Alors qu’Alice ne savait même pas qu’elle était enceinte, elle a du être opérée en urgences car elle faisait une grossesse extra-utérine. Totalement abasourdie par le manque d’empathie et de suivi, la jeune femme veut raconter ce qu’il s’est passé pour délier les langues sur ce sujet encore très tabou. Voici son témoignage.
{Témoignage} Faire une GEU en pleine crise sanitaire
Bonjour à toutes les lectrices du blog,
Je me présente : Alice, 28 ans, fiancée, chef de cuisine et conseillère bien-être. En essais bébé depuis quelques mois déjà, mais sans pression. Nous avons décidé de ne pas calculer les jours d’ovulations ou autre, pas de pression : bébé arrivera quand il arrivera.
Lundi 1 er février, il est 14h je rentre du boulot avec une légère fatigue, mais bon rien d’alarmant : je n’ai rien dans l’estomac je n’ai pas eu le temps de manger ce matin la, ni le midi. Je me précipite donc sur les cookies.
Et là, une grande douleur lancinante me vient dans le bas ventre. Je ne m’alarme pas : un doliprane, une bouillotte et du repos devraient faire l’affaire. Il est 18h00, je me lève pour aller aux toilettes, tout va bien, une fois assise je suis prise de vertige, la douleur est de plus en plus pointue, monsieur appelle le SAMU.
A leur arrivée, ils m’emmènent sans grande conviction aux urgences et là commence le calvaire.
Il est 19h, après avoir passé l’accueil on me pose sur une chaise en salle d’attente…
Je vois des personnes arriver, passer devant moi, rien ne se passe pour moi.
Je suis pliée en deux de douleur, pourtant pas douillette habituellement, je demande un anti-douleur à l’infirmière, le médecin lui rétorque « elle peut pas attendre ?!«
Je ne relève pas et prends mon mal en patience.
Il est maintenant 21h, je n’ai toujours pas été auscultée. Enfin, on me passe enfin dans un box, on m’enfile une blouse, je me dis chouette on va s’occuper enfin de moi.
22h prise de sang.
22h30 je saigne mais je ne comprends pas pourquoi, mes règles sont finies depuis maintenant 5 jours, je préviens l’infirmière qui me donne une couche.
2h30, on revient enfin vers moi, le médecin prend ma tension et m’annonce que « vous êtes enceinte mais il y a un truc bizarre« .
On me monte aux urgences gynécologiques, et là tout vas « très vite «
L’interne en gynéco, est top, très douce, elle m’annonce qu’effectivement je suis enceinte mais que ce n’est pas viable, que je fais une hémorragie interne, 500ml de sang se baladent dans mon ventre, elle bipe sa chef qui confirme le diagnostic.
Pas une minute à perdre, on part au bloc sans même attendre le résultat du test PCR, je comprends à ce moment-là que ma vie est en danger.
Il est 4h du mat, c’est parti.
Du bloc je ne me souviens que de cette angoisse au moment de l’anesthésie.
Le réveil a été dur, je ne comprends pas vraiment ce qu’il se passe, des infirmières et médecins viennent régulièrement dans la chambre, on m’explique qu’on a du retirer la trompe qui avait éclaté. Encore sous l’effet de l’anesthésie je ne comprends pas tout.
A cause du covid, aucune visite n’est autorisée, je suis là, seule, « entourée » d’inconnus.
Les « visites » médicales se succèdent, on me parle contraception, me culpabilise sur mon tabagisme, mon « surpoids » (1.68m pour 75 kg faut pas pousser non plus).
Il est 16h, je quitte l’hôpital à peine 12 heures après ma chirurgie, avec 4 jours d’arrêt maladie (je travaille en cuisine #chargeslourdesbonjour)
Pendant plusieurs jours je continue de saigner (c’est normal sauf qu’on ne m’a pas prévenue). Très vite la douleur physique s’efface pour laisser place à la culpabilité, à la tentative de deuil, à la douleur morale…
Je ne sais pas comment faire face à tout ça, je ne suis pas armée, accompagnée par mon entourage, mais cette impression d’avoir été jetée dans la fausse aux lions sans protection.
C’est en allant voir ma gyneco pour prolonger mon arrêt que les choses se sont arrangées. Elle m’a déculpabilisée, elle m’explique tout, que l’œuf n’avait que quelques jours d’existence et elle me conseille un suivi psy (outrée qu’on ne me l’ai pas même suggéré à l’hôpital)
Le 12 fevrier, appel de l’hôpital, il faut y retourner en urgence, mon œuf n’a pas été trouvé dans la trompe à l’anapat, je suis probablement encore enceinte.
Ascenseur émotionnel à nouveau, mais non en fait pas du tout : l’aspiration « à fait son job »…
Cela fait maintenant presque 3 mois
3 mois que je me lève le matin en y pensant
3 mois que je revis cette soirée nuit après nuit
3 mois que je me dis que je ne serai jamais maman car je ne pourrais pas revivre une telle épreuve
3 mois que j’angoisse au moindre changement sur mon corps
3 mois que j’ai perdu le goût de vivre
3 mois de faux semblants, à organiser notre mariage avec le sourire en cherchant à mettre du positif dans ma vie
3 mois que je me noie sous le travail pour ne plus penser
Je ne vois plus les choses de la même façon, j’ai beau savoir que je peux encore avoir des enfants, je suis incapable de l’envisager aujourd’hui.
Je suis tombée sur ce blog par hasard et je me rends compte que de coucher par écrit ce que j’ai vécu me fait un bien fou.
Je pense que nous avons besoin de plus de prévention, qu’il ne faut plus que ce que nous vivons soit tabou, qu’il faut en parler autour de nous, mais surtout qu’il faut que les choses CHANGENT ! 15000 Geu / an en France ce n’est pas une banalité.
Il faut que le personnel soignant arrête de banaliser les fausses-couches et grossesses extra-utérines, nous avons besoin d’humains face à nous quand ça arrive, mais aussi d’accompagnement !
Opérer une femme, c’est aussi faire un vrai suivi, en incluant le psychologique, en ne la culpabilisant pas, en la conseillant, en l’accompagnant.
J’ai envie de sortir dans la rue le point levé pour changer les choses !
Parlez autour de vous, sensibilisez les femmes de votre entourage ! Une simple douleur peut avoir des conséquences dramatiques !
Merci de m’avoir donner la possibilité de m’exprimer, merci à toi qui a eu la patience de me lire 💕
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RAMY dit
Ton témoignage me boulverse.
Je suis enceinte de 7 mois aujourd’hui… Il y 8 mois je faisais une GEU.
Je me retrouve dans tes lignes.
Je savais pourtant que j’étais enceinte… Mais après plusieurs visite à la mat… La GEu n’a pas été détectée. Alors que je pleurais d’inquiétude sentant que qqch n’allait pas… Une sage femme dont je vois encore le visage me dit « c’est ça d’être parent madame… Ce n’est qu’un début ». Puis elle m’a renvoyée chez moi… Alors que je courrais un grave danger. Honte à elle pour ces paroles. Qui est elle pour nous dire cela ?
Plus tard.. Je reviendrai en urgence. Transférée de mon domicile vers l’hôpital par un médecin de garde remplaçant à qui je dois la vie.
J’ai alors rencontré une gynéco extraordinaire.
Un anesthésiste incroyable. Le tout en pleine nuit… En plein covid. Mon mari… Seul dans la salle d’attente.
Les jours d’après ont été tellement difficiles. Des interlocuteurs différents me demandant pourquoi je pleurais… « ah.. La grossesse était voulue ?! »… J’étais un numéro…
La visite avec ma gynéco en liberal m’a fait du bien. Elle m’a orientée vers une hypnotherapeute. Une personne incroyable.
15 jours après, un petit miracle est venu se loger dans mon ventre. Mes 3 premiers mois ont été très difficiles. J’étais dans la peur et je ne me réjouissais pas. Aujourd’hui encore, je vis une grossesse…non sereine. Pourtant, tout se passe au mieux. Cette peur que tout vrille en qq secondes. Le traumatisme est encore là.
Je mesure l’immense bonheur d’avoir en mois ce petit bébé étoile. Je mesure que la vie est fragile.
Comme toi, je raconte ce qui nous est arrivé. Je « milite »… Contre le silence des 3 premiers mois…
J’essaie de faire de cette difficile épreuve, une force.
Je te souhaite beaucoup de bonheur et d’apaisement. Le temps nous aidera. Mais nous n’oublierons pas.