
Je ne sais plus trop comment je suis tombée sur la page de ce qui était à l’époque un collectif de parents endeuillés: Pieds Par Terre, Coeur En l’Air. Pour la première fois à Paris, une marche silencieuse allait être organisée à l’occasion de la Journée Internationale de Sensibilisation au Deuil Périnatal, le 15 octobre 2013. Je n’avais aucune idée de l’existence de cette journée auparavant… évidemment. Comme je suis passionnée de graphisme et que j’avais déjà créé plusieurs affiches pour des événements commerciaux, je me suis proposée d’aider à la création d’un support de communication si besoin. Et j’ai été prise aux mots! Depuis, le collectif est devenu association, j’ai rejoint le comité d’administration et je crée chaque année une nouvelle affiche pour « promouvoir » la marche, les marches même car nous nous sommes étendues depuis à Lyon, Toulouse, Bruxelles, et Marseille est en prévision pour le 15 octobre 2017. J’ai aussi écrit les discours lus en 2015 et 2016. Pourtant, je n’ai pu participer à aucune des marches. La première marche de Toulouse a eu lieu l’année dernière alors que je venais de quitter le Tarn pour m’expatrier à l’étranger. Mais j’aide à ma manière. C’est devenu comme un rituel, ma façon d’entretenir la mémoire de mon bébé, ma fille, Milana…
L’association Pieds Par Terre, Coeur En l’Air, c’est non seulement permettre aux parents (et cela ne s’arrête pas au père et à la mère) de se rencontrer et de poser un rituel en mémoire de leur bébé, mais aussi sensibiliser aux spécificités du deuil périnatal, tant le grand public que les professionnels de santé (et « mon » gynéco en aurait bien eu besoin…). Nous avons aussi pour vocation de permettre aux parents de mieux connaître les différentes associations œuvrant dans le domaine du deuil périnatal, ce afin qu’ils puissent trouver l’aide nécessaire et adaptée à leur situation, plutôt que de se retrouver face à eux-mêmes comme je l’ai été. L’année dernière, notre message était axé sur l’écoute des parents et nous avons voulu sensibiliser tout particulièrement sur les enjeux sanitaires et sociaux liés au deuil périnatal: dépression, addiction, séparation du couple parental… et plus encore. Cette année, le thème est porteur d’espoir: il s’agit de la résilience. Cela me parle beaucoup. Car si, comme tout parent privé de son enfant, j’ai touché le fond, j’ai aussi pris conscience mieux que quiconque de la valeur de la vie, de sa laideur comme de sa beauté. On me dit souvent que je suis courageuse, admirable. J’ai juste envie de vivre une vie heureuse, cela n’enlève rien au manque que j’éprouve et à l’amour que je porte à ma fille, au contraire. Je vis pour deux à présent. Et aussi pour les deux magnifiques petits frères que m’a envoyés mon ange…
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Lily Smrčka dit
Merci pour ton message Alyssa. Je te souhaite bcp de courage dans ton cheminement suite à la perte de ton bébé. Comme disent souvent les mamanges « le bonheur en partant m’a dit qu’il reviendrait ». N’hésite pas à rejoindre des groupes de mamanges sur Facebook ou via des assos si cela peut te faire du bien, et pourquoi pas te rapprocher de Pieds Par Terre Coeur En l’Air. Plein de bisous volants vers Aaron 👼 qui est, j’en suis sure, bien entouré. Aurélie
Noui Alyssa dit
Bonjour Aurélie,
Je viens de perdre mon fils Aaron a 33SA d’une preeclampsie et je trouve ton message plein de courage et d’espoir pour le futur ❤️
Merci pour ton implication dans cette association. Je souhaiterai en faire de même pour rendre hommage à tous nos petits anges.
Bonne continuation
Lulu dit
Bonjour Aurélie,
J’ai aussi découvert Pieds par terre, Coeurs en l’air après avoir perdu mon bébé âgé de deux mois. Nous l’avons inscrit l’an dernier au lâcher de ballon, ne pouvant pas nous y rendre nous-mêmes. Je me souviens très bien de ce discours dont tu parles : il nous a profondément émus. Nous l’avons trouvé tellement juste, tellement parlant, comme s’il avait été écrit pour nous.
Je n’ai pas le courage de m’investir dans des causes concernant le deuil périnatal ou bien pour la maladie de mon bébé, voulant balayer tout ce qui me fait encore faire des cauchemars. Mais ces associations et ces démarches sont importantes et bénéfiques pour les parents endeuillés. Bravo à toi et à tes collègues de l’Association pour votre implication.
Plein de bonnes ondes pour toi et ta petite famille
Aurélie dit
Merci Lulu et heureuse que PPTCEA puisse t’apporter un peu de réconfort <3
Ebea dit
Planquée derrière mon écran d’ordinateur au bureau, je lis ce texte avec les yeux plein de larmes.
Je n’ose imaginer, et je pense sincèrement que personne ne peut imaginer l’épreuve que cela doit être.
Bravo pour votre engagement dans cette association. La seconde partie de ce témoignage est rempli de vie et d’envie.
Bonne continuation… soyez heureux !
Aurélie dit
Merci Ebea <3
Effectivement on ne peut imaginer ce que c'est tant qu'on ne l'a pas vécu…